L'année 2010 promet d'être riche en sang et en larmes événements économiques : notre ominiprésident a en effet énuméré la liste des réformes de l'Etat et du système de protection sociale qu'il entend engager en 2010. Celle des retraites figurent d'ailleurs en si bonne position, qu'un proche de l'Élysée confiait à un journaliste du quotidien Le Monde "qu'il y aura un moment de virilité entre Nicolas Sarkozy et Bernard Thibault"...
Il faut dire que la réforme des régimes spéciaux a eu le mérite d'annoncer la récupération politique du sujet au détriment d'une vision économique pérenne du système des retraites. C'est précisément ce que pointe le rapport du sénateur UMP d'Indre-et-Loire, Dominique Leclerc : "les gains qui devaient résulter de la réforme des régimes spéciaux de retraite pourraient, à terme, s'avérer beaucoup plus faibles pour la collectivité que ce que les prévisions initiales, particulièrement optimistes, ne le laissaient à penser". Quelques chiffres pour vous en convaincre ? Alors que le gouvernement tablait sur 500 millions d'euros d'économies cumulées en 2012 (en cotisations et en pensions), la caisse de retraite de la SNCF n'avance plus que 282 millions d'euros d'économies et celle de la RATP 8 millions d'euros !
Et où est passé le reste ? C'est là que le problème devient plus politique qu'économique, puisque pour être certain de faire passer cette réforme, notre omniprésident a négocié de très nombreuses contreparties (création d'échelons d'ancienneté supplémentaires, déblocage de la grille des salaires, possibilité de rachat d'années d'études, suppression de la condition d'âge pour l'affiliation au régime spécial, etc.). Celles-ci ont été passées sous silence lors de la présentation officielle de la réforme afin que le gouvernement puisse se vanter d'avoir fait céder les syndicats rapidement. Mais à moins de croire au père Noël financier, tout un chacun sait qu'une réforme obtenue aussi rapidement cache forcément un train... de mesures compensatoires !
Ainsi, si on fait le solde des économies espérées et des contreparties octroyées, on découvre que la réforme du régime de retraite de la RATP "engendrerait un surcoût jusqu'en 2015 d'environ 2 millions supplémentaires par an, avant de dégager de faibles économies". Pour la SNCF, le coût des contreparties "initialement évalué à 109 millions d'euros pour 2009, serait finalement de 125 millions; (...) en 2012, il atteindrait 171 millions au lieu des 120 millions envisagés" ! Le rapport conclut dès lors que "les gains accumulés au cours de la première période seraient annulés au cours de la seconde". En voilà une réforme efficace !
J'avais déjà écrit, il y a de cela quelques mois, un article où j'évoquais ces réformes successives sans réelles ambitions économiques et qui ne servent qu'à prouver une prétendue hardiesse politique qui s'émousse bien vite d'ailleurs... De leur côté, Pierre Cahuc et André Zylberberg, ont écrit un excellent ouvrage intitulé Les réformes ratées du président Sarkozy. Dans ce livre, les deux économistes nous montrent comment "une mécanique infernale s'enclenche alors, tant il est clair que le nouveau Président est prêt à concéder beaucoup pour que ses réformes se réalisent"...
C'est pourquoi, au vu de l'importance du sujet, les participants du café économique m'ont demandé de traiter le thème des retraites lors de notre rencontre du jeudi 7 janvier à 18h30, à l'Université Populaire de Sarreguemines. Je précise par ailleurs que les rencontres du cafet'éco se poursuivront également après les vacances de février, dans le cadre d'un second semestre.