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14 octobre 2024 1 14 /10 /octobre /2024 11:39

 

 

À la suite de mon dernier article sur l'état des finances publiques de la France, j'ai plusieurs fois eu l'occasion de m'exprimer dans les médias et en conférences sur les baisses annoncées de dépenses publiques et les hausses de prélèvements obligatoires. À l'évidence, l'austérité est à l'ordre du jour et la problématique de la remise d'équerre des comptes publics mérite mieux que les postures politiques à l'Assemblée nationale. C'est pourquoi, en complément de mes articles de blog, je vous propose aujourd'hui quelques vidéos, avec des points de vue parfois très divergents, qui vous permettront je l'espère de mieux saisir les tenants et aboutissants de ce débat.

 

"Hausses des impôts : nécessité fait-elle loi ?"

 

"Budget : peut-on échapper à l'austérité ?"

"Budget 2025 : le retour de l'austérité ?"

"La dette explosive de la France : les solutions radicales des experts du CAE"

Et comme le rappelle avec brio Olivier Passet dans la vidéo ci-dessous, "à force d’avoir crié au loup trop souvent, d’avoir surjoué depuis deux décennies la thématique de la faillite de l’État, le discours de l’insoutenabilité de la dette publique n’est plus audible". Et pourtant, aujourd'hui la situation est grave !

P.S. L'image de ce billet provient de cet article du site du CADTM.

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7 octobre 2024 1 07 /10 /octobre /2024 15:29

 

 

Après le dérapage du déficit public de la France à 5,5 % du PIB en 2023 et un risque de dérive encore plus grand en 2025, Michel Barnier vient d'annoncer que l'austérité était à l'ordre du jour. Seule certitude pour l'heure : le gouvernement compte réaliser dans le prochain budget 40 milliards de coupes dans les dépenses publiques et augmenter de 20 milliards les prélèvements.

 

C'est dans ce contexte que j'ai été invité par le cercle Edmond About de la MJC centre social de Dieuze à donner une conférence, samedi 12 octobre à 17h à la MJC. Ce sera l'occasion de s'interroger sur l’évolution des dépenses publiques, des prélèvements obligatoires et du déficit public en France, afin d’en saisir la réalité socioéconomique propre par-delà les seules comparaisons avec nos voisins européens. Puis, nous analyserons les options qui permettraient de remettre les finances publiques d’équerre sans provoquer une grave crise économique, dans un contexte de crise sociale et politique larvée.


Cette conférence est ouverte à tous et ne nécessite aucune connaissance particulière.

 

Entrée gratuite !

 

 

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9 septembre 2024 1 09 /09 /septembre /2024 14:26

 

 

Entre deux articles, l'un sur la croissance française en berne et l'autre sur le déficit commercial de la France, j'ai bien entendu suivi le lassant et pitoyable feuilleton "à la recherche d'un Premier ministre non censurable", qui a mis en évidence les limites du fonctionnement institutionnel de la Ve République. D'un côté, il y a un Président de la République bloqué à la suite de son choix hasardeux de dissoudre l'Assemblée nationale au pire moment et qui se refuse à changer de politique malgré un désaveu patent dans les urnes. De l'autre, il y a des partis politiques incapables de s'entendre pour gouverner, les uns et les autres campant sur leurs positions, certaines étant à l'évidence irréconciliables tant elles sont aux antipodes.

 

Pendant ce temps, probablement trop absorbés par la parenthèse sportive et les dieux du stade (ludi circensens), les Français ne semblaient pas gênés aux entournures par la vacance historique du pouvoir, comme si abandonné le sort de l'État français pendant près de 2 mois entre les mains de ministres démissionnaires était au fond une situation banale. Certains sont même allés jusqu'à se réjouir de cette situation qui, selon eux, feraient advenir une VIe République plus parlementaire, n'hésitant pas à faire des comparaisons douteuses avec d'autres pays comme la Belgique ou l'Espagne, quand bien même le construit institutionnel n'est en rien comparable. Et pour ajouter à la confusion, certains ministres démissionnaires étaient parfois parlementaires, sans que l’Assemblée nationale ait réellement son mot à dire sur leurs choix politiques, puisqu'il n'aura pas semblé utile au Président de la République de convoquer une session extraordinaire.

 

Car pour extraordinaire, la situation l'a été et va encore l'être beaucoup plus, maintenant qu'il est question de faire des choix budgétaires qui auront un impact important sur la vie de tous les Français. Et la nomination de Michel Barnier a de quoi surprendre : le nouveau monde voulu par Emmanuel Macron semble s'être fait rattraper par l'ancien... Toujours est-il que la vraie question est à présent de savoir où en est l'État français de ses finances publiques. J'aborde en général les questions de finances publiques au moment du budget, mais le contexte actuel m'invite à m'y intéresser avec un peu d'avance, ce qui m'oblige aussi à remercier mon ami Gérard (lecteur de ce blog) pour sa suggestion d'article.

 

Le déficit public

 

Trop souvent, les commentateurs confondent le déficit budgétaire (= de l'État) avec le déficit public, qui lui résulte de la somme des soldes de toutes les administrations publiques (État, collectivités, Sécurité sociale et administrations publiques diverses).

Infographie: Comment évolue le déficit public ? | Statista Vous trouverez plus d'infographie sur Statista

Hélas, alors que les recettes publiques sont très dépendantes de l'activité (la croissance), cette dernière est atone, malgré une probable modeste embellie au troisième trimestre en raison des Jeux olympiques. Bref, les recettes n'augmenteront probablement pas suffisamment pour couvrir la hausse des dépenses publiques. Passons sur la guerre de tranchées entre l'État et les collectivités, le premier accusant par la voix très autorisée de Bruno Le Maire les secondes de dégrader les comptes de 2024 d'environ 16 milliards d'euros. C'est l'hôpital qui se moque de la charité, leur répondent en substance les collectivités, elles qui sont légalement contraintes de voter un budget à l’équilibre, l’emprunt ne pouvant servir qu'à financer des dépenses d’investissement.

