Dans un monde économique dominé par des ultralibéraux qui s'ignorent, mais qui n'ont de cesse d'encourager paradoxalement des politiques mercantilistes, il m'a semblé utile de consacrer un billet à l'énorme excédent extérieur de la zone euro.
La balance courante de la zone euro
Tout d'abord, rappelons que la balance courante est la traduction sous forme comptable des échanges de biens (balance commerciale), de services (balance des invisibles) et les transferts courants (revenus, dons, subventions,…) d'un pays avec l'étranger. Pour le dire autrement et simplement, c'est donc une comptabilisation des exportations moins les importations d'un pays.
[ Source : Natixis ]
Sur le graphique ci-dessus, on constate que de 1999 à 2007, la zone euro avait un déficit extérieur très faible, mais qu'au contraire, depuis 2012, elle a un important excédent de sa balance courante.
Sur le plan macroéconomique, il existe une identité comptable entre le solde extérieur et le solde épargne-investissement. D'où l'on déduit qu'entre 1999 et 2007, la zone euro a en moyenne une légère insuffisance d'épargne, tandis que depuis 2012 elle fait face à un énorme excès d'épargne.
Pourquoi ce n'est pas une bonne nouvelle
Or, contrairement à une idée reçue très répandue, cette situation n'est pas une bonne nouvelle pour l'économie européenne ! En effet, cela signifie deux choses en pratique :
* la zone euro fait face, depuis 2012, à une demande intérieure anémiée ;
* comme l'excédent d'épargne résulte d'une baisse de l'investissement public et privé (voir graphique ci-dessous), se pose un problème de gains de productivité et donc de croissance potentielle ;
[ Source : Natixis ]
Au reste, un tel excédent doit normalement conduire à une appréciation de l'euro, ou tout du moins freiner sa dépréciation.
Comment résorber cet excédent extérieur ?
Résorber cet excédent extérieur est donc indispensable pour relancer la demande intérieure de la zone euro. La première façon d'y arriver est évidemment de soutenir la consommation écologiquement soutenable et surtout l'investissement, puisque cela aura un effet d'entraînement sur la productivité et partant la croissance potentielle de la zone euro. À défaut d'investissements privés, c'est l'investissement public qui est visé, car contrairement à ceux qui affirment que l'État ne doit pas intervenir dans l'économie, c'est le moment où jamais qu'il intervienne, ne serait-ce que parce que les taux d'intérêt à long terme sont très bas et que l'activité privée reste globalement atone.
Prendre des mesures d'incitation à l'investissement des entreprises est une excellente idée, à condition qu'il ne s'agisse pas d'un miroir aux alouettes comme le plan Juncker. Il faudrait donc imaginer un dispositif qui prenne appui sur un budget de l'UE autrement plus important que ce qu'il pèse actuellement (environ 1 % du PIB de l'UE)...
Quoi qu'il en soit, il faut impérativement que l'épargne surabondante des pays du Nord, phrase diplomatiquement correcte pour viser l'Allemagne, finance des investissements au sein de la zone euro et non ailleurs dans le monde, comme c'est le cas actuellement ! Au demeurant, c'est précisément l'un des facteurs qui me rend très pessimiste sur l'avenir de la zone euro...
Pour ceux qui souhaiteraient aller plus loin sur ces questions, j'ai consacré plusieurs fiches de mon dernier livre, Mieux comprendre l'économie : 50 idées reçues déchiffrées, à ces questions d'importations/exportations, d'épargne de la nation, de compétitivité allemande et de balances courantes.