Après des semaines d'âpres négociations diplomatiques et de tractations politiques parfois proches de palabres de marchands de tapis, voici que le couperet est tombé hier : les négociations sur le climat à Copenhague n'ont débouché sur aucun accord contraignant ! Tout au plus, se retrouve-t-on avec un texte au statut juridique flou, dit "Accord de Copenhague". Et encore, cette déclaration commune de trois pages - arrachée in extremis au forceps - n'était même pas encore officiellement adoptée par l'ensemble des participants à la conférence vendredi soir ! Voilà, en résumé, les points de ce semblant d'accord :
* Affirmation de la nécessité de limiter le réchauffement planétaire à 2°C par rapport à l'ère préindustrielle (mais sans aucun engagement chiffré de réduction des émissions de gaz à effet de serre)
* Affirmation de la nécessité d'une coopération
* Affirmation de la nécessité de mobiliser 100 milliards de dollars par an en 2020
* Le protocole de Kyoto n'est mentionné qu'accessoirement et sa prorogation au-delà de 2012 ne semble pas envisagée
* Financement à brève échéance de 30 milliards de dollars pour aider les pays pauvres
* Validation du mécanisme de lutte contre la déforestation REDD-Plus (Reducing Emissions from Deforestation and Degradation)
* Communication tous les deux ans des actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre entreprises par les pays (sur une base uniquement volontaire et sans que ces actions puissent être sujettes à une vérification internationale)
Les réactions des ONG et mouvements écologiques furent dès lors à la hauteur de l'échec réel des négociations :
* "Un lamentable fiasco" (Les Verts français)
* "Les dirigeants des grands pays ont échoué lamentablement" ( Yannick Jadot, député européen Europe-Ecologie et ancien responsable de Greenpeace)
* "Alors que Copenhague devait rassembler par un contrat de confiance l'ensemble des pays autour de la clause climatique, l'arrogance de quelques chefs d'Etat ébranle le processus même des négociations" (Morgane Créach, directrice du pôle international de Réseau Action-Climat France)
* "Écœurés de l'incapacité des pays riches à s'engager sur les réductions d'émissions de gaz à effet de serre qu'ils savent être nécessaires, en particulier les Etats-Unis qui en sont historiquement le premier émetteur mondial" (Nnimmo Bassey, président des Amis de la Terre International)
Et pourtant, rarement un sommet sur le climat aura attiré tant d'attentions et d'espoirs. Qu'on en juge par la déclaration de notre omniprésident qui pensait déjà passer dans l'histoire : "Je n'envisage pas un échec parce que l'échec serait catastrophique, dans la mesure où il se passera beaucoup de temps avant que 110 chefs d'Etat et de gouvernement se retrouvent dans la même capitale sur le même sujet" (Nicolas Sarkozy, 17 décembre 2009)"
Que s'est-il donc passé ?
Personnellement, je n'ai jamais cru un instant à un succès des négociations, tant les intérêts politiques et économiques étaient divergents. Et même en ces périodes troublées par la crise, force est de constater le peu d'empressement dont font preuve les grandes puissances à trouver des solutions collectives à leur problème (communs !). Le seul point qui faisait l'unanimité était que personne ne souhaitait porter la responsabilité d'un échec. Mais cela ne suffit pas à produire un accord...
Regardons un peu plus en détail les réticences soulevées par cette question climatique dans quelques grands pays. Aux États-Unis, contrairement à la crise qui a suscité de nombreuses réactions dans l'opinion, les questions climatiques restent l'apanage des spécialistes. D'après un sondage publié mardi dernier, près de la moitié des sondés (49 %) se sentent «peu ou pas concernés» par les changements de climat, contre 35 % qui sont «plutôt ou très» concernés. Et les chiffres n'arrêtent pas de monter dans la première catégorie...
Le Brésil, où la déforestation est une réalité visible, a changé de stratégie récemment en décidant de s'engager sur une réduction chiffrée des émissions de carbone. Mais les expériences passées d'ingérence internationale (FMI, Banque mondiale, etc.) rendent les habitants méfiants... tout comme les politiques à quelques mois de l'élection présidentielle !
L'Inde, quant à elle, souhaite préserver son potentiel de croissance et craint les accords imposés par les pays riches au détriment des pays émergents. Le géant chinois, partage peu ou prou les mêmes idées que l'Inde au sujet de la croissance.
En ce qui concerne le 3e plus gros pays émetteurs de gaz à effet de serre, il semblerait que la question climatique n'ait pas non plus suscité la passion du gouvernement russe très Poutine-centré. La Russie s'est ainsi déclarée prête à réduire ses émissions de 25 % d'ici à 2020, donnant néanmoins la priorité à sa croissance économique ce qui revient à ne rien changer du tout, mais à faire de belles déclarations !
Le sommet de Copenhague ne pouvait donc être que la chronique d'un échec annoncé ! Et ce semblant d'accord n'est qu'un aveu écrit de l'incapacité des décideurs politiques de s'entendre sur des questions touchant aux biens publics.
Le mot de la fin revient à Oxfam France Agir-Ici : le "sommet historique" a débouché sur une "fuite en avant historique"...