 

Les nouvelles contraintes

 

Le contexte a cependant évolué très négativement pour l'État français, puisque la France a été officiellement placée sous une procédure de déficit public excessif par la Commission européenne, contraignant le nouveau gouvernement à mettre en œuvre un plan pluriannuel de réduction du déficit et de l’endettement publics. Et il est évident que la Commission européenne ne se contentera plus d'un projet de loi de programmation pluriannuelle des finances publiques aussi optimiste que celui présenté l'an passé pour la période 2023-2027, qui expliquait comment la France rentrerait quasi certainement dans les clous financiers d'ici à 2027.

 

 

[ Source : HCFP ]

 

De plus, l'État français est placé sur la lamelle de microscope des agences de notation, en particulier depuis que Standard & Poor’s a sanctionné la dégradation non anticipée des finances publiques françaises et la politique budgétaire trop optimiste du gouvernement.

 

100 milliards à trouver d'ici à 2028

 

Commença alors la course à l'échalote pour faire au plus vite des coupes dans les dépenses publiques ("économies", sic) : 10 milliards annoncées dans un premier temps et concrétisés avant la dissolution, puis 20 et enfin 30 encore dans les cartons, au nom de l'impératif de faire "économies dans les dépenses", "dépenser moins lorsque l'on gagne moins", "donner un gage de sérieux", etc. Mais, avec la dissolution de l'Assemblée nationale, une partie de ces coupes ont été suspendues. Une note du Trésor remise avec un mois et demi de retard aux parlementaires évoque une dérive des comptes, si rien n'était entrepris, vers 6,5 % du PIB de déficit à l'horizon 2027. Il est depuis question d'une négociation avec Bruxelles sur le rythme de réduction exigé du déficit public, mais qui nécessiterait tout de même de trouver 30 milliards d’euros en 2025 et environ 100 milliards d’euros sur les 4 prochaines années !

 

Le nouveau gouvernement ne disposera, cependant, que de quelques jours pour tenir les délais constitutionnels de dépôt d'un budget au Parlement pour un examen dès le 1er octobre pendant 70 jours (+5 jours pour le Conseil constitutionnel). À moins de contorsionner la LOLF (Loi organique relative aux lois de finances) comme l'envisagent déjà certains conseillers de Matignon, afin de décaler le dépôt de 15 jours. Heureusement, Bruno Le Maire et Thomas Cazenave ont été prévoyants et ont gentiment laissé un budget provisoire à la nouvelle équipe et les lettres de plafonds de dépenses ont déjà été envoyées dans les ministères.

 

Mais sauf à croire qu'un budget est politiquement et socialement neutre, il paraît peu plausible que le nouveau ministre des Finances se contente d'avaliser un tel document qui, pour des raisons électorales, consiste dans ses grandes lignes à reconduire le budget 2024 en valeur et à approuver les coupes déjà décidées. Il est donc fort probable que le nouveau gouvernement de Michel Barnier fera des choix, au risque d'être censuré par les députés, puisque les uns revendiquent plus d'État social - quitte à augmenter les dépenses publiques -, tandis que les autres exigent une stabilisation, voire une baisse, des prélèvements obligatoires. À ce stade, il me semble peu probable d'échapper à plus ou moins court/moyen terme à une hausse des prélèvements obligatoires, malgré toutes les promesses d'Emmanuel Macron. Zone de turbulences en vue !

 

Du bon usage des dépenses publiques

 

Plutôt que de focaliser l'attention sur le seul montant des dépenses publiques, il importe surtout de s'interroger sur leur nature, leur efficacité, leur nécessité, etc. Mais c'est là un travail bien plus fastidieux et assurément moins vendeur en matière politique, d'autant qu'il faudra admettre que les administrations publiques ne s’enrichissent pas elles-mêmes en dépensant, au contraire elles contribuent à augmenter la capacité de production de richesses futures de l’ensemble de l’économie par des investissements porteurs, des subventions bienvenues ou des dotations suffisantes.

 

Autrement dit, les dépenses publiques de l'État n'ont rien à voir avec les dépenses d'un ménage comme certains s'échinent à le répéter ; elles sont avant tout le fruit d'un compromis social entre des citoyens qui veulent œuvrer à l'intérêt commun. L'on ne peut donc échapper à une réflexion sur l'articulation entre le secteur privé et le secteur public, afin de fixer les missions que les citoyens français veulent confier à la puissance publique. Répétons-le : s'il est indispensable de s’interroger sur la nature et l'efficacité des dépenses publiques, il faut néanmoins se garder de vouloir les couper à tout prix, de manière indifférenciée, sous peine de plonger l'économie dans un tourbillon récessif.

 

Avec un président de la République bloqué politiquement pendant au moins 10 mois encore, jusqu'à la prochaine dissolution en juillet 2025, si ce n'est jusqu'à la fin de son mandat, il eût été bien avisé de faire montre de courage et de convoquer un véritable débat républicain avec les forces vives de la nation pour s'entendre sur le périmètre de l'action publique (dépenses publiques) et les moyens à lui allouer (prélèvements obligatoires dont impôts). Durée d'un tel débat, si l'on en juge par les expériences suédoises et canadiennes ? Environ 2 ans. Et comme en Gaule, les discussions sont plus animées qu'ailleurs, les trois dernières années du mandat présidentiel me semblent être une durée adéquate, d'autant qu'Emmanuel Macron ne pourra constitutionnellement pas se représenter.

 

Mais il est vrai que, au-delà de ce projet au long cours, il y a des obligations imminentes. Faut-il ainsi rappeler que la Commission européenne exige un plan sur les finances publiques françaises à moyen terme pour le 20 septembre (une demande de prolongation a déjà été faite...) et que les agences de notation vont examiner la note souveraine de l'État en octobre ? Je reste cependant convaincu qu'un véritable débat républicain avec les forces vives de la nation - pas un grand déballage national comme lors du mouvement des gilets jaunes - serait à même d'apaiser tout à la fois nos partenaires européens, les marchés financiers et les institutions européennes, car un tel débat avec résultat obligatoire et contraignant est un gage de sérieux pour les budgets à venir.

 

Quoi qu'il en soit, cette fois il n'y a plus aucun doute, les Jeux olympiques sont terminés et les Français pourront suivre avec plaisir (ou dépit...) une autre forme de sport, les joutes parlementaires !

