Hier, pendant que les dirigeants du G20 étaient au chevet du système capitaliste, je donnais une conférence sur la croissance et ses limites dans le cadre de l'UTL à Saint-Avold. Interrogé sur les issues possibles de ce sommet politique, j'avais laissé entrevoir ma circonspection, et au final, je constate que mes doutes sur la réussite d'une telle rencontre étaient légitimes.
Au final, quoi de neuf après ce sommet du G20 ?
Quatre orientations ont été prises pour essayer de sauver le capitalisme :
* 1 100 milliards de dollars seront injectés dans l'économie mondiale par diverses institutions, au premier rang desquelles le Fonds monétaire international.
* L'OCDE publiera une liste des paradis fiscaux non coopératifs (chose qu'elle fait déjà...)
* Renforcement des moyens et pouvoirs des institutions internationales : retour gagnant du FMI d'un côté, qui va voir ses moyens tripler à 750 milliards de dollars. Quelque 250 milliards seront financés par de la création monétaire, en clair la planche à billets. De l'autre, renforcement des pouvoirs du Forum de stabilité financière (FSF). Rappelons que le FSF est une organisation créée par le G7 en 1999 qui doit détecter les risques financiers et coordonner les actions à entreprendre.
* Renforcement de la présence des pays émergents sur la scène politique internationale
Et alors ?
Mise à part le renforcement des liens entre les pays, il n'y a pas grand chose de nouveau. On cherche à sauver le capitalisme tel qu'il existe en promettant - comme toujours après une crise - de la moraliser ! Pas un mot sur les grands déséquilibres monétaires, budgétaires et commerciaux, qui sont aussi à l'origine de la crise. Pas un mot sur une vraie régulation de la finance dans chaque pays qui passerait par un contrôle des capitaux par exemple. Pas un mot sérieux sur un changement de paradigme économique qui prendrait en compte les questions écologiques, si ce n'est cette phrase lapidaire du communiqué final : "il faut construire une reprise complète, écologique et durable".
Même la fameuse liste des paradis fiscaux n'est que poudre aux yeux ! En effet, l'OCDE a publié dès ce matin sa liste noire, mise à jour, des pays non coopératifs sur le plan fiscal. Et là, c'est la consternation surprise : le Costa Rica, la Malaisie, les Philippines et l'Uruguay sont les seuls pays de cette liste ! Les places financières habituellement les plus visées en matières d'évasion fiscale figurent, elles, sur une deuxième liste - appelée liste grise - regroupant les pays ayant pris des engagements mais ne les ayant pas "substantiellement" mis en oeuvre... Voilà donc comment le problème des paradis fiscaux a été réglé : ils sont passés d'une liste noire à une liste grise. Cela me rappelle la liste noire des compagnies aériennes qui ne contenait quasiment aucune compagnie aérienne.
Pour en revenir aux pays émergents, certes ceux-ci ont accepté un renforcement des moyens du FMI... mais sans obtenir les droits de vote auquel leur poids économique leur donne droit. Mais on leur a promis de changer cela d'ici 2011...
Pour finir, les pays du G20 ont prévu de se revoir en septembre, histoire de rêver réfléchir à nouveau ensemble. Il faut dire qu'après tous les superlatifs entendus hier, il sera difficile de faire mieux en septembre. Petit florilège : "le temps du secret bancaire est révolu", "Il est maintenant acté que c'est la défaillance de la régulation qui est à l'origine de la crise financière" (du Sarkozy dans le texte...), "le G20 est arrivé à un compromis très, très bon, presque historique" (du Merkel dans le texte...), Barack Obama évoque "un tournant" pour la poursuite du redressement économique (il ne risque rien en disant cela...). Je n'ai malheureusement pas trouvé de déclaration de Berlusconi, dont on sait combien sa poésie politique est appréciée.