Histoire de voyager de temps en temps au-delà des frontières de l'UE, voilà un billet sur la politique économique au Japon. Le moins que l'on puisse dire est que les nuages noirs s’amoncelaient déjà bien avant la crise de la covid-19 et que la croissance potentielle est désespérément proche de zéro...
Croissance, démographie et productivité en berne
La croissance est en berne depuis de très nombreuses années :
[ Source : Université Sherbrooke ]
En outre, le pays connaît un déclin démographique :
[ Source : Le Monde ]
La population est vieillissante, même si les compétences de la population active sont élevées :
[ Source : IndexMundi ]
Le Japon est souvent présenté comme une économie en quasi-plein emploi avec pénurie de main-d’œuvre. Mais ce résultat fut obtenu au prix d'une hausse sensible des emplois précaires, souvent occupés par les jeunes et les femmes, que les réformes récentes tentent difficilement de corriger. Par ailleurs, allocation peu efficace du travail et de l'épargne expliquent certainement que les gains de productivité soient faibles :
[ Source : Natixis ]
Autant d'éléments qui pèsent in fine sur la croissance potentielle du pays, d'autant que le partage des revenus se fait au détriment des salariés, comme dans la zone euro, mais à une échelle bien plus large, ce qui augmente les profits des entreprises bien au-delà du niveau nécessaire pour leurs investissements :
[ Source : Natixis ]
La politique économique au Japon
La politique économique du Japon repose sur une combinaison surprenante :
* une politique budgétaire durablement expansionniste (niveau élevé des dépenses publiques et de l’endettement public)
[ Source : Natixis ]
[ Source : OCDE ]
* Une politique monétaire structurellement expansionniste, afin de conserver les taux d’intérêt réels à long terme suffisamment bas pour assurer la soutenabilité de la dette publique
Taux obligations d'État 10 ans Japon
[ Source : CNBC ]
Pour l'instant, la dette publique japonaise, à près de 260 % du PIB (sic !), n'est pas un problème trop grave, puisqu'elle est très largement détenue par les Japonais eux-mêmes. En effet, en simplifiant un peu, l’épargne des ménages et des entreprises se dépose dans les banques, qui l'utilisent pour acheter des obligations d'État. Cependant, cette situation est précaire, et potentiellement explosive si les résidents décidaient de placer leur épargne sur des actifs étrangers bien plus rémunérateurs. Si les ménages acceptent des taux d'intérêt proches de zéro, c'est que l'inflation est en moyenne nulle depuis l'éclatement de la bulle au début des années 1990 et que les salaires sont globalement stables.
Face à cette économie atone, le gouvernement semble avoir misé sur le commerce international, l'économie numérique et la décarbonation. Mais cela sera-t-il suffisant sachant que la demande intérieure est négativement impactée par des conditions de travail dégradées ?
P.S. L'image de ce billet provient d'un billet du site https://www.eleconomista.es