Vous n'êtes pas sans savoir que le projet de loi sur "la rénovation de la démocratie sociale" et "la réforme du temps de travail" a été voté dans la nuit de mercredi à jeudi 24 juillet par le Parlement. Il entrera en vigueur avant la rentrée d'après notre Omniprésident et son fidèle ministre du travail...
Résumons un peu le contenu de la loi : ce texte change les règles de la négociation collective sur deux points clés que sont la validation des accords et la représentativité des syndicats. Et surtout, il permet aux entreprises de renégocier des accords, mettant en cause la durée légale de trente-cinq heures de travail hebdomadaire ! Ainsi, le contingent d'heures supplémentaires, aujourd'hui arrêté au niveau des branches, pourra désormais être négocié au sein de chaque entreprise. Les heures supplémentaires effectuées avec l'accord du salarié au-delà du contingent actuel (maximum deux cent vingt heures par an), dites "heures choisies", ne nécessiteront plus d'autorisation de la part de l'inspection du travail ! De plus, le caractère automatique du repos compensateur pour les heures supplémentaires dépassant le contingent annuel est supprimé, et l'annualisation du temps de travail devient la norme. Enfin, pour enfoncer le clou, le plafond annuel de jours travaillés passera de 218 à 235, à moins d'un accord collectif de branche ou d'entreprise. L'employeur pourra, sous certaines conditions, même pousser jusqu'à 282 jours maximum par an !
Cela revient donc à vouloir tuer les lois Aubry, et à supprimer à terme les RTT. C'est pour cela que, après le vote de la loi, la CFE-CGC a publié une lettre ouverte à Nicolas Sarkozy dont voici une copie au format PDF. Dans cette lettre, les cadres expliquent, sur un ton ironique, qu'ils travaillent 60 ou 70 h par semaine, et qu'ils ne veulent pas renoncer à leurs RTT. N'en déplaise au député UMP Jean-Pierre Poisson, la RTT d'un cadre n'est que très rarement un "privilège" comme il le croit... D'ailleurs, j'apprends au moment où je rédige ce billet, que les députés et sénateurs socialistes, communistes et verts, ont déposé un recours devant le Conseil constitutionnel contre cette loi.
Ce qui me dérange dans tout ce tricotage, c'est le pouvoir que l'on donne aux accords d'entreprises, au détriment des accords de branches notamment. Lorsque une entreprise sera en difficulté et que la direction mettra dans la balance l'accord d'entreprise et le maintien de l'emploi, quelle défense restera-t-il aux salariés ? Aucune !
Notre Omniprésident a donc trouvé le moyen de faire travailler plus des gens qui déjà travaillent beaucoup. Rappelons que les salariés qui sont au forfait journalier peuvent travailler 13 heures par jour et que la seule règle qui les protège, c'est la réglementation européenne qui impose 11 heures de repos d'affilée quotidiennement. Ils peuvent donc légalement aligner 3055 heures de travail par an contre 1607 si on se limitait aux 35h... Au fond, à 282 jours de travail par an, il ne reste plus que le 1er mai et les 5 semaines de congés payés et les dimanches. Même Noël passe par pertes et profits !
Je lis actuellement un livre sur l'histoire de la sécurité sociale et plus particulièrement des régimes de retraite. Il est triste de constater combien il a fallu de temps pour en arriver à créer un état-providence que l'on massacre aujourd'hui au nom de l'idéologie et de l'économie budgétaire !