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22 mars 2021 1 22 /03 /mars /2021 12:42

 

 

Il aura suffi que le ministre délégué au Commerce extérieur, Franck Riester, commente les chiffres des importations pour que soit relancé le débat sur le déficit commercial. Honnie pour les uns, simple statistique pour les autres, la balance commerciale semble assurément polariser les opinions... C'est pourquoi, après mes billets sur la financiarisation de l'économie et ses conséquences mortifères, il sera question aujourd'hui des échanges commerciaux de la France.

 

Balance commerciale et taux de couverture

 

La balance commerciale est  le compte qui retrace la valeur des biens exportés et la valeur des biens importés sur la base des statistiques douanières. Le solde du commerce extérieur est la différence entre la valeur des exportations et celle des importations. Si celui-ci est positif, on parle d'excédent commercial, sinon il s'agit d'un déficit commercial. Il à noter que contrairement aux États-Unis entre autres, la balance commerciale en France ne couvre pas les services, qui figurent dans la balance des biens et des services.

 

Le taux de couverture du commerce extérieur est le rapport entre la valeur des exportations et celle des importations :

 

 

* lorsque le taux de couverture est inférieur à 1, la balance commerciale est déficitaire ;

 

 * lorsque le taux de couverture est égal à 1, la balance commerciale est équilibrée ;

 

 * lorsque le taux de couverture est supérieur à 1, la balance commerciale est excédentaire.

 

Notons que la balance commerciale, et donc le taux de couverture, peut être relative à un produit ou à l'ensemble des échanges de produits.

 

Le déficit commercial de la France

 

Commençons par ce graphique qui présente l'évolution du solde commercial de la France depuis 2004, date à laquelle elle devient structurellement déficitaire :

 

 

[ Source : Rapport 2021 sur le commerce extérieur ]

 

 

On constate que même hors énergie, la balance commerciale française est déficitaire. Quant à l'année 2020, selon le rapport 2021 sur le commerce extérieur, les exportations de la France chutent de près de 16 % et les importations de 13 % (sauf bien entendu les masques  et autres produits de santé...), reculs prévisibles lors d'une crise. En revanche, la facture énergétique diminue presque de moitié à la faveur du recul du prix du pétrole et des volumes importés. Au total, le déficit commercial de la France s'élevait à 65,2 milliards d'euros en 2020, soit une dégradation de plus de 7 milliards par rapport à l'année précédente. 

 

Les chiffres clés du commerce extérieur de la France en 2020

 

Toujours selon le rapport 2021 sur le commerce extérieur, voilà les principaux éléments à retenir sur le commerce extérieur de la France (chiffres, principaux partenaires, secteurs concernés...) :

 

 

[ Source : Rapport 2021 sur le commerce extérieur ]

 

Le solde commercial de quelques autres pays de l'UE

 

Le graphique ci-dessous présente le solde de la balance commerciale pour plusieurs pays de l'UE. Il faut néanmoins rester prudent sur l'interprétation de ces chiffres, puisqu'ils ne tiennent pas définition pas compte des services (alors que nous sommes dans un monde de services) et ne permettent certainement pas de conclure qu'en Allemagne tout va bien et qu'à l'inverse au Royaume-Uni tout va mal, comme je l'expliquais dans mon livre Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l'économie.

 

 

[ Source : OCDE ]

 

Est-ce grave docteur ?

 

Ce qui compte vraiment, ce n'est pas tant le solde des seuls biens (balance commerciale), mais celui des biens, services, revenus (salaires, dividendes, intérêts…) et de certains transferts (dons, aides…). L'on obtient alors la balance courante, présentée sur le graphique ci-dessous :

 

 

[ Source : Rapport 2021 sur le commerce extérieur ]

 

Et l'image qu'elle donne du commerce extérieur est bien différente de celle qui résultait de la seule prise en compte des biens. En effet, même si le solde commercial est déficitaire, c'est tout le contraire pour les services, ce qui reflète la réalité de l'économie française où la part de l'industrie est déclinante (désindustrialisation) et où les emplois se situent essentiellement dans le secteur des services. Et il faudrait par ailleurs refaire les calculs hors énergie, puisqu'en l'état actuel des choses la France est contrainte d'importer, bon gré mal gré, le pétrole nécessaire à l'activité.

 

Ces chiffres sont donc loin d'être catastrophiques, mais ils doivent faire réfléchir sur les choix politiques faits depuis trois décennies... En effet, l'illusion d'une économie sans industrie (fabless pour reprendre les mots d'un grand patron français...) a contribué à une désindustrialisation accélérée, qui a débouché sur une baisse tendancielle des gains de productivité et de la croissance potentielle :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Chemin faisant, la France a perdu des parts de marché dans les exportations mondiales de biens et services :

 

 

[ Source : Rapport 2021 sur le commerce extérieur ]

 

Ce n'est cependant pas en accompagnant la dégradation industrielle d'une dégradation des conditions de travail que l'on inversera une tendance, répétons-le, voulue en partie par le politique. Et dire qu'il aura fallu attendre Macron, chantre de la flexibilité rebaptisée flexisécurité, pour que la question de la souveraineté économique refasse surface, même si la gestion de la crise de la covid-19 a montré l'incapacité du gouvernement français à ajouter des actes aux paroles ! Et que dire de cette lubie pour les seules start-up, alors que l'essentiel de l'emploi est lié aux industries plus traditionnelles, qu'il faudrait accompagner dans leur transition écologique (entre autres !).

 

En définitive, c'est bien d'une politique industrielle que la France a besoin !

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