 

P.S. L'image de ce billet provient de cet article de la Revue Banque

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28 août 2024 3 28 /08 /août /2024 13:09

 

 

L'été 2024 aura assurément été à nul autre pareil, entre d'un côté le coup politique manqué d'Emmanuel Macron, qui en fait de clarification a conduit à un blocage politique inédit de l'État, et de l'autre une parenthèse enchantée de ludi circensens (dont j'avais parlé ici) à 8,9 milliards d'euros. Et pendant ce temps, l'économie française est morose et jamais les oppositions n'ont été aussi vives alors même qu'il s'agit de bâtir en urgence un budget crédible dans un contexte de dégradation de la note souveraine de la France par l'agence de notation Standard & Poor's et de placement du pays sous procédure de déficit excessif par les instances européennes. Il ne reste plus qu'à évoquer dans cet article les échanges extérieurs pour avoir une vision d'ensemble de la situation économique du pays.

 

Balance commerciale et taux de couverture

 

Commençons par quelques rappels terminologiques et méthodologiques. La balance commerciale est le compte qui retrace la valeur des biens exportés et la valeur des biens importés sur la base des statistiques douanières. Les exportations ne prennent en compte que les coûts d’acheminement jusqu’à la frontière française, c'est pourquoi l'on parle d'une valorisation FAB (franco à bord). Les importations, quant à elles, sont évaluées en tenant compte des coûts d’acheminement entre les deux frontières, ce que l'on qualifie de valorisation CAF (coût assurance fret).

 

Afin de pouvoir analyser des flux homogènes, les services des douanes sont dès lors contraints de corriger les chiffres CAF pour obtenir la valeur des importations FAB :

 

 

[ Source : https://lekiosque.finances.gouv.fr/site_fr/etudes/methode/traitement.asp ]

 

Le solde de la balance commerciale est par définition la différence entre la valeur des exportations et celle des importations. Si celui-ci est positif, on parle d'excédent commercial, sinon il s'agit d'un déficit commercial. Il est à noter que contrairement aux États-Unis entre autres, la balance commerciale en France ne couvre donc que les biens, mais pas les services.

 

Une autre manière, équivalente, de présenter le commerce international de biens, consiste à calculer le taux de couverture du commerce extérieur :

 

 

* lorsque le taux de couverture est inférieur à 1, la balance commerciale est déficitaire ;

 

 * lorsque le taux de couverture est égal à 1, la balance commerciale est équilibrée ;

 

 * lorsque le taux de couverture est supérieur à 1, la balance commerciale est excédentaire.

 

Notons que la balance commerciale (et donc le taux de couverture), peut être relative à un produit ou à l'ensemble des échanges de produits.

 

Le déficit commercial de la France

 

Commençons par ce graphique qui présente l'évolution du solde commercial de la France depuis 2014, sachant que celui-ci est structurellement déficitaire depuis 2004 :

 

 

[ Source : Rapport 2024 sur le commerce extérieur ]

 

Alors que les exportations de biens ont continué à croître en 2023, certes beaucoup moins fortement, les importations ont baissé en valeur en raison principalement du recul des prix de l'énergie. L'un dans l'autre, la balance commerciale demeure largement déficitaire de 99,6 milliards d'euros, certes mieux que le triste record de 162,7 milliards en 2022 ! Le graphique ci-dessous montre d'ailleurs le poids de la facture énergétique :

 

 

[ Source : Rapport 2024 sur le commerce extérieur ]

 

Les chiffres clés du commerce extérieur de la France en 2023

 

Toujours selon le rapport 2024 sur le commerce extérieur, voilà les principaux éléments à retenir sur le commerce extérieur de la France (chiffres, principaux partenaires, secteurs concernés...) :

 

 

[ Source : Rapport 2024 sur le commerce extérieur ]

 

Le solde commercial de quelques autres pays de l'UE

 

Le graphique ci-dessous présente le solde de la balance commerciale pour plusieurs pays de l'UE. Il faut néanmoins rester prudent sur l'interprétation de ces chiffres, puisqu'ils ne tiennent pas définition pas compte des services et ne permettent certainement pas de conclure qu'en Allemagne tout va bien et qu'à l'inverse au Royaume-Uni tout va mal, comme je l'ai expliqué dans mon livre Les grands mécanismes de l'économie en clair (3e édition), aux éditions Ellipses.

 

 

[ Source : https://perspective.usherbrooke.ca ]

 

L'on notera que même la locomotive allemande est bien en peine depuis au moins le début de la guerre en Ukraine, entre demande intérieure en berne, production sous tension et exportations en recul. Pour l'ensemble des pays exportateurs, l'atonie de la demande internationale, en particulier chinoise, pèse lourdement sur les exportations. À cela se conjuguent les incertitudes géopolitiques et le moral dans les chaussettes des ménages dont le pouvoir d'achat a beaucoup souffert depuis deux ans.

 

Est-ce grave docteur ?

 

Ce qui compte vraiment, ce n'est pas tant le solde des seuls biens (balance commerciale), mais celui qui inclut les biens, services, revenus (salaires, dividendes, intérêts…) et certains transferts (dons, aides…). L'on obtient alors la balance courante, présentée sur le graphique ci-dessous :

 

 

[ Source : Rapport 2024 sur le commerce extérieur ]

 

Et l'image qu'elle donne du commerce extérieur est bien différente de celle qui résultait de la seule prise en compte des biens. En effet, même si le solde commercial est déficitaire, c'est tout le contraire pour les services, même s'il faut admettre un recul après le record de l'année dernière. Dans les détails, et pour le résumer simplement, le déficit dans les services de transport, notamment maritimes, est largement compensé par le tourisme et les services financiers.

 

Cette balance courante reflète, à mon sens, la réalité de l'économie française où la part de l'industrie est déclinante (désindustrialisation) et où les emplois se situent essentiellement dans le secteur des services.

