S'il y a un sujet qui mobilise la France actuellement, c'est bien celui de la taxe carbone (contribution climat énergie pour être précis). Il ne se passe pas une journée sans qu'il y ait de nouvelles annonces ou des revirements de situation. Je vais donc essayer à travers ce billet de donner quelques pistes de réflexion au lecteur pour approndir cette question.
Quelques rappels économiques pour commencer...
Les économistes désignent par externalité le fait que l'activité de production ou de consommation d'un agent affecte le bien-être d'un autre sans qu'aucun des deux ne reçoive ou ne paye une compensation pour cet effet. L'externalité peut être favorable comme dans le cas des retombées technologiques (externalité positive) ou défavorable lorsqu'il s'agit par exemple d'une pollution (externalité négative). Quelle que soit sa nature, cette externalité à pour conséquence de rendre le marché inefficace en ce sens que la quantité d'équilibre sur ce marché ne maximise pas le surplus total (travaux de Ronald Coase (1910- ) et de Arthur Cecil Pigou (1877-1959)).
Quelles sont les possibilités dont dispose l'Etat pour lutter contre la pollution ?
Lorsque l'Etat veut modifier les incitations dans le cas d'une pollution (externalité négative), il peut agir soit sur les prix, soit sur les quantités. Dans le premier cas, il s'agit d'imposer une taxe de manière à diminuer la quantité d'équilibre au niveau socialement désirable (afin d'internaliser l'externalité négative comme disent les économistes). C'est le principe de la taxe carbone - appelée contribution climat énergie - qui s'appliquerait sur chaque tonne de CO2 émise par les énergies fossiles (pétrole, charbon, fioul, gazole) utilisée dans les transports et le chauffage des bâtiments à partir de 2010. Dans le deuxième cas, théoriquement équivalent au premier, il s'agit de délivrer des quotas d'émission prosaïquement appelés "droits de polluer".
Ainsi, dans le cas d'une action par les prix (taxation), tout le monde peut polluer, mais en payant une taxe pour la pollution émise. Dans le cas d'une action par les quantités (quotas d'émission), ne peuvent polluer que ceux qui ont des quotas d’émission reçus gratuitement ou bien bien achetés sur le marché. Au niveau européen, c'est l'action par les quantités qui a été retenue pour limiter la pollution au CO2 au titre du Protocole de Kyoto, avec la création d'un marché spécifique de droits d’émission de CO2 (European Trading System – ETS). Le problème est que ce système de quotas ne s'applique notamment pas au secteur du transport, pourtant responsable de 21 % des émissions de CO2...
Avantages/inconvénients de ces solutions
Les partisans de la taxation relèvent, à juste titre, qu'elle garantit que les tonnes de carbone évitées seront celles dont le bénéfice était inférieur au montant de la taxe. En pratique, cela signifie que les ménages devront arbitrer entre utiliser la voiture (l'essence ayant augmenté) et utiliser cet argent pour faire autre chose. En outre, la taxation constituerait une incitation à l’innovation : les entreprises chercheraient à produire des biens plus économes en énergie et moins polluants puisqu'il y a une incitation financière.
Le grand inconvénient de cette taxe carbone est que l'on ne sait pas précisément à quel niveau il faut la calibrer (les palabres de marchands de tapis n'en finissent pas au gouvernement à ce sujet...). De plus, il sera difficile de ne pas faire de perdants, même si l'on souhaite redistribuer le montant de la taxe afin de ne pas accroître le pression fiscale. Comment redistribuer, en effet, exactement le montant payé en taxe carbone sachant que certains ménages ont des pratiques de consommation bien différentes du ménage moyen ? Aux dernières nouvelles, le gouvernement envisagerait de donner unchèque en retour aux ménages (réduction d'impôts, baisse CSG,...) et un autre aux entreprises sous la forme d'une suppression de la part de la taxe professionnelle qui porte sur les investissements. Un véritable casse-tête, d'autant plus que la communication fut particulièrement déplorable avec des chiffres parfois fantaisistes qui n'auront servi qu'à brouiller un peu plus le message.
Enfin, si la France met en place une taxe carbone, nous serons face à un système mixte de quotas et de taxes dont certains lobbies ne se priveront pas de trouver la faiblesse... Pour être cohérent avec le reste de l'Union européenne, il faudrait plutôt s'attacher à créer des droits d'émission pour les secteurs "oubliés" par le marché euorpéen : transport, bâtiment, etc.
Le sujet est loin d'être épuisé, et je n'ai souhaité ici que rendre compte des éléments principaux concernant la question de la taxe carbone, afin que le lecteur ait quelques éléments de réflexion. Car, il faudrait certainement s'interroger aussi sur la pertinence de ne taxer que le CO2, alors que d'autres polluants bien plus nocifs sont échappent à ce mécanisme de régulation. De plus, il faudrait s'assurer que ce débat est un bien une prise de conscience écologique et non pas une simple manoeuvre politique pour capter les voix des électeurs depuis la percée des Verts au dernières élections européennes...
Et dire qu'au même moment se joue l'autre feuilleton de la rentrée dont on ne parle plus depuis que les journalistes se passionnent pour le carbone : la suppression d'une partie de la taxe professionnelle avec tous les problèmes que cela comporte : à suivre...