Chypre acte I : le pays est tombé en panne suite à la crise de 2007 et au hair cut en Grèce, essentiellement parce que sa finance et ses banques s'étaient développées de manière effrayantes, le système bancaire national représentant désormais plus de 700 % du PIB de l'île ! Résultat : le gouvernement chypriote a dû se résigner à demander l'aide de la tristement célèbre Troïka (FMI, UE, BCE), qui a débouché sur un plan d'aide de seulement 10 milliards d'euros sur les 17 demandés et sur l'instauration d'une taxe exceptionnelle sur tous les dépôts bancaires dont on attend 5,8 milliards d'euros...
Chypre acte II : avec une idée aussi géniale que de taxer les dépôts bancaires, tabou ultime au sein de la zone euro, la crise bancaire a mué en une crise économique, sociale et sous peu politique. En effet :
* la Banque centrale européenne (BCE) exerce un véritable chantage sur le gouvernement chypriote, conditionnant ses liquidités d'urgence aux banques chypriotes - appelées LEA - à la mise en oeuvre d'un accord avec la Troïka. Voir le communiqué de la BCE à ce sujet.
* le gouvernement chypriote cherche tous les moyens pour éviter cette taxation des dépôts, quitte à inventer un hypothétique fonds qui prendrait appui sur les fonds de pension et sur les revenus futurs de l'exploitation du gaz pour émettre des obligations garanties.
* les Chypriotes font désormais face à une fermeture prolongée des banques pour éviter une fuite des capitaux aux effets dévastateurs. Bien entendu, dans pareil contexte, les commerçants n'acceptent que les paiements en liquide, que l'on ne peut obtenir qu'aux seuls distributeurs automatiques. Or, depuis dimanche 24 mars, la banque centrale de Chypre a imposé un plafond de 100 euros par jour pour les retraits bancaires, ce qui complique encore plus la vie des Chypriotes et rappelle que les moyens de paiement sont un bien commun. Au fait, comment fait la personne qui n'a pas de carte de retrait ?
Hier matin, la Troïka annonçait avoir trouvé un accord avec le gouvernement chypriote, qui prévoit de fermer la Popular Bank of Cyprus, avec visiblement la création d'une structure de défaisance (appelée bad bank dans le jargon), et de transférer les dépôts de moins de 100 000 euros ainsi que les dettes de cette banque envers la BCE à l'autre grande banque, la Bank of Cyprus.
Les dépôts supérieurs à 100 000 euros seraient quant à eux très lourdement taxés - on évoque plus de 30 % - afin de dégager entre 4 et 5 milliards d'euros pour compléter le plan de sauvetage de 10 milliards d'euros (essentiellement porté par le MES et le FMI dans des proportions inconnues pour l'instant), dont on ne cesse de rappeler qu'il est insuffisant pour faire face à toutes les obligations de Chypre.
Rien d'étonnant donc à ce que Chypre repousse encore de quelques jours la réouverture de ses banques, d'autant que Bank of Cyprus et Laiki Bank représentent 80 % des avoirs bancaires du pays. Heureusement qu'aucun autre pays de la zone euro n'a de système bancaire aussi surdimensionné...
Nous aurons tout de même eu droit à un moment d'anthologie au sein de la zone euro, lorsque Wolfgang Schäuble, ministre allemand des Finances, a montré son sens développé de la démocratie en expliquant que cet accord n'avait pas besoin d'être approuvé par le parlement de Chypre... mais qu'il devait l'être par les Parlements des pays de la zone euro, dont l'Allemagne ! A défaut de démocratie participative, vive la démocratie contemplative !
Quant à Jeroen Dijsselbloem, président de l'Eurogroupe, on se demande encore quelle mouche l'a piqué pour qu'il déclare que le modèle de résolution de la crise chypriote pourrait être appliqué à d'autres pays. Depuis, il a rétropédalé à grand renfort de communiqués de presse qui affirment que Chypre est un cas spécifique. Pourtant, si je ne m'abuse, le sauvetage du soldat grec fut en son temps présenté comme la réponse à un cas exceptionnel, à l'instar de l'aide apportée au tigre celtique ou aux banques espagnoles plus récemment...
Cela envoie un signal très négatif à l'ensemble de la zone euro : la zone euro n'est plus unifiée par la monnaie unique, car un euro déposé sur une banque chypriote ne vaut plus la même chose qu'un euro déposé en France ou en Allemagne par exemple. Le mal est donc fait et certains chercheront dès lors à fuir avec leurs capitaux. C'est pourquoi l'accord prévoit un contrôle des mouvements de capitaux. Il me semblait pourtant que le libéralisme économique détestait ce genre de restrictions ? En complément à ces mesures purement bancaires, l'impôt sur les sociétés passera de 10 à 12,5 %.
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La présentation se veut accessible à tous et ne nécessite aucune connaissance particulière. Renseignements et inscription auprès de l'UPT de Forbach.