 

 

[ Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2121532 ]

 

Ces chiffres nous obligent donc à nous interroger sur la dépendance de la France aux pays étrangers et sur les choix politiques réalisés au cours des trois dernières décennies. Ce d'autant que la crise liée à la covid-19 rappelle au demeurant qu'au-delà des chiffres, le commerce international soulève des questions de souveraineté et de sécurité trop longtemps occultées… En tout état de cause, l'illusion d'une économie de pure connaissance sans industrie est une chimère, qui a contribué à une désindustrialisation accélérée et une baisse des dépenses de R&D. De là découle notamment une baisse tendancielle des gains de productivité, de la croissance potentielle et de la place de la France dans le concert des nations exportatrices.

 

 

[ Source : Rapport 2024 sur le commerce extérieur ]

 

Le Figaro a d'ailleurs publié cet été une série d'articles passionnants, sobrement intitulés "les fantômes de l'économie française". L'on y apprend qu'au-delà de la célèbre phrase de Serge Tchuruk ("Alcatel doit devenir une entreprise sans usine"), prononcée en 2001 alors qu'il était grand patron d'Alcatel, c'est l'ensemble de l’intelligentsia politique et économique de l'époque qui adhérait à l'idéologie du marché libre (cela a-t-il changé ?). Les cerveaux réputés les mieux formés de France avait alors réussi le tour de force de laisser le patrimoine industrielle français se déliter sans broncher. Il s'ensuivra des démantèlements en cascade qui iront d'Alcatel à Pechiney, en passant par la fusion avortée entre Schneider et Legrand, sans oublier la privatisation des autoroutes...

 

Et comme le rappelait Vincent Vicard, directeur adjoint du CEPII, dans une entrevue accordée au Monde il y a un an (mais toujours d’actualité !), les politiques publiques de baisse d'impôts sur la production et de réindustrialisation ont largement échoué à inverser la tendance, car la délocalisation reste un outil très prisé des multinationales françaises... À trop lorgner du côté de la compétitivité prix, l'on finit par oublier les autres dimensions de la compétitivité comme la qualité. Vouloir à tout prix faire de toutes les PME françaises des sociétés exportatrices me semble dès lors vain et inatteignable, car toutes n'ont pas vocation à s'étendre à l’international, malgré de nouvelles et nombreuses aides publiques.

 

Or, faut-il rappeler que ce n'est pas en accompagnant la dégradation du tissu industriel d'une dégradation des conditions de travail, de retraite et de chômage, que l'on inversera cette tendance. Et dire qu'il aura fallu attendre Macron, chantre de la flexibilité rebaptisée flexisécurité, pour que la question de la souveraineté économique refasse surface, même si la gestion de la crise de la covid-19 a montré l'incapacité du gouvernement français à ajouter des actes aux paroles ! Et que dire de cette lubie pour les seules start-up, alors que l'essentiel de l'emploi est lié aux industries plus traditionnelles, qu'il faudrait accompagner dans leur transition écologique (entre autres).

 

Bref, année après année, les dirigeants politiques déplorent le déficit commercial sans en analyser les causes dont ils sont souvent en partie responsables et qu'ils chérissent. Terminer un billet économique en paraphrasant Bossuet, qui l'eût cru ?

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31 juillet 2024 3 31 /07 /juillet /2024 12:50

 

 

Après des élections législatives qui en fait de clarification ont plutôt conduit au blocage politique de l'État, voilà que la France vit l'euphorie de ses Jeux olympiques dont le rapport coûts/bénéfices est pourtant loin d'être forcément positif. Victoire des ludi circensens (dont j'avais parlé ici) auraient dit les Anciens. Le temps semble dès lors comme suspendu, le nombre de médailles dans la journée étant devenu un indicateur (provisoirement) plus suivi que le taux de croissance ou d'inflation. Pourtant, la situation économique dégradée continuera immanquablement à se faire sentir après la clôture des JO, car les faits sont têtus... Dans ce billet, nous allons donc faire un point sur la croissance.

 

Rappels sur la croissance

 

La croissance est l'évolution d'un indicateur de production (Produit Intérieur Brut, PIB) en excluant la variation des prix (inflation). Le taux de croissance de l'économie mesure alors son évolution d'une période à l'autre (mois, trimestre, année) en pourcentage. Notons qu'il est abusif de parler de croissance lorsque l'échelle temporelle est le court terme, car la croissance est par définition un indicateur de long terme. Il serait préférable d'utiliser le mot l'expansion en lieu et place de croissance, mais l'abus est quasiment généralisé, même à l'Insee.

 

Par construction de l'agrégat, le PIB peut se calculer en sommant ses différentes composantes : dépenses de consommation des ménages ; dépenses des institutions sans but lucratif au service des ménages ; dépenses des administrations publiques ; investissement ; variations de stocks et solde commercial. De là découle que la croissance du PIB peut être décomposée en la somme des contributions de ces différentes composantes.

 

Venons-en à présent à la croissance potentielle définie comme la croissance réalisant le niveau maximal de production sans accélération de l'inflation, compte tenu des capacités de production et de la main-d’œuvre disponibles. En partant de l'identité suivante Y = P.N où Y désigne le PIB, P la productivité par tête et N  l'emploi, l'on en déduit que la croissance potentielle est liée aux gains de productivité par tête et à la croissance de la population active.

 

Le PIB français et ses composantes

 

Comme le montre le graphique ci-dessous, les composantes habituelles de la croissance française (consommation et investissement) sont en panne, ce qui explique une augmentation très faible du PIB en volume (+0,3 % après +0,3 % au trimestre précédent) :

 

 

[ Source : Insee ]

 

L'on peut évidemment se féliciter d'un taux au moins positif, contrairement à l'Allemagne qui s'enfonce rapidement dans la crise après le choc de l'énergie et la concurrence chinoise dans l'automobile notamment, mais de là à crier cocorico comme l'a fait Bruno Le Maire, il y a un pas de trop ! Il ne faudrait, en effet, pas oublier que cette très faible expansion a été obtenue au prix d'aides massives de l'État, aux ménages dans une moindre mesure, mais surtout aux entreprises. L'inflation est venue laminer le pouvoir d'achat des consommateurs et, ce faisant, la demande adressée aux entreprises.

