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26 juillet 2016 2 26 /07 /juillet /2016 13:26

 

 

Il n'aura échappé à personne que la grande banque d'affaires Goldman Sachs fait souvent parler d'elle ces dernières années, et pas uniquement dans le domaine financier. Il n'est qu'à compter le nombre de dirigeants politiques passés par cette banque pour comprendre l'énorme influence qu'elle peut avoir dans le monde. C'est ce que l'on appelle désormais le Government Sachs... Ce billet, loin d'accréditer quelque théorie conspirationniste, a pour modeste ambition d'aborder la consanguinité entre politique et finance, et bien entendu d'évoquer ce qu'il convient déjà d'appeler l'affaire Barroso.

 

Goldman Sachs

 

Si l'on va sur le site de la banque, on peut y lire la présentation suivante : "fondée en 1869, Goldman Sachs est une banque d’investissement internationale de premier plan. Leader incontesté des métiers traditionnels de la banque d’affaires, des marchés de capitaux et du conseil financier, Goldman Sachs est également un acteur majeur de la gestion d’actifs. Le Groupe offre une large gamme de services financiers à une clientèle diversifiée constituée d’entreprises, d’institutions financières, de gouvernements, d’entités du secteur public et de clients privés. Grâce à son réseau international, Goldman Sachs apporte des conseils et une expertise qui couvrent les marchés de capitaux du monde entier."

 

Mais le plus beau est le paragraphe suivant où Goldman Sachs s'affiche clairement comme une "entreprise citoyenne" : "Goldman Sachs joue un rôle actif au sein de la collectivité. Dans le monde entier, nos employés contribuent, par leur temps, leurs ressources et leurs savoir-faire, à différents programmes caritatifs qui visent à améliorer la situation des collectivités dans lesquelles nous travaillons et vivons."

 

Pour ma part, au-delà des délires communicationnels, je préfère largement cet excellent documentaire pour me faire une vraie idée de cette banque (Goldman Sachs: Les nouveaux Maîtres du Monde ?) :

 

 

Le pantouflage

 

Le pantouflage consiste pour un haut fonctionnaire à s'en aller travailler dans une entreprise privée (souvent une banque). C'est une pratique légale, sous certaines conditions que vérifie la Commission de déontologie de la fonction publique. Pour le dire simplement, il s'agit d'examiner si les activités privées qu'exercera le haut fonctionnaire ne sont pas incompatibles avec ses précédentes fonctions tant en termes pénaux que déontologiques. La question se pose par exemple avec acuité lorsqu'il s'en va travailler pour une entreprise dont il a assuré le contrôle dans une administration d'État...

 

Le cas d'école reste bien entendu celui de François Pérol, qui avait été poursuivi (puis relaxé) pour prise illégale d’intérêts suite à sa nomination à la tête du groupe bancaire BPCE, dont il avait suivi la fusion à l’Élysée en qualité de conseiller économique du Président de la République. D'autres préfèrent pantoufler dans des entreprises liées de proche ou de loin à l'État et qui apprécient (et monnayent) fortement leur carnet d'adresses. Ils récupérèrent alors très souvent des titres pompeux comme directeur des affaires publiques ou directeur de la communication...

 

Là où je m'inquiète, c'est lorsque j'entends de plus en plus d'énarques évoquer le pantouflage bien avant d'être diplômé de l'ENA. Autrement dit, l'ENA n'est plus une école qui forme les futurs hauts fonctionnaires des administrations françaises, mais une rampe de lancement pour trouver un poste très rémunérateur dans le privé. Et le service de l'État dans tout cela ? L'équation magique serait-elle devenue la suivante : ENA + cabinet ministériel = poste à 15 000 euros par mois dans le privé ?

