L'accord trouvé sur la zone euro a été à la "hauteur des attentes et a fait ce qu'il fallait faire pour l'euro". Voilà comment la chancelière allemande, Angela Merkel, a qualifié l'accord trouvé cette nuit à l'issue du énième sommet à Bruxelles. Bien entendu, l'écho français ne s'est pas fait attendre, Nicolas Sarkozy qualifiant l'accord de "réponse ambitieuse [et] crédible à la crise que traverse la zone euro"...Pourtant, le 21 juillet, on entendait déjà ce genre de propos triomphal :
Mais qu'en est-il réellement ?
La conférence de presse donnée par les présidents de l'hydre européenne (José Manuel Barroso pour la Commission européenne et Herman Van Rompuy pour le Conseil) est en anglais et, pour tout dire, loin d'être passionnante à écouter :
D'où les quelques éclairages sur cet accord, que je souhaite fournir à travers ce billet.
Le premier point est que les dirigeants de la zone euro se sont entendus sur une restructuration de la dette grecque, avec une décote de 50 % - toujours sur la base du volontariat (sic !) pour éviter le déclenchement d'un événement de crédit qui coûterait cher en CDS - pour les investisseurs privés. Cela coûtera plus de 100 milliards d'euros aux banques créancières de la Grèce et devrait permettre de réduire la dette publique de la Grèce à environ 120 % du PIB d’ici 10 ans (contre 165 % actuellement). Bien entendu, les institutions bancaires sont loin d'avoir toutes provisionné comme il se devrait cette décote supplémentaire pourtant prévisible, d'où la nécessité d'une recapitalisation du secteur en Europe de 106,5 milliards d'euro d'ici à la fin juin 2012, selon l'estimation de l'autorité bancaire européenne (EBA).
Dans le détail, les banques françaises devront trouver 8,8 milliards d'euros, à comparer aux 26 milliards pour celles en Espagne, 14,7 milliards en Italie, 30 milliards en Grèce, 5,2 milliards en Allemagne et 7,8 milliards d'euros au Portugal. Objectif : atteindre un ratio de fonds propres de 9 % d’ici à juin 201, dont le lecteur de mon blog sait pourtant qu'il ne protège pas d'une faillite bancaire... Enfin, Nicolas Sarkozy a annoncé que l'État français excluait une recapitalisation publique des banques. Il est vrai que son prédécesseur affirmait que "les promesses n'engagent que ceux qui les entendent"...
Le deuxième point concerne le Fonds européen de stabilité financière (FESF) que d'aucuns ont présenté un peu vite comme le FMI de l'Union européenne, prenant ainsi leurs rêves pour des réalités. Doté initialement de 440 milliards d'euros, mais ne possédant plus que 250 milliards en raison des sommes engagées pour le Portugal, l'Irlande et la Grèce, il a été convenu que sa force de frappe serait augmentée, même si aucun chiffre officiel n'est paru (on parle néanmoins de 1 000 milliards d'euros). Mais comment peut-on croire un seul instant que la taille du FESF a encore une importance en regard des risques actuels de contagion liés essentiellement à des problèmes de gouvernance et non pas de liquidité ?
Enfin, au vu de la modestie de l'accord trouvé, les dirigeants européens en sont venus à vendre l'Union européenne aux BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine). Il a en effet été décidé de créer un fonds spécial adossé au FMI pour accueillir les contributions des pays émergents ! La Chine, avec ses 3 200 milliards de dollars de réserve, détiendrait déjà environ 500 milliards de dollars de dette publique des États membres de la zone euro et serait prête à prendre des participations supplémentaires. Je dis participation, car il serait naïf de croire qu'une puissance comme la Chine prête de l'argent sans contrepartie.
Et ce soir, notre omniprésident tentera de rassurer les Français face à la crise et surtout de récupérer des points dans les sondages, ce dont il aurait bien besoin comme on peut le constater en regardant le graphique suivant trouvé sur RTL :
[ Source : RTL ]
Pour finir, notons avec bonheur que la patronne du MEDEF vient de s'apercevoir, fin 2011, que "l'économie réelle commence à être atteinte par cette crise"...Et de préconiser l'instauration d'une TVA sociale pour relancer le pouvoir d'achat (sic et resic !) et réduire le coût du travail. Voir à ce sujet mon billet sur le poids des cotisations sociales.
Bref, rien n'est vraiment réglé et il faudra à nouveau attendre quelques semaines pour s'apercevoir que l'accord ne résout en rien la crise actuelle de la zone euro. Prochain round au G20 de Cannes la semaine prochaine...