 

Et si l'on y ajoute les incertitudes croissantes (politiques, sociales, financières...), rien ne permet d'être optimiste sur la croissance à venir comme le montrent les indicateurs de climat des affaires et de confiance en l'avenir... Et c'est peu dire que la rentrée sociale et politique va être brûlante, ne serait-ce qu'en raison de l'extrême difficulté à trouver un gouvernement et de la nécessité de bâtir un budget crédible, depuis la dégradation de la note souveraine de la France par l'agence de notation Standard & Poor's et le placement du pays sous procédure de déficit excessif par les instances européennes.

 

P.S. : l'image de ce billet provient de cet éditorial du journal Ouest France.

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3 juin 2024 1 03 /06 /juin /2024 11:44

 

 

Voilà typiquement le genre de nouvelle qui ne changera probablement pas grand-chose aux conditions de financement de l'État français. Mais cela en dit tout de même long sur la réalité des finances publiques dans le pays et la façon dont la gestion gouvernementale est perçue, malgré les gesticulations de Bruno Le Maire, toujours persuadé d'avoir "sauvé l'économie française"... J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur ce sujet dans le cadre d'une conférence que j'ai donnée en avril dernier avril à l'Université Populaire de Sarreguemines (UPSC). Mais, il me semble important d'y revenir brièvement, car cette dégradation constitue avant tout un camouflet pour la politique du gouvernement, à quelques encablures des élections européennes.

 

État des lieux des finances publiques

 

Souvenez-vous, c'était il y a seulement quelques semaines. Le ministre de l'Économie était contraint d'admettre, après la publication des chiffres par l'Insee, que le déficit public était bien supérieur aux prévisions, aux alentours de 5,5 % du PIB en 2023.

 

 

[ Source : Insee ]

 

Et bien qu'il soit de bon ton au sein du gouvernement de critiquer vertement les finances des administrations de Sécurité sociale, force est de constater que crier au loup n'est pas un gage de sagesse (budgétaire) :

 

 

[ Source : Insee ]

Quant à la dette publique - ensemble des dettes des administrations publiques au sens de Maastricht - elle augmente de 147,6 milliards d'euros en 2023 pour s’établir à 3 100 milliards d'euros, i.e. 110,6 %  du PIB.

 

 

[ Source : Insee ]

 

Sanction de la politique du gouvernement

 

L’agence de notation Standard & Poor’s a sanctionné tant cette dégradation non anticipée des finances publiques françaises que la politique budgétaire trop optimiste du gouvernement. En effet, à l'instar de très nombreux collègues - et même de la Cour des comptes ! -, j'avais déjà eu l'occasion d'expliquer combien les prévisions de croissance et de réduction du déficit public me semblaient inatteignables. Résultat des courses : l'agence américaine abaisse la note souveraine de la France de AA à AA− !

 

Pourtant, pour rassurer ses partenaires européens et éviter une nouvelle humiliation de la Commission européenne lors de l'entrée en vigueur des nouvelles règles budgétaires européennes, Bruno Le Maire avait multiplié les appels à sabrer les dépenses publiques dans l'urgence, dès le mois de février.

Au-delà des 10 milliards de cette année, il a très vite été question de couper entre 20 et 30 milliards d’euros supplémentaires de dépenses publiques, afin de revenir sur une trajectoire de réduction du déficit public menant en dessous des 3 % du PIB en 2027. Le tout enrobé dans un discours paternaliste usant et abusant d'expressions telles que "économies dans les dépenses", "dépenser moins lorsque l'on gagne moins", "gage de sérieux", etc.

 

La course aux coupes budgétaires et ses conséquences

 

Le résultat sera pourtant le même : à supposer qu'il soit possible de couper de tels montants dans les dépenses publiques, l'économie française et en particulier la croissance en pâtiront, car contrairement à une idée reçue, les dépenses publiques ne sont pas simplement les dépenses de fonctionnement de l'État comme je l'ai expliqué dans cet article.

 

Les dépenses publiques de l'État n'ont rien à voir avec les dépenses d'un ménage comme certains s'échinent à le répéter ; elles sont avant tout le fruit d'un compromis social entre citoyens et, en tant que telles, l'on ne peut  échapper à une réflexion sur l'articulation entre le secteur privé et le secteur public, afin de fixer les missions que les citoyens français veulent confier à la puissance publique. Vaste programme, peu rémunérateur sur le plan politique, et absolument impossible à mettre en œuvre dans l'urgence.

 

D'où, la prolifération d'idées plus ou moins exotiques pour couper les dépenses publiques : réforme de l’assurance chômage, modifications de la prise en charge est affections de longue durée, gel du point pour les fonctionnaires et les retraités, hausse de la TVA… Or, face au ralentissement économique général en Europe, il n'est même pas certain que les montants évoqués plus haut soient suffisants, d'où l'hypothèse de plus en plus probable d'une hausse concomitante des prélèvements obligatoires.

 

Certes, cette option nucléaire ne serait utilisée qu'en dernier ressort, dans la mesure où elle porterait l'estocade à la politique d'Emmanuel Macron, élu (et réélu) sur la promesse de baisser les prélèvements obligatoires. Mais face à l'urgence, l'histoire politique de la France montre ad nauseam combien les dirigeants politiques savent manier l'art de la palinodie !

 

Quelles conséquences d'une dégradation de la note ?

 

Disons-le d'emblée : cette dégradation de la note souveraine ne changera pas radicalement les conditions de financement de l'État français. Certes, il est possible que les taux d'intérêt sur les différents produits de dette publique augmentent un peu, mais les acteurs de ce marché ont déjà eu le temps de se faire une opinion des finances publiques françaises, et de l'intégrer à leurs évaluations, depuis le dérapage annoncé en mars dernier. C'est ce que montre l'écart entre les taux à 10 ans en Allemagne et en France, appelé spread :

 

 

[ Source : https://fr.investing.com/rates-bonds/de-10y-vs-fr-10y ]


De plus, les titres de la dette publique française restent très recherchés, car au fond il ne reste pas tant de titres réputés sûrs, alors que de très nombreux agents financiers ont l'obligation d'en détenir (fonds de pension, assureurs...). Mais, il à peu près certain que tous ces acheteurs de dette publique feront désormais pression - directement ou indirectement - pour que le gouvernement français réduise les dépenses publiques et, qui sait, augmente les prélèvements obligatoires en désespoir de cause. C'est aussi cela "l’ordre de la dette" dont parle Benjamin Lemoine et que mes étudiants de L2 connaissent bien à présent.

