Depuis 2007, la Grèce est devenue le cas d'école d'un problème d'insolvabilité traité fautivement comme un problème de liquidité. J'en avais rendu compte dans plusieurs billets, notamment ici ou là. Aujourd'hui, je vous propose de voir quelles politiques économiques un gouvernement peut appliquer pour faire face à une crise d'insolvabilité. Mais commençons par quelques définitions et précisions.
Qu'est-ce qu'une crise de solvabilité ?
A la différence de la crise de liquidité où l'emprunteur peut payer ses dettes mais ne trouve pas temporairement de prêteur, la crise de solvabilité concerne l'emprunteur qui ne peut pas rembourser ses dettes.
Crise de solvabilité externe vs crise de solvabilité budgétaire
On distingue la solvabilité externe (ou extérieure) et la solvabilité budgétaire. La première concerne la capacité d'un pays à faire face à son endettement vis-à-vis de l'extérieur et la seconde sa capacité à faire face à l'endettement public (i.e État + collectivités + sécurité sociale + autres organismes divers d'administration centrale).
La solvabilité budgétaire est assurée dans le temps lorsque le taux d'endettement public en pourcentage du PIB n'augmente plus ou mieux baisse, ce qui se traduit par la condition que le déficit public soit inférieur au produit de l’endettement public et de la croissance en valeur. De même, la solvabilité extérieure est assurée dans le temps si le déficit courant est inférieur au produit de l'endettement extérieur et de la croissance en valeur.
Autant il est possible de faire face à un déficit budgétaire excessif, en l'absence de déficit extérieur, en canalisant l'épargne domestique vers le financement du déficit public, autant l'insolvabilité externe est bien plus dangereuse en raison de l'engagement avec des non résidents. En effet, si la dette extérieure est devenue excessive au point de rebuter les prêteurs non-résidents à continuer de prêter, alors les pays n'arrivent plus à financer leur déficit extérieur et renouveler leur dette extérieure, ce qui débouche sur une crise grave.
Le japon est dans le premier cas avec un déficit public de plus de 8 % du PIB et un excédent de la balance courante de près de 2 %, tandis que la Grèce double son insolvabilité externe (plus de 10 % de déficit courant et 140 % du PIB de dettes nettes extérieures en 2011) d'une insolvabilité budgétaire (plus de 9 % du PIB dé déficit public et 160 % du PIB de dettes publiques en 2011).
Que peut-on faire si un pays est en crise de solvabilité externe ?
* La première idée qui vient à l'esprit est de réduire son déficit extérieur jusqu'à le faire disparaître. Cela se fait naturellement avec une dévaluation de la monnaie qui permet de retrouver une compétitivité-coût. Malheureusement c'est impossible au sein de la zone euro et une telle restauration de la compétitivité-coût passe alors nécessairement par des gains de productivité et une réduction des coûts salariaux, ce que l'on appelle une dévaluation interne.
Résultats d'une telle politique économique ? Freinage ou baisse des salaires nominaux et/ou réels, baisse du coût salarial unitaire, et par conséquent baisse de la demande, de la croissance et de l'emploi. Mais le déficit extérieur est réduit...Victoire à la Pyrrhus !
* La deuxième idée, qui est au reste la plus usitée dans l'histoire, consiste à restructurer la dette extérieure. Violent, mais assurément un viatique lorsque l'on sait que les intérêts payés sur la dette extérieure constituent 22 % du déficit de la balance courante en Grèce (qui vient de restructurer sa dette publique), et presque 100 % en Espagne ! Si de plus on jette un oeil sur le graphique ci-dessous, qui représente la part de la dette publique détenue par les non résidents en 2011, on en déduit qu'il y a un intérêt à restructurer aussi la dette publique, notamment pour l'Espagne où cela réduirait le déficit courant de manière importante.
[ Source des données : FoF, BoJ, Natixis ]
Et aujourd'hui, quelles sont les pays en crise de solvabilité extérieure au sein de la zone euro ?
Il s'agit essentiellement de la Grèce, de l'Espagne et du Portugal. En effet, bien que l'on trouve des déficits publics et externes en France et en Italie, ceux-ci restent de taille assez faible tout comme le taux d'endettement externe. A contrario, en Grèce, en Espagne et au Portugal les taux d'endettement public et d'endettement extérieur ne cessent d'augmenter pour atteindre des niveaux insoutenables.
En définitive, la crise de la zone euro, dont j'avais expliqué qu'elle était une crise de la balance des paiements, ne cessera de se poursuivre tant que la question de l'insolvabilité externe n'aura pas été réglée d'une manière noble (fédéralisme) ou violente (restructuration).