Alors que des millions de personnes en France s'inquiètent pour leur pouvoir d'achat en raison notamment de l'inflation, d'autres semblent bien plus préoccupées par la valeur de leur patrimoine boursier. Il est vrai que ces dernières semaines les marchés financiers ont montré des signes d'inquiétudes, qui dépassent de loin les mauvaises nouvelles économiques. D'aucuns se demandent dès lors s'il s'agit d'une simple correction des cours faisant suite à l'euphorie des années précédentes ou s'il faut craindre un krach... Je n'ai pas la prétention de lire dans les astres boursiers, mais il est tout de même possible d'évoquer quelques éléments de réflexion.
Évolution des cours boursiers
Le moins que l'on puisse dire est qu'il y a eu ces dernières semaines une correction des cours par rapport aux sommets atteints au début de l'année 2022 :
[ Source : Boursorama.com ]
Dans le détail, la chute des cours au début du mois de mars a donné des sueurs froides à bon nombre d'investisseurs en herbe. Après une reprise éclair que certains médias adorent commenter en long et en large, l'on assiste à une nouvelle baisse prononcée depuis le mois de mai. Pourtant, les résultats économiques des grands groupes ont été plus que bons dans le contexte actuel, c'est pourquoi les analystes financiers ont commencé à vendre un gloubi-boulga d'explications composé d'inflation, de risque géopolitique, etc. Loin de moi l'idée de contester que ces éléments ont leur importance, mais il me semble simpliste de rapporter l'évolution des cours de Bourse aux seules variables économiques. Qui peut en effet encore croire que l'évolution de la Bourse est le seul reflet de l'économie réelle ?
Les politiques économiques au chevet des cours boursiers
Disons-le tout net : voilà longtemps que les cours boursiers ne reflètent plus uniquement les fondamentaux des sociétés cotées ! Sinon, comment expliquer l'absence de krach lors du déclenchement de la pandémie, d'autant que peu ou prou l'ensemble de la planète fut mise sous cloche ? N'oublions pas que les États ont volé toutes ailes déployées au secours des entreprises et surtout des marchés financiers, de peur d'assister au krach ultime. Et les Banques centrales ne furent pas en reste, menant des politiques monétaires ultra-expansionnistes comme nous n'en avions jamais vu en temps de paix, tant et si bien que l'hypertrophie financière continue de plus belle.
L'un dans l'autre, les marchés financiers ont été gavés de liquidités et les investisseurs ont ainsi bénéficié d'un filet de sécurité implicite. À tel point que nombre d'économistes se sont demandé si l'un des objectifs principaux des banques centrales n'était pas d'assurer la rentabilité des actifs ou à tout le moins le non-recul brutal des cours.
Vers un krach ?
Dans la courte vidéo ci-dessous, Olivier Passet soulève la question en rappelant la "multiplicité des chocs exogènes défavorables mais temporaires qui s’abattent sur l’économie : guerre, montée des incertitudes, baisse des anticipations de croissance, inflation etc.".
Au fond, la question n'est peut-être même pas de savoir si ce big krach arrivera, mais quand et sous quelle forme (krach boursier, éclatement de la bulle obligataire, défauts massifs sur les emprunts publics et surtout privés...). Or, l'histoire financière est jonchée des cadavres (entre autres financiers) de ces purges sur les marchés financiers, comme le montre avec brio Charles Kindleberger dans un livre de 1978. Les travaux de Shiller et son célèbre PER mérite de ce point de vue toute notre attention, si l'on veut comprendre l'ampleur de la correction à venir.
À n'en pas douter, l'incertitude demeurera élevée dans les semaines à venir tant sur le plan économique que politique, d'où une volatilité accrue sur les Bourses. Ceux qui s'imaginent trouver un viatique dans les cryptomonnaies en sont également pour leurs frais depuis la panique Terra Luna. Le plus triste dans tout cela, c'est qu'à force de concentrer leurs efforts au sauvetage des marchés financiers, les dirigeants politiques perdent de vue les souffrances des acteurs de l'économie réelle (ménages, artisans, petits entrepreneurs, associations...), qui luttent pourtant de toute leur force pour se sortir de l'ornière !
P.S. L'image de ce billet provient de cet article du site Capital.fr