On parle beaucoup ces derniers jours du décret que va prendre le gouvernement pour encadrer les rémunérations variables des dirigeants d'entreprises aidées par l'Etat. D'ores et déjà on s'achemine vers un décret bancal puisque d'après le Premier ministre, il ne doit s'agir que de "règles de temps de crise". Donc, une fois la tempête passée, les parachutes dorés pourront à nouveau redevenir exorbitants ? C'est peut-être aussi pour cela que Monsieur Fillon a déclaré exclure catégoriquement l'idée d'encadrer de façon globale les rémunérations patronales...
Quoi qu'il en soit, étant frontalier, lorsque je regarde de l'autre côté du Rhin, je ne peux que constater les mêmes excès : les neuf anciens membres du directoire de la Dresdner Bank - rachetée Commerzbank - ont perçu l'an dernier 58 millions d'euros de revenus malgré les pertes enregistrées par la banque. En moyenne, ils ont chacun perçu 6,4 millions d'euros l'an dernier, soit plus du double des sommes perçues en 2007, en raison du versement d'indemnités et de droits à la retraite avant leur départ de la banque, consécutif à son rachat par Commerzbank. Si cela a du mal à passer dans l'opinion publique allemande, c'est aussi parce que la Commerzbank, qui a publié une perte nette, incluant Dresdner Bank, de 6,6 milliards d'euros en 2008, vient d'être partiellement nationalisée !
Les politiques ont ainsi rapidement saisi l'occasion de donner de la voix, surtout avant les élections générales qui auront lieu en septembre en Allemagne. Mais le mal était fait, et le quotidien populaire Bild en a fait ses choux gras en publiant la photo que j'ai insérée dans cet article et en appelant les Allemands à exprimer leur mécontentement en envoyant à la Chancelière Angela Merckel une lettre de protestation dont ils fournissent même le modèle (ceux qui connaissent l'allemand pourront la trouver à cette adresse).
Il faut aussi dire que du côté allemand, les patrons de banques s'en donnent à coeur joie dans les rémunérations et annonces scandaleuses : à la Postbank, après avoir touché plus de 3,3 millions d'euros en 2008 malgré des pertes de 821 millions d'euros, Wolfgang Klein, le PDG veut calmer les esprits en se disant prêt à ne toucher qu'un euro symbolique en 2009. Dans le même registre, le patron de la Deutsche Bank, Josef Ackermann, avait annoncé il y a quelques mois, qu'en raison de la crise, il diviserai ses revenus par deux et ne s'accorderait aucun bonus. Mais était-il nécessaire qu'il déclare plus loin avoir fait ce geste en faveur des employés "qui ont davantage besoin de cet argent" ? Surtout lorsque l'on sait que son salaire est estimé à 14 millions d'euros annuel, dont une grande partie provient de bonus...
Pour finir, j'apprends à l'instant sur le site de l'Express que Daniel Bouton, PDG de la Société Générale, est affilié à un régime de retraite mis en place au début des années 80, qui lui assurera une retraite totale, lorsqu'elle sera liquidée, de 58% de son dernier salaire de dirigeant exécutif, soit environ 730 000 euros par an !
Et après tout cela, on nous parle de moraliser le capitalisme ? Lorsque j'entends Laurence Parisot affirmer qu'en matière de rémunération "l'autorégulation peut apporter beaucoup, peut-être même plus que des lois" et plus loin ajouter que "ce la loi ne peut pas faire totalement, nous avons la conviction au Medef qu'un code éthique peut le faire", je me dis que la bêtise le cynisme n'a pas de limite.
Je repense alors à ces quelques mots de d'Alembert : "Tous crient de concert haro sur le premier qui osera se moquer des sottises sur lesquelles ils s'accordent".