A défaut de faire son grand retour, l'inflation fait à tout le moins la une des journaux économiques. Jean-Claude Trichet, gouvernator presque retraité de la Banque centrale européenne, n'a-t-il pas évoqué (d'aucuns diront suggéré tant ses propos sont limpides comme une huile Total...) une possible remontée des taux directeurs de son institution parce que l'inflation a dépassé depuis trois mois le seuil de 2 % ?
Rappelons que la BCE a pour mission quasi-unique de lutter contre l'inflation, avec pour objectif un taux d'inflation inférieur à 2 % à moyen terme. L'indicateur de mesure de l'inflation retenu est l'IPCH, indice des prix à la consommation harmonisé utilisé pour les comparaisons entre les pays membres de l'Union européenne. Sur cette base, selon Eurostat, le taux d’inflation annuel de la zone euro a atteint 2,4 % en février 2011 et celui de l'Union européenne 2,8 %, comme le montre le tableau ci-dessous (cliquez dessus pour l'agrandir) :
[ Source : Eurostat ]
Donc, de manière quasi-mécanique la BCE va remonter ses taux pour lutter contre l'inflation, sans se soucier un moment de la relance de l'économie qui pâtira de taux de crédit plus élevés... En France, c'est l’indice des prix à la consommation qui sert à mesurer l'inflation. Celui-ci est en hausse de 1,7 % sur 1 an en février 2011. Hors tabac, l’IPC augmente de 1,6 % sur un an (+1,7 % sur un an, corrigé des variations saisonnières). Le graphique ci-dessous présente les glissements annuels de l'IPC et de l'inflation sous-jacente, ce dernier indicateur traduisant l'évolution des coûts de production et la confrontation de l'offre et de la demande en excluant les prix soumis à l'intervention de l'État (électricité, gaz, tabac...) et les produits à prix volatils :
Glissements annuels de l'indice des prix à la consommation (IPC) et de l'inflation sous-jacente (ISJ)
[ Source : INSEE ]
Bref, pas de quoi fouetter un chat gouverneur de Banque centrale dans le contexte plutôt déflationniste - et de crise - que nous connaissons ! Car la hausse des prix au mois de février 2011 provient essentiellement de l’accroissement des prix des produits pétroliers (voir mon billet consacré au prix des carburants) contre lesquels on ne peut pas grand chose en l'état actuel de la géopolitique du pétrole.
Mais il ne faut pas non plus négliger les hausses de prix dans les services dus à des augmentations saisonnières ou tarifaires : il me semble par exemple que la facture d'électricité des Français s'est envolée de 3 % le 15 août 2010 et de 3 % à nouveau au 1er janvier 2011, notamment pour permettre à EDF d'investir dans son parc nucléaire vieillissant... De plus, bien qu'il l'ait démenti depuis, le quotidien Les Echos affirmait que l'opérateur historique cherchait à augmenter la facture d'électricité des particuliers de 5,1 % à 6,5 % par an jusqu'en 2015, inflation comprise ! Quant au prix du gaz, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a donné son feu vert à une augmentation des tarifs de 5,2 % en moyenne à partir du 1er avril prochain... Consolation, les prix des produits manufacturés sont restés stables, ce qui explique que le taux d'inflation n'ait pas plus progressé.
N'oublions pas que nombre de taux et de revenus sont calculés en Europe sur la base de l'inflation : taux du livret A, SMIC, retraites, etc. D'où la revalorisation, à compter du 1er avril (ce qui n'est pas une blague, seul le montant en est souvent une mais de mauvais goût), des pensions de retraite de 2,1 %.
En définitive, le lecteur aura compris l'importance de bien saisir le mécanisme de l'inflation et ses conséquences sur l'économie. C'est pourquoi, j'ai réservé un chapitre entier à ce thème dans mon nouveau livre les grands mécanismes de l'économie en clair, auquel le Républicain Lorrain a consacré un grand article :
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