Commençons par cette information qui m'a laissé perplexe : d'après le ministère du travail, un dysfonctionnement chez SFR, qui agit comme prestataire de Pôle emploi, explique une bonne partie de la baisse du nombre de chômeurs au mois d'août 2013 ! Pour le dire simplement, un bug chez SFR a empêché l'acheminement d'une partie des messages de relance au mois d'août, que Pôle emploi adresse chaque mois par SMS (voir l'image de ce billet) ou message vocal aux demandeurs d'emploi qui n'ont pas encore déclaré leur situation.
Conséquences du bug ? Selon les investigations menées par la DARES et Pôle emploi, ce sont 20 000 à 30 000 demandeurs d'emploi en plus qui ont quitté les statistiques du chômage pour défaut d'actualisation. Au total, s'il y a bien eu une baisse du nombre de demandeurs d'emploi au mois d'août 2013, celle-ci est moitié moindre qu'annoncée :
[ Source : Les Échos.fr ]
Ce qui m'inquiète le plus avec ce genre de problèmes, c'est qu'ils conduisent à décrédibiliser encore un peu plus les chiffres fournis par les institutions publiques, dans un contexte où la population doute déjà beaucoup des statistiques publiques. Et ce dernier bug s'ajoute au couac survenu à l'INSEE au mois de juin : l'INSEE n'avait en effet pas été capable de publier l'étude détaillée qui accompagne toujours les chiffres du chômage mensuel, en raison d'un sous-effectif d'enquêteurs et d'une refonte de l'enquête (changement de questionnaire notamment)...
Ces problèmes techniques tombent mal puisque le président de la République a annoncé son intention d'inverser la courbe du chômage d'ici la fin de l'année. De plus, le gouvernement vient de lancer ses 34 plans de "reconquête industrielle", avec en prime un document PDF rempli de jolies photos plus ou moins futuristes. Or, je ne peux m'empêcher de sourire lorsque j'y trouve comme objectif "la souveraineté télécoms"...
Pour en revenir au chômage, la situation est actuellement la suivante :
Taux de chômage au sens du BIT
[ Source : INSEE, enquête Emploi ]
Ci-dessous un graphique qui présente l'évolution du nombre de demandeurs d'emploi depuis 2007 :
[ Source : Alternatives Économiques ]
Au sein de l'Union européenne, les nouvelles du front de l'emploi ne sont guère plus réjouissantes (cliquer sur l'image pour l'agrandir) :
[ Source : Le Parisien ]
Quant à la situation des chômeurs de plus de 50 ans et des jeunes, elle devient tout simplement catastrophique : si le chômage des jeunes est en très nette progression depuis la crise (+ 50 % pour les moins de 25 ans), le chômage des plus de 50 ans a quant à lui doublé en 5 ans ! Le gouvernement peut-il dès lors espérer inverser durablement (c'est-à-dire en dehors du mois d'août 2013) la courbe du chômage d'ici quelques mois ?
Contre toutes attentes, cela est possible mais pour des raisons qui n'augurent rien de bon. Tout d'abord, de nombreux chômeurs se découragent d'un marché du travail bloqué et d'un service public à l'emploi qui n'a rien à leur proposer de concret. Je suis certain qu'un de mes fidèles lecteurs ne manquera pas de me confirmer les tensions qui existent du côté de Pôle Emploi... En dehors de cela, il est important de noter que la population active croît désormais à un rythme beaucoup plus faible que par le passé, ce qui aura pour conséquence de réduire le taux de chômage.
En outre, si le taux d'activité (= part de la population qui a un emploi OU en cherche un...) des plus de 55 ans a bondi depuis 5 ans, en raison essentiellement de la réforme des retraites, celui des jeunes de 15 à 24 ans recule de 0,5 %. Ce recul, qu'il soit dû à un découragement ou à une poursuite d'étude qui souvent ne fait que reporter le problème du chômage à plus tard, fait cependant les affaires du gouvernement à court terme.
Le vrai problème est que la plupart des gouvernements européens ont inversé les priorités : ils ont décidé de s'attaquer d'abord à l'endettement public et ensuite au chômage. Ce faisant, ils mettent tous en place, au même et pire moment, des politiques d'austérité qui passent désormais par des réductions de dépenses publiques - dont celles de Sécurité sociale.
Or, j'ai montré les effets néfastes sur l'économie de ces politiques, qui sont du reste à présent bien détaillés dans la littérature économique. Dans mon nouveau livre, les grands débats économiques actuels, les lecteurs pourront d'ailleurs trouver un chapitre intitulé Faut-il baisser les dépenses publiques ? dans lequel je détaille cette question importante.
Malheureusement, l'Europe reste arc-boutée à l'idéologie néolibérale et feint d'ignorer que les principaux problèmes sont l'atrophie de la demande et la concurrence mondiale intenable pour les entreprises ! Et le dire, c'est déjà apporter un début de solution puisque l'on sait à quels problèmes s'atteler...
N.B : l'image de ce billet provient de cet article du Huffingtonpost.