Les derniers chiffres de la productivité globale des facteurs et de la productivité sont tombés. Ils nous permettent d'en déduire ce que l'on peut attendre du potentiel de production de la France pour les prochaines années, et en particulier pour la période 2015-2017.
Hausse de la productivité
Depuis quelques mois, on note enfin une nette amélioration de la productivité globale des facteurs de production, c'est-à-dire du rapport entre le volume de la production et l'ensemble des facteurs de production utilisés. Dit autrement, cette hausse traduit l'augmentation du progrès technique, technologique, et d'autre part l'amélioration de ce que les économistes appellent de manière bien malheureuse le capital humain (éducation, expérience des salariés).
En ce qui concerne les gains de productivité, l'INSEE estime qu'ils seront d'environ 7 % par an jusqu'en 2017.
Qu'est-ce que la croissance potentielle ?
Dans L’économie du XXe siècle (1961), l’économiste français François Perroux a proposé la définition suivante de la croissance : "augmentation soutenue pendant une ou plusieurs périodes longues, chacune de ces périodes comprenant plusieurs cycles quasi décennaux, d’un indicateur de dimension, pour une nation, le produit global net en termes réels". L'indicateur retenu est en général le PIB en volume.
La croissance potentielle, quant à elle, peut être définie comme celle réalisant le niveau maximal de production sans accélération de l'inflation, compte tenu des capacités de production et de la main d'oeuvre disponibles.
L'estimation de la croissance potentielle
Pour estimer la croissance potentielle, on peut soit utiliser une méthode basée sur la productivité globale des facteurs soit celle basée sur la productivité du travail. Dans les deux cas la croissance potentielle de moyen terme est en hausse, puisque d'une part nous venons de voir que la productivité globale des facteurs de production est en hausse, et d'autre part les gains de productivité sont d'environ 7 % par an sur la période 2015-2017.
Selon l'INSEE, qui estime la croissance potentielle en fonction de plusieurs scénarios (croissance de la productivité et de la population active), la croissance potentielle serait comprise entre 2,5 % et 4,4 % par an sur la période 2015-2017.
Or, j'ai souvent expliqué sur ce blog qu'une croissance de 1,5 % par an est le minimum nécessaire pour que l'économie française se remette à créer de l'emploi. Nous devrions donc pouvoir créer entre 400 000 et 600 000 emplois sur la période, hors effets du pacte de responsabilité.
Les salariés, quant à eux, devraient profiter partiellement de ces gains de productivité avec une hausse prévue de leur rémunération de 4,9 % par an.
Et dans les faits ?
Les lecteurs qui suivent régulièrement mon blog auront rapidement compris que le scénario évoqué plus haut était à mi-chemin entre les Trente Glorieuses et le délire furieux, et que jamais l'INSEE n'a publié de tels chiffres !
En effet, en raison des politiques néolibérales qui sont menées depuis trois décennies en Europe et en particulier en France, on assiste tout à la fois à une stagnation de la productivité globale des facteurs, des gains de productivité quasi nuls, une faiblesse des dépenses de R&D (recherche-développement), une désindustrialisation, une stagnation voire un recul de l'investissement des entreprises, une perte de capital humain suite au chômage élevé et de longue durée.
Bref, on assiste à une multiplication des facteurs ayant des conséquences négatives sur la croissance potentielle. Il ne faudra donc ni compter sur une croissance forte dans les prochaines années, ni sur des hausses de salaires à 5 % par an (sic !). Et encore moins sur des créations soutenues d'emplois à ce rythme... Je sais c'est triste comme poisson d'avril, mais ça le serait encore plus s'il n'existait aucune alternative.
Or ce n'est pas le cas (voir ici ou là ou encore là), mais on attend toujours que les politiques se décident à prendre le taureau par les cornes, tant en Europe qu'en France ! Mais il est tellement plus simple de nous expliquer que rien ne peut changer et qu'il faut faire avec...
N.B : l'image de ce billet, qui est bien la seule qui corresponde à la réalité économique actuelle, est issue du blog de la CGT Alcatel-Lucent.