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17 décembre 2021 5 17 /12 /décembre /2021 13:02

 

 

Après mon billet sur les dysfonctionnements du monde économique, il m'a semblé utile de revenir sur une question qui m'a été posée par un étudiant sur le taux d'épargne de la nation. En effet, lorsque l'économie d'un pays est ouverte sur le monde, les politiques économiques sont souvent bien plus difficiles à coordonner, à tel point que certains parlent de malédiction de l'épargne faible. Mais de quoi s'agit-il ? Pour ceux qui seraient allergiques aux formulations mathématiques, vous pouvez sans préjudice de compréhension sauter le premier point.

 

Taux d'épargne de la nation et investissement

 

Au niveau macroéconomique, l'épargne de la nation (ou épargne nationale), agrège l'épargne des ménages, des entreprises et de l'État. L'on obtient alors l'identité comptable macroéconomique suivante :

 

Y = C+I+G+BC

 

où Y représente le PIB, C les dépenses de consommation, I les dépenses d'investissement , G les achats publics de biens et services, et BC le solde de la balance commerciale.

Puisque l'épargne est définie comme le revenu courant moins les dépenses en besoins courant, si l'on suppose pour simplifier que l'ensemble des dépenses de consommation (C) et des dépenses publiques (G) sont des dépenses en besoin courant, alors l'épargne d'une nation (S) s'écrit :

 

S=Y-C-G

 

L'on en déduit :

 

S-I=BC

 

Taux d'épargne de la nation et déficit extérieur

 

De cette dernière identité, l'on peut déduire que si l'investissement intérieur (I) d'un pays est constant (au moins à court terme), un taux d'épargne de la nation faible conduit souvent à une différence entre investissement et épargne négative (S-I<0), d'où tend un déficit commercial (BC<0).

 

En d'autres termes, lorsque le taux d'épargne de la nation - somme de l'épargne privée et de l'épargne publique en pourcentage du PIB - est structurellement faible et inférieur au taux d'investissement de la nation, alors cela tend à conduire à un déficit extérieur structurel.

 

Un impact sur la croissance

 

Pour financer le déficit extérieur, le pays en question va devoir s'endetter à l'extérieur, ce qui le rend dépendant des investisseurs internationaux et va le contraindre à les rassurer constamment sur sa capacité à rembourser sa dette extérieure. En effet, si ces investisseurs refusent de continuer à lui prêter, alors le pays peut faire face à une grave crise de sa balance des paiements et de change, c'est-à-dire une une dépréciation du taux de change et un donc un renchérissement des importations en valeur, ce qui in fine pèsera sur la croissance.

 

Pour l'éviter, le pays à taux d'épargne faible cherchera à attirer les capitaux en quête de rendement par une politique de taux d’intérêt élevés, suffisamment pour compenser aux yeux des investisseurs le risque d’insolvabilité extérieure et de change. Ce faisant, il peut certes réussir à attirer les capitaux étrangers, mais au détriment hélas de sa croissance nationale, minée par les taux d'intérêt trop élevés.

 

Ainsi, dans les deux cas, la croissance du pays à faible taux d'épargne nationale s'en trouve réduite, ce que d'aucuns qualifient de malédiction des pays à faible épargne ! Ce que nous venons d'expliquer est propre à une économie ouverte.

 

Mais certains commentateurs se font un plaisir d'occulter la possibilité de l'endettement extérieur et raisonnent alors à tort en économie fermée : Y = C+I+G (il n'y a donc plus de commerce international, d'où l'absence de la balance commerciale BC). Chemin faisant, ils en déduisent - toujours à tort - que l'épargne est un réservoir de liquidités finançant l'investissement, c'est-à-dire qu'ils font de l'identité comptable Y = C+I+G une causalité ramenant la question du financement de l'investissement à un marché des fonds prêtables. Dans ce cas, il faudrait alors tout faire pour inciter les plus riches à financer les investissements productifs et risqués, à grand renfort d'incitations fiscales (suppression de l'ISF, baisse de cotisations sociales...), quitte à diminuer les dépenses publiques les plus importantes en contrepartie...

 

Or, depuis Keynes, l'on sait que l’investissement génère sa propre épargne, ce que rappelle avec beaucoup d'à-propos Olivier Passet dans cette courte vidéo :

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