 

Qui de la soutenabilité de la dette publique ?

 

Dernière réflexion : la dette publique est-elle encore soutenable en France ? Ce débat récurrent avait notamment donné lieu à des passes d'armes épiques entre économistes, en 2021, lorsque l'idée avait été lancée d'annuler la dette publique détenue par l'Eurosystème. J'en avais rendu compte dans cet article.

 

Pour préciser les choses, une dette publique est considérée comme soutenable tant que les administrations publiques qui se sont endettées (État, Sécurité sociale, organismes divers d’administration centrale et collectivités locales) sont en mesure d’assurer à tout instant le service de la dette accumulée. Au vu de ce qui a été dit plus haut, cela suppose entre autres une capacité à lever de nouveaux impôts et surtout le maintien de l’accès aux marchés financiers. L'on voit ainsi immédiatement comment la notation souveraine peut influencer la soutenabilité de la dette publique.

 

Pour l'instant, il ne semble pas qu'il y ait un danger clairement identifiable à court terme, mais que dire à plus long terme ? Je vous invite d'ailleurs à jeter un œil sur cette courte vidéo dans laquelle Olivier Passet donne son point de vue sur la question :

P.S. L'image de cet article provient de cette vidéo de BFM TV.

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15 mai 2024 3 15 /05 /mai /2024 12:45

 

 

Sur le site du Haut-commissaire au plan, l'on pouvait lire la description suivante : "Nommé Haut-commissaire au Plan lors du conseil des ministres du 3 septembre 2020, François Bayrou est chargé d'animer et de coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour le compte de l'État, ainsi que d'éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels."

 

Pourtant, en pratique, l'exercice s'éloigne beaucoup du travail effectué, entre 1946 et 2005, par le commissariat général du Plan qui s'inscrivait sur un horizon moyen de 5 ans. Il n'est donc pas inutile de revenir brièvement sur ce qu'a été la planification à ses débuts, en particulier  avec le témoignage de Pierre Massé, haut fonctionnaire, qui fut commissaire général de 1959 à 1966. Dans un livre éclairant sur la foi nourrie par les hauts fonctionnaires dans un développement économique profitant à tous, Le Plan ou l'anti-hasard, Pierre Massé explique sa vision du Plan. Nous nous appuierons sur l'édition de 1965 parue à la NRF.

 

la planification

 

Pour pallier les insuffisances du marché et coordonner les efforts de production avec un objectif précis, les États ont commencé dans les années 1930 à intervenir dans l'économie. Des plans fut alors élaborés par l'État, coercitifs dans le monde socialiste, incitatif dans le cas de la France notamment. C'est le 3 janvier 1946 que le processus de planification fut mis en place en France, avec la création du Commissariat général du plan dirigé par Jean Monnet. À cette époque, il s'agissait avant tout de programmer des objectifs réalistes de reconstruction du pays après la guerre, puis de transformation/modernisation.

 

Le développement économique et social

 

Pour lui, le développement économique et social était une "aventure réfléchie et calculée" (p. 17). "L'homme des années soixante veut être sujet actif de son destin [...], il cherche par des voies encore incertaines la participation économique. D'où l'effort de planification, de prévision et de prospective qui est l'un des signes de notre temps." (ibid.). Massé y voit l'occasion de substituer, enfin, la coopération au conflit, ce qui rappelle que l'économie ne peut se résumer à la définition technique donnée par Lionel Robbins en 1932 dans An Essay on the Nature and Significance of Economic Science, (London, Mac Millan) : "L’économie est la science qui étudie le comportement humain comme une relation entre des fins et des ressources rares ayant des usages alternatifs".

 

De l'extrapolation à la prospective

 

Contrairement à l'extrapolation, qui consiste à prolonger le passé pour en déduire un futur quasi déterministe, Pierre Massé s'intéresse à un principe d'action, qui exige "l'appréciation du moment où l'intervention humaine sera décisive" (ibid., p. 31). Il en déduit la nécessité de passer de "l'extrapolation en probabilité", qui "reste de l'ordre  de la projection et ne fait pas une part suffisante aux virtualités du futur", à la "prospective, attitude ouverte en face d'un avenir ouvert" (ibid., p. 32).

 

Il en déduit l'une des plus belles définitions de la prospective à mon sens : "la logique de la recherche prospective est ainsi d'inverser le cheminement traditionnel et de partir de l'exploration de l'avenir - non pas d'un avenir déduit, mais d'une pluralité d'avenirs imaginés. [...] Au lieu de se satisfaire du prévu, elle cherche à imaginer, pour y parer, l'imprévu. En outre, au sein de l'imaginaire, elle recherche le souhaitable, soit pour ses éléments positifs, soit pour sa valeur décisive contre certains périls." (ibid., p 33). L'on retrouve là "l'attitude prospective", vue comme philosophie de l'action par Gaston Berger.

 

Bien entendu, tout ne peut pas être imaginé, sauf à disposer de pouvoirs divinatoires. Aujourd'hui, cela nous fait inévitablement penser aux "cygnes noirs" de Nassim Taleb, i.e. ces événements imprévisibles ou rares dont les conséquences sont d'une portée considérable. Mais, même lorsqu'il est possible d'imaginer certaines lignes de l'avenir, la méthode prospective exige "le rétrécissement de la perspective" (ibid., p. 34). Et après "l'étude du champ des possibles s'ouvre la phase la plus importante et la plus difficile de la recherche, le raccordement au réel".

