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6 février 2009 5 06 /02 /février /2009 12:31



J'ai assisté hier soir à une conférence économique sur le partage des richesses. La problématique retenue fut certes intéressante, mais je suis resté perplexe face à la démonstration qui m'a été soumise. En effet, l'argumentation m'a semblé fort discutable tant sur le fond que sur la forme. Or, j'ai pour principe de ne pas intervenir dans ce genre de situation pour ne pas déstabiliser le conférencier devant son auditoire et respecter son travail. Mais, venant de faire une conférence sur la crise à Saint-Avold dans le cadre de l'UTL, la faim me lancinait tant, que je n'ai pas pu rester pour en débattre avec lui à 22h. Suite aux personnes qui sont venues me voir pour me demander mon avis sur cette présentation (l'une d'entre-elle ayant clairement remarqué certaines failles du raisonnement...), je me suis décidé à écrire ce billet pour préciser quelques points.

Le conférencier avait notamment présenté la répartition de la valeur ajoutée brute entre salaire et capital pour en déduire une baisse continue des salaires au sein de celle-ci. Cette idée, pour séduisante qu'elle puisse être au vu du titre de la conférence, est malheureusement trop simpliste... En effet, rappelons que la valeur ajoutée est ce qu'il reste à l'entreprise après avoir payé les fournisseurs, et qu'elle se partage en trois parts : celle de l'Etat, celle destinée aux salariés, le reste revenant aux apporteurs de capitaux (actionnaires + créanciers).

Si on se base uniquement sur les sociétés non financières où le salariat est la règle (histoire d'éviter la comptabilisation des travailleurs indépendants dont la rémunération correspond autant à un retour sur travail que sur capital investi), on peut alors raisonnablement s'interroger sur le partage entre travail (c'est-à-dire le salaire et les cotisations sociales) et capital. Mais pour ce faire, il faut impérativement retirer de la valeur ajoutée brute ce qui n'est pas distribuable : les impôts sur la production - comme par exemple la taxe professionnelle - et les coûts de remplacement des équipements et machines obsolètes - que l'on appelle l'amortissement.

Or, ces postes ont sensiblement augmenté au cours du temps et chacun sait que les machines sont devenues de plus en plus chères, entraînant par là même une hausse du poste amortissement. Le montant réellement distribuable entre travail et capital doit donc éliminer ces 2 postes, ce qui permet d'aboutir à un agrégat que l'on appelle la valeur ajoutée nette au coût des facteurs. Ce n'est qu'alors qu'il est possible de comparer le partage entre travail et capital dans le temps, à condition encore d'inclure dans les salaires les cotisations sociales qui représentent un salaire différé. Et là, surprise : le partage n'a quasiment pas bougé en France depuis plusieurs années maintenant, et se situe aux alentours de 80 % pour les salaires (avec cotisations sociales) et 20 % pour le capital...

Ceci me permet ainsi d'embrayer sur une autre conclusion erronée du conférencier : tous les grands pays d'Europe ne connaissent pas la même évolution du partage travail/capital. Par exemple, on peut montrer que la Suède et le Danemark, pourtant présentés comme des modèles sociaux, ont vu la part des salaires (avec cotisations sociales) dans la valeur ajoutée nette au coût des facteurs baisser très sensiblement depuis 30 ans et s'installer sur une tendance baissière...

Pour finir, on pourra donc me demander : si ce n'est pas le capital qui grignotte les salaires des Français, d'où vient-il qu'ils ne progressent pas en pouvoir d'achat ? L'explication tient essenitellement aux cotisations sociales qui représentent dans leur ensemble une part croissante de la rémunération. Ainsi, le salaire net moyen - mesuré en euro constant pour neutraliser l'inflation - a très peu progressé en 30 ans (0,4 % / an) et surtout sa progression fut bien plus lente que celle de la valeur ajoutée.

C'est fou ce que l'on se sent mieux après avoir remis les pendules à l'heure !

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