C'est parfois surprenant comment une information datant de plusieurs semaines prend soudainement une ampleur dans le monde médiatique. J'en veux pour preuve ce que l'on appelle désormais l'affaire Eco-Emballages. Avant de détailler ce qui s'est passé, rappelons juste que l'information explosive avait déjà été donnée au mois de décembre 2008, mais il a fallut attendre l'audit mené par le cabinet Deloitte, qui chiffre la perte potentielle de la trésorerie de cet organisme, pour qu'on en parle un peu partout.
Qui est Eco-Emballages ?
Fondée en 1992, c'est une société anonyme de droit privé mais sans but lucratif et exonérée d'impôt. Eco-Emballages a une mission d'intérêt général (avec agrément du ministère de l'environnement) qui consiste à collecter auprès des industriels une contribution d'en moyenne 0,6 centime d'euro par emballage et de la redistribuer aux collectivités locales pour les aider à financer la collecte sélective des déchets et leur recyclage. Elle est détenue par 210 actionnaires, via la holding Ecopar, propriété à 70 % des industriels contributeurs, à 10 % des distributeurs (Auchan, Carrefour...) et à 20 % des professionnels du recyclage. En 2007, 47 000 entreprises ont versé 411 millions d'euros pour financer 1 331 collectivités locales.
Fort bien me direz-vous, mais où est le problème ?
Le directeur général, qui a été aussi directeur financier un peu plus tôt, plaçait sur les conseils d'un ami à lui la trésorerie de la société. Un ami pour le moins sulfureux, puisque Michael Kraland, Néerlandais domicilié en Irlande, avait créé en France Trinity Capital Partners, à laquelle la Commission bancaire a retiré son agrément en août 2002... Les montants placés sont passés de 34 millions d'euros, fin décembre 2001, à près de 300 millions d'euros, fin décembre 2006, pour retomber à 225,6 millions d'euros en 2008. Une part significative - jusqu'à 43 % des réserves - a été logée dans trois fonds très spéculatifs, gérés par une petite société de neuf salariés, basée à Zurich (Suisse), Primores. Eco-Emballages détenait 37 % du fonds appelé Primores Opportunity et 13 % de Primores Growth, domiciliés aux îles Caïman, et y avait investi 70,8 millions d'euros.
Tout cela ne semblait déranger personne jusqu'au jour où les fonds Primores affichèrent une perte de leur valeur liquidative de 23,7 millions d'euros ! C'est à ce moment que le ministre de l'environnement déclara qu'il trouvait "hallucinant que 60 millions d'euros destinés aux collectivités locales soient placés dans un paradis fiscal". Mieux vaut tard que jamais...
Et en plus, c'est légal !
Le plus triste dans cette affaire est, qu'à priori, il n'y a rien de délictueux. En effet, tous les administrateurs et commissaires au compte ne pouvaient qu'être au courant de ces placements - même s'il n'en connaissait pas forcément tous les détails - puisque les comptes en retracent l'historique...
En définitive, on peut s'insurger à juste titre du fait qu'une société ayant une mission d'intérêt général puisse s'amuser avec des placements financiers hasardeux. Car, en bout de chaîne, les vraies victimes sont les collectivités locales, et donc les citoyens ! Quand je pense qu'en outre ce directeur général avait eu l'audace de publier il y a quelques années des livres pour nous expliquer comment bien gérer la trésorerie d'une entreprise...
Quelle image pitoyable !