Dans un précédent article, j'avais expliqué le mécanisme de création monétaire par les banques commerciales et la nature de la monnaie créée par la Banque centrale. En complément, et pour répondre à des questions qui m'ont été posées, je vous présenterai aujourd'hui le bilan de la Banque centrale européenne.
Bilan simplifié d'une Banque centrale
Pour faire simple, le passif d'une Banque centrale correspond à ses ressources et l'actif à ses emplois (ce qu'elle fait avec ses ressources) :
Pour le dire en quelques mots, l'on trouve au passif de la BCE les billets et réserves des banques commerciales auprès de la Banque centrale, tandis qu'à l'actif figurent les réserves (or, devises, titres...) ainsi que les créances sur l'État et les banques commerciales.
Dans un système bancaire hiérarchisé, c'est-à-dire où existe une Banque centrale et des banques commerciales dites de second rang, chaque banque commerciale émet sa propre monnaie qui, par construction, ne circule qu'au sein de son propre circuit bancaire. Dans ce cas, la monnaie centrale, est la seule monnaie acceptée par toutes les banques et plus généralement tous les agents économiques. Elle est constituée des billets et de la monnaie scripturale émise par la Banque centrale. Dès lors, lorsque l'assouplissement quantitatif (quantitative easing) mis en place par une Banque centrale consiste à acheter des titres de dette publique aux banques, il y a une égale hausse de la dette publique achetée par la Banque centrale et des réserves des banques à la Banque centrale.
Le bilan complet de la BCE
Maintenant que le lecteur est familier avec les grandes masses du bilan d'une Banque centrale, regardons en détail celui, au 19 mars 2021, de la BCE :
* Actif
[ Source : BCE ]
* Passif
[ Source : BCE ]
La taille du bilan de l’Eurosystème (BCE + Banques centrales nationales) a ainsi dépassé 7 000 milliards d’euros en 2021, soit plus de 60 % du PIB de la zone euro !
Évolution du bilan de la BCE
L'évolution du bilan de la BCE entre 1999 et 2020 en dit long sur la nature de la politique monétaire menée par cette Banque centrale :
[ Source : BCE ]
Le total de l'actif de la BCE a donc été multiplié par 7 en 15 ans, et par 3,5 depuis 2014 ! L'on repère immédiatement la mise en place de l'assouplissement quantitatif (quantitative easing), qui s'accompagne d'une augmentation phénoménale des titres (titres de dette publique essentiellement et titres privés) de la zone euro détenus à l'actif de la BCE. Avant même la pandémie, la BCE détenait 20 % des dettes publiques de la zone euro, proportion vouée à augmenter après l’annonce par Christine Lagarde d’un programme d’achat urgence pandémique (PEPP). La contrepartie de ces actifs détenus par la BCE est principalement la monnaie centrale détenue par les banques commerciales.
Et les autres grandes Banques centrales dans le monde ne sont pas en reste, puisqu'elles pratiquent quasiment toutes des politiques monétaires non conventionnelles, amplifiées depuis la pandémie de covid-19 :
[ Source : FRED ]
Bref, la création de monnaie centrale atteint des montants vertigineux partout dans le monde. Certes, à court terme, une Banque centrale peut créer toute la monnaie nécessaire pour acheter encore et encore des titres, dans l'espoir d'atteindre enfin un jour son objectif (un taux d'inflation à moyen terme proche de 2 % dans le cas de la BCE). Mais à condition que ne s'installe pas une défiance envers la monnaie, d'autant que malgré les tombereaux de liquidités qui s'échappent de la BCE, l'économie ne semble pas s'en porter mieux. C'est que cette monnaie n'irrigue, hélas, pas l'économie réelle pourtant en quête de financement utile !