 

Le rétro-pantouflage

 

D'autres hauts fonctionnaires, après avoir roulé leur bosse dans des entreprises privées et s'être enrichis décident de réintégrer la fonction publique dans l'espoir d'accéder à un poste prestigieux. C'est le cas de François Villeroy de Galhau, ancien directeur général délégué de BNP Paribas, nommé gouverneur de la Banque de France... J'avais été tellement scandalisé par cette pratique d'un autre temps, que j'avais écrit un billet de blog à ce sujet.

 

En effet, personne ne remettait en cause les connaissances et compétences de François Villeroy de Galhau. X, ENA et inspection des finances, ancien directeur de cabinet de DSK de 1997 à 1999 au ministère de l'Économie et des Finances, puis directeur général des impôts de 2000 à 2003. Mais ce sont les douze années passées chez BNP Paribas qui posaient un réel problème. Étant issu du milieu bancaire où il a tissé des liens professionnels aussi nombreux que forts, n'est-on pas en droit de se demander s'il sera en mesure d'imposer de manière impartiale une réglementation et une surveillance strictes aux banques ? Conflit d'intérêts, appelait-on cela naguère...

 

L'affaire Barroso

 

Pantouflage ou rétro-pantouflage, que les Américains résument par une seule formule revolving doors, dans tous les cas il s'agit d'un capitalisme de connivence, d'une consanguinité malsaine entre élites politiques et économiques. D'autant que les exemples se multiplient à une vitesse inégalée jusque-là :

 

 * Jean-Pierre Jouyet passé du cabinet de Lionel Jospin à l'AMF, en passant par la direction du Trésor et Barclays-France ;

 

 * Nicolas Namias, passé du Trésor à BPCE pour ensuite arriver au cabinet de Jean-Marc Ayrault et enfin atterrir chez Natixis ;

 

 * Emmanuel Macron, dont certains fous s'imaginent désormais qu'il ferait un bon président de la République (ce qui prouve au passage l'état de décomposition du paysage politique français...), passé de l'inspection des finances à la banque Rothschild, avant de devenir secrétaire général adjoint de l’Élysée, puis carrément ministre de l’Économie lorsque le gouvernement PS a tombé définitivement le masque.

 

Et l'on pourrait encore ajouter Gerhard Schröder chez Rothschild, Tony Blair chez JP Morgan, et tous les pères-la-vertu des institutions européennes : Peter Mandelson, Luc Frieden, Mario Draghi, Mario Monti et depuis quelques jours Manuel Barroso chez Goldman Sachs !

 

Cette dernière nomination ne manque d'ailleurs pas d'ironie, à moins que ce ne soit justement un pied de nez à une Union européenne qui prend l'eau, puisque Goldman Sachs a joué un rôle prépondérant dans la crise de 2008 et dans le trucage des comptes de la Grèce... Et pour faire bonne figure, Paris par la voix très autorisée et pertinente d'Harlem désir, a demandé à Manuel Barroso d'abandonner son nouvel emploi de banquier, puisque cela risque de "faire le lit des antieuropéens". On croit rêver, à moins que ce ne soit l'hôpital qui se moque de la charité.

 

Le pire est que les intéressés feignent toujours de ne pas comprendre les cris d'orfraie que suscite leur nomination, ce qui ne fait que confirmer l'arrogance des élites dont j'ai parlé dans ce billet. C'est à mon sens précisément ce qui caractérise le capitalisme actuel : une déconnexion totale entre les élites et le peuple, les premiers ne prenant même plus la peine de mettre les formes lorsqu'ils accaparent les richesses du pays, le mot étant entendu dans un sens large qui englobe bien plus que la seule richesse financière.

 

Jusqu'au moment où tout s'écroulera, parce que les petits demanderont des comptes qu'on leur refusera avec arrogance, ce qui débouchera sur une révolte dont je n'ose imaginer les conséquences ! Mais comme le disait l'ancien patron de Citigroup, Charles Prince, pour décrire l'effondrement en 2007 du marché subprime aux États-Unis : "tant qu'il y a de la musique, il faut danser"... Et certains ne s'en privent pas !

 

N.B : l'image de ce billet provient de cet article du Monde.

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