Avis de gros temps sur planète banque ces derniers temps. Petit florilège des pluies, orages, tornades et tsunamis qui ont déferlé sur le monde bancaire :
* un rapport du Sénat américain pointe des failles graves dans le système antiblanchiment de HSBC aux États-Unis. Sa filiale HBUS aurait un peu trop fricoté avec le Mexique, à tel point que les parlementaires américains évoquent de possibles opérations de blanchiment de fonds des cartels de la drogue mexicains. Agissant probablement dans une volonté de concorde incomprise par les régulateurs, HSBC aurait également aidé des banques iraniennes à contourner les sanctions économiques qui frappent l'Iran, tout en jouant les intermédiaires dans de nébuleuses affaires russo-japonaises. Pour compléter le tableau, la banque a aussi également entretenu des relations financières avec des institutions bancaires soupçonnées de financer les groupes terroristes...
* fin juin, JPMorgan avait annoncé une perte de 2 milliards de dollars sur des produits dérivés. Un trader français, Bruno Iksil surnommé "la baleine de Londres", venait de connaître la gloire de faire partie du cercle de moins en moins restreint des destructeurs systémiques. Le PDG de la banque, Jamie Dimon, qui avait dans un premier temps présenté ces pertes comme une simple mauvaise stratégie, a dû se raviser et admettre que les pertes dépassaient déjà les 4 milliards de dollars d'autant que les experts estiment que l'on pourrait s'acheminer vers 7 à 9 milliards de pertes au final ! Mais qui a vraiment compris que la banque avait utilisé une des exceptions prévues par la loi Volcker, qui interdit pourtant le trading sur fonds propres ? Lobbying quand tu nous tiens...
Et pourtant, il ne s'est trouvé que l'ancien économiste en chef du FMI, Simon Johnson, pour lancer une pétition contre le maintien du siège de Jamie Dimon à l'une des instances de la FED (oui vous avez bien lu : le PDG de JPMorgan siège quelque part au sein de la Banque centrale des États-Unis !). Mais n'oublions pas que l'histoire de JPMorgan est émaillée de petits gros péchés mortels, depuis la période des barons voleurs jusqu'au soutien discret au Reich allemand...
* Toujours au mois de juin, la banque Barclays avait reconnu avoir falsifié le taux LIBOR d'une part pour engranger des profits (ah bon ?), d'autre part pour cacher la misère de ses comptes après la crise de 2008. Est-ce très vilain ? Si peu, puisque le marché des contrats de dette indexés sur le LIBOR atteint seulement 450 000 milliards de dollars...Cela en fait donc le plus grand scandale financier de tous les temps, qui verra certainement de nombreuses banques mises en cause ainsi que des régulateurs trop complaisants !
Il existe pourtant une manière simple d'éviter ce genre de séisme financier : comparer au jour le jour le taux moyen réel pratiqué sur les transactions et le taux déclaré. J'ai peut-être oublié de préciser que le LIBOR (London Interbank Offered Rate) est le taux auquel les banques se prêtent de l'argent entre elles sans garantie (pour une devise et une maturité concernée bien entendu), mais qu'il est calculé sur la base des déclarations de taux faites par plusieurs grandes banques sans aucune vérification. Je me souviens d'un étudiant qui m'avait un jour demandé pourquoi on faisait confiance aux banques pour calculer le taux LIBOR. Ma réponse fit rire tout l'amphithéâtre : "il est vrai que banquier rime avec honnêteté" !
* Le directeur général du courtier américain Peregrine Financial Group (PFGBest) vient d'avouer avoir fraudé depuis plus de 20 ans en créant et usant de faux relevés de banques, ce qui lui a permis de détourner plusieurs millions de dollars des comptes de ses clients (juste 200 millions d'après la Commodity Futures Trading Commission...). Ai-je oublié de dire qu'il avait fait ses aveux avant de chercher à se suicider en s'asphyxiant avec les gaz d'échappement de sa voiture ? Le monde de la finance est assurément devenu irrespirable...
* Le coutier américain MF Global, dirigé alors par Jon Corzine ancien coprésident de Goldman Sachs, ancien Sénateur et ancien Gouverneur du New Jersey (rien que ça), avait maquillé un trou de 633 millions de dollars... qui appartenaient à ses clients. En somme, MF Global avait utilisé les fonds de ses clients pour renflouer ses pertes ! Résultat des courses : MF Global, qui gérait 41 milliards de dollars d'actifs, a été la huitième plus grosse faillite que les États-Unis aient connue depuis 1980 et aucun régulateur n'a vu le tsunami arrivé...
* Il y a quelques semaines Raj Rajaratnam, fondateur du fonds d'investissement américain Galleon, a été reconnu coupable d'un délit d'initié qui lui aurait rapporté au bas mot 45 millions de dollars. Il avait bâti un réseau très développé de personnes (dont des cadres supérieurs de McKinsey & Co et de Goldman Sachs) qui lui fournissaient des informations confidentielles sur de nombreuses entreprises. Il purge depuis une peine de prison de 11 ans. Précision : l'homme était déjà milliardaire et avait donc grandement besoin de ces 45 millions d'euros pour vivre, pardon je voulais dire ces 41 000 SMIC...
* Alors que Dexia n'est plus qu'une banque zombie qui met les collectivités locales en situation de crise après leur avoir coupé le robinet à liquidités, et que le Crédit immobilier de France (CIF) se meurt en silence, la Banque postale est appelée par l'État français pour sauver ces institutions. Qui a dit que la Poste ne savait pas diversifier ses risques ?
Ceci n'est qu'un modeste échantillon des tourmentes bancaires, car les banques espagnoles mériteraient à elles seules un billet complet, même si j'ai déjà souvent écrit sur l'Espagne notamment dans ce billet. Et cela sans compter sur les prochaines affaires de la haute finance qui ne manqueront pas d'avoir lieu dans les mois à venir !
En définitive, il n'y a point de salut à attendre de la prétendue re-régulation financière (Dodd-Frank, Volcker,...). D'une part parce qu'un intense lobbying a vidé ces lois de leur substance, d'autre part parce qu'avant même d'être votées elles sont déjà contournées par le biais d'innovations financières parfois subventionnées par les États eux-mêmes (pensez au crédit impôt recherche en France) ! Mais surtout, les efforts actuels de régulation n'ont pas pour finalité d'éviter une crise (la prochaine donc ?), mais tout au plus d'empêcher que ses effets ne soient trop violents. Et au final, rien n'est fait pour briser les rapports consanguins entre la finance et la politique...
L'argent public va-t-il donc continuer à sauver les banques sans aucune contrepartie des actionnaires et créanciers de ces établissements ?
N.B : l'image de ce billet provient du site http://aucoinducomptoir.wordpress.com