Me voilà de retour de mon "road show" sur la crise de la zone euro... et cette dernière va toujours aussi mal ! Et ce n'est pas le mini-sommet à 3, dont on peut se demander pourquoi les autres États membres en ont été exclus, qui aura changé quoi que ce soit. En effet :
* l'Allemagne ne veut toujours pas céder sur une intervention de la BCE pour acheter de la dette publique, évoquant l'indépendance de celle-ci, ce qui revient à avouer le caractère antidémocratique de l'institution de Francfort... La Chancelière allemande n'a du reste pas oublié de rappeler que le pilier central de la BCE était la lutte contre l'inflation (au détriment de la croissance ?)
* le communiqué final parle de modifier les traités "pour améliorer la gouvernance de la zone euro pour plus d'intégration et de convergence ", quitte à exclure certains États récalcitrants si on en croit Nicolas Sarkozy. Angela Merkel a même parlé "d'union fiscale", sans qu'on ne sache très bien ce qu'elle entend par là (rappelez-moi comment fonctionne la fiscalité irlandaise ?).
* les eurobonds ont été évoqués furtivement et exclus de manière lapidaire par Madame Merkel. Mais j'avais déjà expliqué sur mon blog que, sans intégration plus poussée au sein de l'Union européenne, cette tentative de mutualisation des dettes était vaine en raison notamment de l'aléa moral. En bref, comme le rappelle Jean Pisani-Ferry, on ne peut mutualiser les dettes publiques sans un droit de regard plus approfondi sur la politique budgétaire des États.
* l'Italie a émis des bons à 6 mois... à 6,5 %, soit le double de ce qu'elle avait payé en octobre !
* mercredi, l'Allemagne a trébuché lors de l'adjudication de ses obligations (appelée Bund dans le jargon) à 10 ans. Elle n'a placé que 3,6 milliards d'euros sur les 6 milliards d'euros de l'offre de départ...
* l'agence de notation Standard & Poor's a dégradé la note souveraine de la Belgique de AA+ à AA, tandis que son homologue Fitch Ratings a abaissé la note du Portugal de BBB- à BB+, avec perspective négative.
* chaque sommet est présenté comme celui de la dernière chance, mais les annonces qui y sont faites ne parviennent même plus à calmer les marchés pendant 2 semaines ! Il n'y a guère que l'hebdomadaire français d'information financière Investir qui croit encore que le prochain sommet européen en décembre sera le bon...
Le plus terrifiant dans tout cela c'est que des solutions existent - je viens de passer plus d'une semaine à les exposer lors de mes conférences - mais les dirigeants politiques semblent s'acharner dans la voie (voix ?) de l'austérité collective qui mène au précipice ! J'ai évoqué ces solutions possibles ici ou là, mais on en trouve également sur ce site. Mais pour cela, il faut en priorité répondre à l'intérêt des peuples, ce que l'on appelait il n'y a encore pas si longtemps l'intérêt général, quitte à déplaire aux marchés financiers ! C'est donc tout le système qu'il faut remettre sur le métier et abandonner les solutions-rustines trouvées à chaque sommet européen...
Paul Krugman, prix Nobel d'économie, n'a de cesse de se révolter lui-aussi contre ce vrai-faux consensus qui prétend que seule l'austérité nous sauvera du marasme économique. Sa conclusion, dans ce billet, est sans appel : "si nous vivons une période de détresse incroyable et dans une société bien plus dure, c'est un choix. Il ne devait et il ne doit pas en être ainsi". Absolument d'accord avec lui, d'où ma révolte (voir la vidéo ci-dessous) :