J'avais expliqué dans un précédent billet combien les conditions de crédit auprès des banques s'étaient resserrées tant pour les particuliers que pour les entreprises. J'avais également réagi au "pacte moral" que notre omniprésident avait passé avec les grandes banques au moment de leur sauvetage : celles-ci, en échange de fonds, devaient s'engager à faire progresser l'encours de crédit de 3 à 4 % par an auprès des agents économiques privés. Or, il semblerait que dans les faits elles soient peu enclines à prêter de l'argent, à tel point que le chef de l'Etat les a convoquées à l'Elysée, en présence des préfets et des trésoriers payeurs généraux désormais chargés de surveiller l'encours des prêts accordés aux PME et aux particuliers. Notre Premier ministre était même allé jusqu'à menacer les banques d'une nationalisation partielle si elles ne respectaient pas leurs engagements...
Qu'en est-il donc au niveau des chiffres ? Depuis novembre 2006, la distribution de crédits à l'habitat n'a cessé de décroître. Fin août 2008, les banques avaient, sur douze mois, accordé 125,4 milliards d'euros de prêts, un montant en baisse de 15,8 %, par rapport à la même période de 2007. Le Crédit Logement, qui est un organisme de caution, constate en octobre 2008 un taux moyen de prêts (hors assurance et coût des sûretés) de 5,15 % contre 4,98 % en août et affirme que ce taux croît pratiquement de 0,10 %, chaque mois, depuis janvier ! On assiste par conséquent à un double mouvement néfaste pour l'économie : le crédit est devenu rare mais aussi très cher ! En général, cela est couplé avec une baisse de la durée de prêt qui elle aussi vient faire pression sur les mensualités de remboursement. Le courtier Empruntis a ainsi calculé que la seule hausse des taux a, en dix mois, exclu du marché environ 20 % des clients potentiels. Le résultat est alors clair : les achats de logements ont chuté de 25 % dans l'ancien et près de 35 % dans le neuf...
Certains ont espéré que la baisse des taux de la BCE apporterait une bouffée d'oxygène au marché du crédit. Malheureusement, en plus de ne pas avoir été assez substantielle, certains économistes pensent que cette baisse a déjà été partiellement intégrée dans les taux à longs terme. Au vu du temps nécessaire pour qu'une modification des taux à court terme s'impute sur les taux à long terme, il faudra attendre quelques mois avant de savoir si cette baisse a porté ses fruits.
Du côté des entreprises, ce n'est guère plus réjouissant puisque, en particulier, de nombreuses PME ont des difficultés d'accès au crédit. Le médiateur mis en place par le gouvernement recense déjà plusieurs centaines d'entreprises victimes du resserrement des conditions de crédit de leur banque. Pour les plus grandes entreprises, celles qui ont accès au marché obligataire, l'horizon est lui aussi sombre d'autant plus que la dette nette des groupes du CAC 40, hors valeurs bancaires, a bondi de 25 % en deux ans, à environ 250 milliards d'euros en 2008 ! Celles qui veulent aujourd'hui lever de la dette sur le marché obligataire en euros doivent offrir une prime de 4,5 % par rapport à de la dette souveraine, contre 0,7 % il y a deux ans, ce qui amène à servir du 8 % ! Ce qui exclut d'office les sociétés les moins bien notées. On peut donc craindre le pire pour les sociétés de la catégorie "non-investment grade" qui pourraient connaître de sérieuses difficultés de refinancement...
Il va donc falloir surveiller la distribution du crédit de très près si l'on ne veut pas que le plan de sauvetage français, au demeurant de bonne qualité, ne se retrouve sans effet réel !