Le gouvernement vient d'annoncer une hausse du SMIC de 2 %, soit 21,50 euros net par mois. Et c'est peu dire que le ministre de l'économie était pris en étau entre le marteau des promesses électorales et l'enclume de la réalité économique. Voyons ça dans le détail...
Qu'est-ce que le SMIC et qui le perçoit ?
Le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) est le salaire horaire minimum légal en France métropolitaine ainsi que dans les départements d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Institué en 1970, il remplace le SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti) qui datait de 1950. A noter qu'il exista également un SMAG (salaire minimum agricole garanti) bien moins généreux que le SMIG, mais en 1968 décision fut prise d'aligner le SMAG sur le SMIG.
En 1950, le SMIG concernait 16 % des travailleurs, alors qu'en 2011 le SMIC concernait environ 10 % des salariés, c'est-à-dire près de 2,5 millions de salariés (cliquer pour agrandir) :
[ Source : INSEE ]
Il faut néanmoins remarquer que le SMIC est un minimum horaire, ce qui signifie qu'un salarié à temps partiel payé au SMIC ne touchera donc pas forcément un salaire suffisant pour vivre... et peut facilement se retrouvait sous le seuil de pauvreté monétaire fixé à 949 euros par mois pour un célibataire. En outre, il existe encore des grilles de salaires dans certaines branches qui démarrent sous le SMIC, bien que cela soit en voie de résorption... Enfin, il existe de nombreuses exceptions comme dans le cas des contrats d'apprentissage, de professionnalisation, des stages, etc.
Comment est revalorisé le SMIC ?
A la différence du SMIG qui était revalorisé chaque année sur la base de l'inflation, le SMIC était revalorisé historiquement au 1er juillet de chaque année en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation pour les "ménages urbains dont le chef est ouvrier ou employé, hors tabac", à laquelle on ajoute la moitié de la croissance du pouvoir d'achat du salaire (mesuré par le salaire horaire de base ouvrier (SHBO). Enfin, le gouvernement peut aussi ajouter "un coup de pouce" à ces augmentations... La finalité du SMIC est donc de réduire l'écart avec le salaire moyen des salariés français.
Depuis 2010, une hausse minimale du SMIC s'applique au 1er janvier, et non plus au 1er juillet. Mais quand l'inflation progresse de plus de 2 %, le SMIC est revalorisé immédiatement dans la même proportion.
Quelles ont été les hausses du SMIC depuis 2006 ?
[ Source : Ouest France ]
Au 1er juillet 2012, le SMIC horaire vaudra ainsi 9,40 euros brut, soit 1425,67 euros mensuels pour 35 heures hebdomaires (un mois correspond donc à 151,67 heures). Les différentes valeurs du SMIC sont consultables dans ce tableau de l'INSEE, dont voici un extrait (cliquer pour agrandir) :
[ Source : INSEE ]
Pour ou contre une revalorisation du SMIC ?
Tout d'abord il y a eu Ségolène Royal qui évoquait un SMIC à 1 500 euros brut par mois lors de la campagne présidentielle de 2007 :
Puis Jean-Luc Mélenchon passa encore un cran au-dessus avec une promesse, lors des élections 2012, de porter le SMIC à 1700 euros brut par mois :
Les hausses de SMIC opposent les économistes quant aux impacts qu'elles ont sur l'emploi et le chômage. C'est pourquoi, la loi du 3 décembre 2008 a créé une "Commission consultative d’experts chargée de remettre chaque année à la Commission nationale de la négociation collective (CNNC) et au gouvernement un rapport sur les évolutions souhaitables du SMIC".
Or, l'ensemble des membres de cette commission (Paul Champsaur, Gilbert Cette, Martine Durand, Francis Kramarz, Etienne Wasmer) se sont déclarés contre un coup de pouce au SMIC. Selon eux, cela augmenterait le coût du travail, notamment pour les PME et les TPE où 24 % de leurs salariés sont rémunérés au SMIC. Conjuguée à des marges parfois très faibles, cette hausse du SMIC conduirait les entreprises à freiner les embauches. Il y aurait également un tassement des rémunérations salariales au niveau du SMIC. En outre, Francis Kramarz estime qu'une hausse du salaire minimum de 2 % entraînerait la destruction de 30 000 à 50 000 emplois payés au SMIC. Enfin, leur argumentation se termine par le coût d'une telle mesure sur les finances publiques : par le jeu des allégements de charges patronales sur les bas salaires dont bénéficient les entreprises depuis 1993, une hausse du SMIC entraînerait donc une hausse de la compensation fournie par l’État estimée entre 1,5 et 2 milliards d'euros.
Certains de ces arguments sont pertinents, d'autant que cette commission propose plutôt de revaloriser le RSA activité pour sortir un plus grand nombre de personnes de la pauvreté. Mais l'argument de la compétitivité des entreprises est à nuancer, puisque la grande majorité des salariés au SMIC travaillent dans des secteurs protégés de la concurrence internationale : restauration, BTP, service à la personne, distribution,... De plus, le surplus de pouvoir d'achat offert par une revalorisation du SMIC permet l'enclenchement d'une dynamique keynésienne par l'effet multiplicateur.
En définitive, la question des effets d'une hausse du SMIC sur l'emploi est loin d'être tranchée par la théorie économique. Mais comme la question est devenue éminemment politique depuis quelques semaines, la commission a bien fait de s'abstenir de se réunir. Quoi qu'il en soit, il faut s'attendre à ce que la prochaine hausse en janvier 2013 soit minime, eu égard à la revalorisation de juillet. Comment réagiront alors ceux qui avaient mis tant d'espoir dans la hausse du SMIC ?