J'ai parlé récemment avec un ami qui me disait que le prix de certaines pièces de rechange pour son automobile avait explosé. Il n'en fallait pas plus pour me motiver à démêler le vrai du faux. Je me suis ainsi intéressé aux prix de certaines pièces détachées de carrosserie et j'ai découvert, notamment grâce à un article du Monde, que ces pièces ont explosé entre 2006 et 2007 : le prix d'une aile arrière d'une Xantia Citroën est passé de 126,77 euros début 2006 à 245 euros en 2007, celui d'une porte de 206 Peugeot a bondi de 43 % ! Le directeur général adjoint de la Macif va même jusqu'à déclarer que "nous n'avions pas connu une telle inflation depuis dix ans !"
L'explication principale est le monopole dont bénéficient les constructeurs : grâce à règlement européen ( Règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires) , ils bénéficient d'une protection des dessins et modèles des pièces de rechange d'un véhicule. Impossible donc de trouver légalement un produit alternatif pour réparer un véhicule... Dans ce contexte, la FEDA (Fédération des syndicats de la distribution automobile ) a décidé d'alerter les parlementaires français et les associations de consommateurs pour qu'enfin la France ouvre ce secteur à la concurrence grâce à une clause de réparation.
Que dit cette clause de réparation ? «La protection au titre de dessin ou modèle n’existe pas à l’égard d’un dessin ou modèle qui constitue une pièce d’un produit complexe qui est utilisée au sens de l’article 12, paragraphe 1, de la présente directive dans le but de permettre la réparation de ce produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale».
Cependant, le chemin est encore long et surtout lent comme on peut en juger par ces quelques dates : le collège des Commissaires Européens a adopté le 14 septembre 2004 la proposition de modification de la Directive 98/71/CE sur la protection juridique des dessins et modèles visant à libéraliser la fabrication et la commercialisation des pièces de rechange des ensembles complexes. Mais ce n'est que le 12 décembre 2007 que le Parlement européen a adopté à l'unanimité cette clause de réparation, qui invalide le règlement européen sur la protection des dessins et modèles. Il lui faut désormais être adoptée par le Conseil des ministres européens !
Bien entendu, on peut rétorquer qu'une telle concurrence risque d'impliquer des contrefaçons et une baisse de la sécurité. Et bien, cela ne semble pas aussi évident qu'il n'y parait. Selon une étude menée par les organismes techniques Autopolis et Thatcham à la demande de Bruxelles, l'utilisation de pièces de rechange proposées par des distributeurs indépendants ne fait pas peser davantage de risques sur la sécurité des véhicules que l'emploi de celles fournies par les constructeurs. Voir également ce lien : http://www.figiefa.org/documents/FIGIEFACommmentsonLEReport-06112006.pdf
Pour finir, rappelons que selon Cora, filiale du groupe de distribution de pièces détachées Autodistribution, les constructeurs réalisent 55 % des réparations et détiennent 95 % du marché des pièces de carrosserie. Or ces pièces assurent une partie très importante de leurs profits (plus de 40 % selon les études !). Renault, par le truchement de l'un de ses directeurs, avoue que "nous rentabilisons nos véhicules lors de la vente mais le business model de l'après-vente contribue aussi à asseoir la rentabilité de nos programmes".
Pour ceux qui ne supportent pas l'idée de payer plus cher les pièces de leur voiture, il reste l'option écologique et saine pour la santé : le Vélib'. Ce sera juste un peu moins rapide l'hiver sur les autoroutes de l'Est de la France où je vis...