 

De la pertinence d'un plan

 

Autrement dit, pour "qu'une [figure de l'avenir] serve de guide à l'action, il faut encore qu'elle soit réalisable, c'est-à-dire qu'il existe un ensemble de décisions portant sur la réalité présente et compatibles avec elle (pour abréger, praticables), dont l'effet soit de rendre probable sa réalisation" (ibid., p. 36). Cela rappelle avec justesse que pour qu'une décision soit praticable, encore faut-il qu'elle soit en phase avec les réalités économiques, sociales et physiques du moment. Pourquoi évoquer des scénarii s'ils n'ont aucune chance d'être mis en oeuvre ? Ainsi, une "situation sera dite plausible s'il existe un ensemble de décisions praticables permettant d'atteindre probablement cette situation ou une situation au moins aussi bonne" (ibid., p. 36-37).

 

Pierre Massé en conclut que "le plan de la Nation n'apparaît pas ainsi comme une formule magique, mais comme une combinaison perfectible de réalisme et de volonté" (ibid., p. 53). Plus loin, il dira que "la planification à la française est la recherche d'une voie moyenne conciliant l'attachement à la liberté et à l'initiative individuelles avec une orientation commune du développement" (ibid., p. 144). Tout est dit...

 

Les faits, mais pas la fatalité

 

Et pour ceux qui s'imaginaient, déjà à cette époque, que l'unique but suivi par les humains était de consommer toujours plus, Pierre Massé rappelle que "[l'exigence suprême de l'homme] n'est pas davantage un type de civilisation fondé sur la diversification des biens matériels et la multiplication des gadgets" (ibid., p; 89-90). Et d'ajouter : "le fond du problème ne sera plus le niveau de vie, mais le mode de vie".

 

De nos jours, un certain néolibéralisme tend à vouloir substituer l'expertise au débat démocratique, suivant l'idée développée par Walter Lippmann, que les experts seraient seuls capables de comprendre les règles économiques universelles immuables. Exit la confrontation de projets de sociétés différents, et subséquemment les débats contradictoires dans le cadre de l'agon. Il ne reste donc aux citoyens qu'une seule possibilité, s'adapter, comme l'explique avec brio Barbara Stiegler. Or, le Plan était historiquement tout le contraire, puisque "la planification à la française accepte les faits, mais non les fatalités" (ibid., p. 151).

 

En définitive, cela démontre la nécessité de revenir à une véritable planification par l'Homme pour les besoins de l'Homme !

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17 avril 2024 3 17 /04 /avril /2024 13:03

 

 

Après la colère des agriculteurs et autres mouvements sociaux dans le pays, voici qu'il est question de concorde nationale avec l'événement de l'année 2024 : les Jeux olympiques ! Dans le sanctuaire d'Olympie, la flamme olympique a d'ailleurs été allumée, le 16 avril, lors d'une grande cérémonie. Mais derrière l'image d'Épinal d'une grande fête du sport où régneraient bienveillance, solidarité et absence de lucre, se cache en réalité une gigantesque entreprise financière avec ses bénéfices, certes, mais aussi ses coûts. 

 

Analyse économique

 

Outre des objectifs de reconnaissance internationale, de réélection pour les gouvernants et tout simplement de prestige, l'organisation des Jeux olympiques est souvent présentée comme favorable aux retombées économiques nationales. Pour en donner une mesure, deux types d'analyse peuvent être mis en œuvre, l'une comme l'autre présentant des difficultés méthodologiques :

 

 * l'analyse coûts/bénéfices, qui compare (avant ou après les Jeux) la valeur monétaire des coûts et des bénéfices attendus, étant entendu que si les seconds sont supérieurs aux premiers, alors l'organisation des Jeux est réputée rentable pour le pays ;

 

 * l'analyse d'impact économique, qui consiste à se demander quelles sont les retombées économiques monétaires (conséquences sur l'emploi, supplément de revenu généré, développement économique local) de l’organisation des Jeux pour le pays.

 

La malédiction du vainqueur

 

Le lecteur l'aura compris, les pays qui déposent leur candidature ont tendance à surestimer l'impact économique ou les bénéfices par rapport aux coûts, quitte à revoir leur copie une fois l'événement terminé... Autrement dit, comme le montre très bien cet article, les coûts sont souvent bien plus élevés qu'anticipés et dépassent presque toujours les retombées économiques. Tant et si bien qu'il est convenu dans la littérature académique de parler de la « malédiction du vainqueur » pour le pays organisateur.

 

Et cela est vrai à tous les échelons administratifs, comme en témoigne le coût faramineux payé par les collectivités pour voir passer la flamme olympique, dans l'espoir de faire rayonner le territoire et d'augmenter son attractivité.

 

 

[ Source : https://olympics.com/fr/paris-2024/relais-de-la-flamme-olympique ]

 

Pourtant, il se trouve toujours des pays pour organiser de tels événements sportifs, ce qui démontre que le calcul économique doit être élargi en intégrant les coûts et bénéfices sociaux. Mais comment intégrer le sentiment de bonheur, la concorde nationale ou l'engouement pour le sport dans le calcul des bénéfices ? Et comment chiffrer, à court et moyen terme, les changements (transferts) de population d'un quartier à l'autre - accentués par le phénomène Airbnb (d'ailleurs partenaire des JO 2024) -, si l'on considère qu'il s'agit en effet d'un coût pour certains d'entre eux ?

 

Bref, l'organisation d'un tel événement sportif coûte assurément très cher et les retombées sont difficiles à évaluer, même pour le secteur touristique dont on ne cesse d'affirmer qu'il sortira grand vainqueur de l'épreuve. La courte vidéo ci-dessous précise ce point :

Un résumé en vidéo

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9 avril 2024 2 09 /04 /avril /2024 11:40

 

 

Mardi 16 avril 2024 à 18h30, je donnerai une conférence à l'Université Populaire de Sarreguemines (UPSC) sur le modèle de la cafet'éco, que j'avais créée à l'UPSC, il y a plus de 14 ans ! Chacun est libre de prendre quelques notes, de participer en posant ses questions ou simplement d'écouter. Aucun prérequis n'est nécessaire pour suivre cette conférence d'économie.

 

Cette fois, il sera question des finances publiques françaises, après l’annonce d’un dérapage du déficit public à 5,5 % du PIB en 2023.

