Voilà une procédure qui devrait plaire à mes étudiants de droit en BTS : l'arbitrage rendu en faveur de Bernard Tapie est véritablement digne des pieds nickelés ! Le choix d'abandonner la voie judiciaire et de recourir à un tribunal arbitral pour trancher le litige opposant depuis quatorze ans Bernard Tapie au Crédit lyonnais est incompréhensible à ce niveau de la procédure. En effet, par un arrêt du 30 septembre 2005, la cour d'appel de Paris a condamné solidairement le Crédit lyonnais et le CDR (Consortium de réalisation) à payer aux liquidateurs du groupe Tapie la somme de 135 millions d'euros au motif d'un manquement de la banque à ses obligations de mandataire et de loyauté.
Un an plus tard, le 9 octobre 2006, un arrêt de la Cour de cassation rendu en assemblée plénière censure cette décision sans se prononcer sur l'ensemble des fautes. Il rejette toutefois un des moyens soulevés par le CDR, qui soutenait l'irrecevabilité des demandeurs (Bernard Tapie et les liquidateurs) et renvoie les parties devant la même cour d'appel de Paris. Le processus judiciaire est donc entièrement relancé à ce moment... Or, contre toute attente, le ministère de l'économie donne pour instruction qu'un tribunal arbitral règle le litige ! Christine Lagarde se justifie en déclarant que "nous avons estimé que l'intérêt financier de l'Etat était de ne pas faire de recours".
Mais comment peut-on tolérer qu'un ministre aille à l'encontre d'une décision de la plus haute juridiction judiciaire de France (la Cour de cassation), et ce d'autant plus que cette dernière a relancé la procédure en la faveur de l'Etat si on peut dire ! D'ailleurs, le président de la CDR à l'époque, Jean-Pierre Aubert, a bien compris cela lorsqu'il déclara que "quand on a gagné, on ne s'en remet pas à un arbitrage, car on ne maîtrise plus rien"... De plus, rappelons que l'arbitrage est par nature confidentiel et n'apparaît donc pas adapté à un litige qui concerne au premier chef le contribuable, comme l'a rappelé François Bayrou il y a quelques jours. Quant au contenu de l'arbitrage, il m'évoque davantage une transaction qu'un véritable arbitrage. Qu'on en juge sur pièces : le contenu de la convention passée entre les parties stipule l'abandon des autres procédures, et accorde à Bernard Tapie 240 millions d'euros hors intérêts et 45 millions d'euros net de préjudice...
Pour finir, on apprend dans le Canard enchaîné, que Bernard Tapie souhaite s'installer dans la canton de Vaud en Suisse. Il est vrai qu'à présent, grâce aux contribuables français, il en a les moyens...