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13 mai 2014 2 13 /05 /mai /2014 11:31

 

Euro brisé

 

L'objet de mon blog a toujours été de décrypter l'économie et de m'exprimer sans langue de bois sur les thèmes que j'aborde. C'est pourquoi j'ai expliqué sans détours dans un récent billet ce qu'on pouvait attendre du plan d'austérité du gouvernement, qui n'est en fait que l'ultime viatique trouvé par des politiques à court d'idées pour financer 41 milliards d'euros distribués aux entreprises et respecter l'engagement de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB en 2015.

 

Au sein de la zone euro, si l'austérité n'apporte pas les résultats attendus, c'est d'abord parce qu'elle est pratiquée dans de nombreux pays d'Europe (il ne faut pas oublier que l'Union européenne est aussi une vaste zone de commerce interne et que les problèmes économiques des uns finissent dès lors par devenir ceux des autres) et ensuite parce qu'elle étouffe toute forme de reprise économique.

 

Tout se passe malheureusement comme si l'appartenance à la zone euro se résumait pour certaines populations a subir années après années des plans d'austérité, plus exactement des politiques de dévaluation interne. Pour mémoire, en l'absence de possibilité de dévaluer la monnaie, les pays en perte de compétitivité-prix pratiquent une baisse des coûts salariaux et des prix, que l'on appelle précisément dévaluation interne ou ajustement nominal.

 

Selon la théorie, comme les prix et les salaires baissent parallèlement, les salaires réels ne varient pas et la compétitivité s'améliore à l'export. Or, en raison de la rigidité des prix (des exportations et de la consommation), la diminution des salaires conduit le plus souvent à la baisse du pouvoir d'achat des ménages, à une compression de l'activité et donc à une hausse du chômage !

 

Bref, en l'état, la zone euro est incapable de répondre efficacement aux problèmes économiques et sociaux des pays membres, puisque ces derniers sont très hétérogènes et que la politique économique et monétaire, par définition unique, ne peut convenir à toutes les économies.

 

C'est du reste ce que prouvent les décisions de la BCE depuis le début de la crise, depuis la création du MES (alors qu'un renflouement public est en principe interdit par les Traités) jusqu'au récentes rumeurs concernant l'utilisation de politiques non conventionnelles pour faire face à la déflation (dont je vous parlerai dans un prochain billet), en passant par l'OMT (programme de rachat de titres de dette d'États de la zone euro, sévèrement critiqué par l'Allemagne) et le sauvetage calamiteux de Chypre. Quant aux appels pressés et pressants pour faire "baisser" l'euro, ils resteront lettre morte puisqu'il n'existe pas de moyen simple - ni de volonté commune - de mener une telle politique.

 

Dans ces conditions, il est illusoire de croire que la crise de la zone euro est finie. Bien au contraire, les gouvernements en Europe ne cessent d'appliquer des politiques néolibérales qui conduisent tout à la fois à une stagnation de la productivité globale des facteurs, des gains de productivité quasi nuls, une faiblesse des dépenses de R&D (recherche-développement), une désindustrialisation, une stagnation voire un recul de l'investissement des entreprises, une perte de capital humain suite au chômage élevé et de longue durée.


En outre, les politiques économiques menées au sein de la zone euro nous engagent désormais dans la grande course à la déflation salariale et au moins-disant social, oubliant de la sorte les leçons de l'histoire (déflation Laval en France, déflation Brüning en Allemagne).

 

Mais que l'on se rassure, la finance obtient ce qu'elle souhaite : pseudo-loi de séparation bancaire, Union bancaire en forme d'usine à gaz, poursuite de la consanguinité entre banquiers et politiques, défenses des intérêts bancaires face à ceux des collectivités territoriales,... En d'autres termes, dormons tranquille, car si la société grecque a été détruite c'était juste pour sauver les banques françaises et allemandes !

 

C'est pourquoi, dans le gloubi-boulga des solutions envisageables pour sortir de la crise et remettre la finance au service de l'économie réelle, j'ai acquis la conviction que le seul moyen efficace serait la sortie de l'euro, ce que j'ai cherché à expliquer en quelques images dans la vidéo ci-dessous :

 

 

Certains esprits chagrins me diront que cette solution est celle avancée par le Front National. A ces personnes, j'opposerai deux arguments :

 

 * d'une part ce n'est pas parce que le FN s'est saisi d'une question que plus personne n'a le droit d'y réfléchir et d'apporter des compléments, sauf à accepter que le débat démocratique devienne captif des intérêts politiques,

 

 * d'autre part, je penche pour un retour à un  système de change fixe mais ajustable à l'instar de ce que fut l'ECU sous Giscard d'Estaing, c'est-à-dire une monnaie commune mais pas unique ! Mais dans l'opinion, ce scénario est souvent confondu avec l'idée du FN, qui consiste à revenir à la situation qui prévalait en 1973 où la Banque de France prêtait au Trésor français sans intérêt...

 

Des études sérieuses ont été menées pour soutenir cette proposition de sortie ordonnée de l'euro avant qu'elle n'arrive par la force des choses, notamment par Jacques Sapir. Elles montrent notamment qu'une telle solution serait favorable à notre industrie, mais que bien entendu elle aurait aussi des conséquences négatives notamment en matière d'inflation. Il ne s'agit donc pas d'une solution miracle, mais d'une solution crédible dans le contexte actuel ; le chemin sera difficile, mais l'enjeu est de redonner du souffle aux économies meurtries par le carcan monétaire. Frédéric Lordon vient du reste lui aussi de se prononcer sur la sortie de l'euro dans son dernier livre.

 

Quant à ceux qui affirment de manière péremptoire qu'il est impossible de quitter l'euro, ils nient de la sorte que la monnaie est une construction humaine, et qu'à l'image de tout ce que les hommes ont construit, il est possible de la modifier, de la faire évoluer, voire de la révolutionner, afin de tendre vers l'intérêt général... des peuples et non de la finance !

 

C'est pourquoi, j'ose affirmer en retour que ne pas opérer de changement alors qu'aujourd'hui la crise ne semble plus vouloir s'arrêter au sein de la zone euro, c'est au mieux confirmer l'admirable lucidité de Tocqueville lorsqu'il évoquait le "despotisme doux" en démocratie qui "réduit chaque nation à n'être qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux dont le gouvernement est le berger", au pire prendre le risque d'aboutir à des troubles politiques graves, comme les prochaines élections européennes risquent fort de le démontrer.

 

Ainsi, et je le répète, l’Union européenne n’est pas la zone euro et il est donc important de dissocier la construction politique de l’Europe de la monnaie unique. Si l'Euro est condamné à mon sens - et il l'était depuis son origine puisque la zone euro n'avait aucune chance d'être une ZMO -, cela ne remet certainement pas en cause le projet européen de paix entre les nations.


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commentaires

S
Cher Monsieur, soutenir le paradigme qui veux que pour la Paix il faut le mariage est une idéologie. Ne pas soutenir l'euro c'est rejeter cette idéologie dans son intégralité car les fondemants de<br /> cette construction sont absurdes. En voulant rendre les choses moins absurdes c'est tout l'édifice qui va s'effondrer. Maintenir coûte que coûte cette construction permet au capital de survivre sur<br /> le dos des travailleurs. Les forces de travail étant infinie par la demande d'immigration, l'opinion public de panurge ne risque pas de faire chavirer le bateau. D'autant plus que ses citoyens<br /> n'ont pas mot à dire.
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