 

 

[ Source : Insee ]

 

Ce dérapage, bien qu'il ne soit pas porté au crédit du gouvernement (sic), met tout de même la Cour des comptes dans tous ses états :

Désormais, en plus des 10 milliards de cette année, il est question de couper entre 20 et 30 milliards d’euros de dépenses publiques, et au plus vite, afin de revenir sur une trajectoire de réduction du déficit public menant en dessous des 3 % du PIB en 2027. Pour ce faire, toutes les options semblent encore sur la table : réforme de l’assurance chômage, modifications de la prise en charge est affections de longue durée, gel du point pour les fonctionnaires et les retraités, hausse de la TVA… Et face au ralentissement économique général en Europe, il n'est même pas certain que les montants évoqués plus haut soient suffisants, d'où l'hypothèse de plus en plus probable d'une hausse concomitante des impôts.


Cette conférence sera ainsi l’occasion de s’interroger sur la réalité socioéconomique derrière les chiffres des finances publiques, de comparer la situation française à celle de ses voisins européens et d’analyser les conséquences potentielles d’une telle politique menée en urgence. Ambitieux programme, esquissé par ailleurs dans mon petit manuel d'économie grand public, Les grands mécanismes de l'économie en clair (3e édition, revue et augmentée), publié aux éditions Ellipses.

 

Renseignements auprès de l'UPSC, qui a fixé les prix suivants :

 

* Membres de l'UP : 5€
* Non-membres de l'UP : 7€
* Étudiants : gratuit

 

Université Populaire Sarreguemines Confluences

Place Jeanne d'Arc

57200 Sarreguemines

Tél : 03 87 09 39 81

Email : contact@upsc-asso.fr

 

 

P.S. L'image de ce billet provient de cette publication de l'Insee.

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11 mars 2024 1 11 /03 /mars /2024 12:50

 

 

Comme je l'avais déjà écrit sur mon blog, j'ai contribué à un manuel (collectif) d'économie chez Palgrave Macmillan, qui adopte une perspective pluraliste pour revisiter les fondements de l'économie financière et monétaire dans une perspective de durabilité. Sans surprise, je me suis occupé avec un collègue et ami des chapitres ayant trait à la monnaie : Ecological Money and Finance - Exploring Sustainable Monetary and Financial Systems.

 

Dans une perspective plus pratique, un ami à moi me demandait, il y a quelques jours, ce que je pensais de l'économie circulaire dont il est souvent question dans l'actualité. Il n'est pas question pour moi de rendre compte de manière exhaustive du sujet, car je n'en suis pas un spécialiste, mais juste de présenter quelques éléments de ma réflexion.

 

Qu'est-ce l’économie circulaire ?

 

D'après le site du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (sic), "l’économie circulaire consiste à produire des biens et des services de manière durable en limitant la consommation et le gaspillage des ressources et la production des déchets. Il s’agit de passer d’une société du tout jetable à un modèle économique plus circulaire". Ainsi présentée, l'initiative semble vertueuse même si l'on ne voit pas bien de quoi il s'agit réellement.

 

L'économie circulaire, comme son nom l'indique, vise en fait à dépasser la vision linéaire liée à la consommation, qui va de l'extraction de matière première jusqu'à la mise au rebut en passant par la fabrication et la consommation. Il s'agit alors de lui substituer un modèle de production/consommation fondé sur une gestion durable des ressources, afin notamment d'allonger le cycle de vie des produits. Cela passe ainsi par la réutilisation, la reprise, la rénovation et la réparation des produits, d'où une limitation à la fois de l'extraction de nouvelles matières premières et des déchets, ces derniers devant dans le meilleur des cas servir de matière première pour la fabrication. 

 

Domaines et piliers de l’économie circulaire

 

Les principaux domaines et piliers de l'économie circulaire sont bien résumés sur le schéma ci-dessous :

 

 

[ Source : https://www.oec.corsica/Ecunumia-Circulare_a338.html ]

 

L'économie circulaire est devenue un engagement de développement soutenable de la France, au moins depuis la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 18 août 2015. Cette loi doit contribuer à atteindre les objectifs du développement durable (ODD) de l’Agenda 2030.

 

L'article L. 110-1-1 du Code de l'environnement donne alors la définition suivante de l'économie circulaire : "La transition vers une économie circulaire vise à dépasser le modèle économique linéaire consistant à extraire, fabriquer, consommer et jeter en appelant à une consommation sobre et responsable des ressources naturelles et des matières premières primaires ainsi que, par ordre de priorité, à la prévention de la production de déchets, notamment par le réemploi des produits, et, suivant la hiérarchie des modes de traitement des déchets, à une réutilisation, à un recyclage ou, à défaut, à une valorisation des déchets".

 

Le site du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires rappelle que la mise en place de l'économie circulaire nécessite de progresser dans les domaines suivants, qui sont en lien avec le schéma illustrant cet article : l'approvisionnement durable ; l'écoconception ; l’écologie industrielle et territoriale ; l’économie de la fonctionnalité ; la consommation responsable ; l’allongement de la durée d’usage des produits ; l’amélioration de la prévention, de la gestion et du recyclage des déchets.

 

Pour ce faire, la France a publié, en avril 2018, une feuille de route de la transition vers l'économie circulaire avec des objectifs précis (source : https://www.ecologie.gouv.fr/leconomie-circulaire) :

 

* réduction de 30 % par rapport à 2010 de la consommation de ressources dans le PIB ;

* réduction de 50 % par rapport à 2010 des volumes de déchets non dangereux mis en décharge en 2025 ;

* 100 % de plastiques recyclés en 2025 ;

* réduction des émissions de gaz à effet de serre ;

* création de 500 000 emplois supplémentaires.

 

Récupération du concept par le capitalisme

 

Hélas, l'enfer est pavé de bonnes intentions. C'est peu dire que derrière les nombreuses initiatives louables de l'économie circulaire se cachent également de trop nombreux prédateurs du capitalisme (pléonasme ?), plus intéressés par l'idée d'en faire un business rentable qu'écologique. Je crains fort que, d'ores et déjà, le concept d'économie circulaire ne soit devenu la continuation du capitalisme par d'autres moyens. C'est d'ailleurs ce qu'explique avec brio Olivier Passet dans la courte vidéo ci-dessous :

P.S. L'image de cet article provient du site du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

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