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3 mai 2020 7 03 /05 /mai /2020 13:31

 

 

La Fête du Travail aura eu un goût amer cette année, puisqu'eu égard à la situation sanitaire, les défilés et manifestations n’étaient pas autorisés. Il est vrai que 2020 aura aussi été l'année du télétravail, malgré toutes les difficultés à concilier vie familiale et vie professionnelle lorsque l'on est confiné :

 

 

[ Source : ANACT ]

 

Quoi qu'il en soit, la Fête du travail semble hélas ravalée depuis des années déjà à un simple jour férié, au fond un de plus qu'il faudrait supprimer... Or, au vu de son importance, je souhaiterais comme chaque année rappeler brièvement l'histoire de cette journée du 1er mai consacrée au travail, tant elle représente une lutte importante, que d'aucuns cherchent à faire oublier afin de déconstruire et précariser flexibiliser le droit du travail, bien entendu au nom du progrès !

 

C'est le 30 avril 1947 que le gouvernement décida de faire du 1er mai un jour chômé et payé, sans qu'il soit d'ailleurs fait référence à une quelconque fête. L'appellation Fête du Travail n'est donc que coutumière, même si par abus j'ai moi-même commencé ce billet en ces termes ! Il n'y a guère que sous Vichy, le 24 avril 1941, que le 1er mai fut désigné comme Fête du Travail et de la Concorde sociale...

 

Cette date du 1er mai s'inspire en fait des grèves et négociations du 1er mai 1886, qui débouchèrent sur une limitation de la journée de travail à huit heures aux États-Unis. C'est en 1889 que la deuxième Internationale socialiste réunie à Paris se donnera pour objectif la journée de huit heures, puisque jusque-là le temps de travail habituel était de dix à douze heures par jour ! Et pour marquer cette revendication, il fut décidé d'organiser une grande manifestation à date fixe (le 1er mai...) dans le but de faire entendre la même revendication de réduction du temps de travail dans tous les pays !

 

C'est ainsi qu'est née la Journée internationale des travailleurs également appelée Fête des travailleurs, avec un premier défilé le 1er mai 1890, où les ouvriers firent grève et défilèrent avec le célèbre triangle rouge à la boutonnière, qui symbolisait les 3 grands tiers de la journée : travail, sommeil, loisir. Mais il faudra tout de même attendre le 23 avril 1919 pour que le Sénat français impose enfin une limite de travail à 8 heures par jour...

 

Enfin, puisque nous sommes en si bon chemin semé d'embûches, regardons brièvement ce que l'histoire peut nous apprendre sur le traitement du chômage au XIXe siècle. Après la révolution de février 1848, trop souvent oubliée par les Français alors même que la déflagration se fit pourtant sentir partout en Europe sous l'expression désormais consacrée de Printemps des peuples, le gouvernement provisoire de la IIe République créa les Ateliers nationaux dans l'idée de procurer aux chômeurs de Paris un petit revenu en contrepartie d'un travail. Mais comme nous allons le voir, c'est l'exemple typique d'une belle idée sociale, en l’occurrence défendue depuis 1839 par Louis Blanc, qui souhaitait créer des Ateliers sociaux pour rendre effectif le droit au travail.

 

Mais à l'Assemblée nationale, forts d'une majorité de notables provinciaux très méfiants à l'endroit des ouvriers, les députés décidèrent que les Ateliers nationaux ne devaient se voir confier aucun travail susceptible de concurrencer une entreprise privée (toute ressemblance avec la situation actuelle ne pouvant être totalement fortuite...). C'était dès lors les condamner au supplice de Sisyphe, d'autant que le nombre de chômeurs qu'ils employaient augmentait de façon vertigineuse : substituer des arbres provenant des pépinières nationales à des arbres sains préalablement abattus, dépaver les rues pour ensuite les paver à nouveau, etc.

 

Les Ateliers nationaux devinrent ainsi un repoussoir pour la classe bourgeoise, qui n'y voyait rien d'autre qu'un nid d'ouvriers révolutionnaires doublé d'un gouffre économique. Dès lors, par collusion d'intérêt, il n'est guère étonnant que nombre de parlementaires s'opposassent à toute forme d'intervention de l'État dans le domaine économique et dans la régulation des relations patrons/salariés. C'est que rentiers et bourgeois de l'Assemblée se sentaient offusqués de devoir entretenir avec l'argent public un nombre croissant de chômeurs employés par ce qu'ils surnommaient désormais les "râteliers nationaux", considérant qu'une telle aide relevait plutôt de la charité privée. Retour au 18e siècle.

 

Le 20 juin 1848 fut donc décidée la suppression des Ateliers nationaux, dans l'espoir de calmer au passage les velléités révolutionnaires des ouvriers. Ce faisant, 120 000 ouvriers furent licenciés par les Ateliers nationaux, ce qui déboucha sur de violentes émeutes de la faim (les journées de juinet une répression brutale. Répétons-le : c'est donc bien la République qui fit tirer sur le Peuple, même si cela semble difficile à entendre !

 

L'histoire nous rappelle que la question du travail et de sa valeur a souvent été traitée de manière partisane par le pouvoir politique, afin de satisfaire aux intérêts d'une minorité de riches faiseurs. Trop souvent, les politiques évoquent d'ailleurs le chômage uniquement sous l'angle de son taux et le travail uniquement comme un coût salarial, pure vision de techniciens (technocrates ?) qui permet de la sorte d'occulter à dessein toutes les questions de qualité de l'emploi, de déclassement professionnel et de mal-être au travail ! Les mots sont d'ailleurs trop souvent utilisés pour dire le contraire de ce qu'ils signifient, comme je l'ai montré récemment.

 

Pour finir, le lecteur intéressé par la problématique de l'emploi pourra utilement se reporter à mon billet intitulé le travail ravagé par la perte de sens, à celui consacré au temps de travail en France ou à mon article sur la réalité de la baisse du chômage avant le coronavirus.

 

P.S. : l'image de ce billet provient de cet article de France 3 Pays de la Loire.

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