Lors d'une interview accordée au quotidien Le Monde en mai 2012, le président de la Bundesbank, Jens Weidmann, a déclaré :
"Le mandat de la BCE impose de maintenir l'inflation sous les 2 % mais tout en restant proche de ce chiffre, dans l'ensemble de la zone euro. Cela veut dire qu'il peut y avoir une période où l'Allemagne se retrouve en dessus de la moyenne, mais cela ne concerne que les décimales. Il est crucial que les anticipations d'inflation restent fermement ancrées dans chaque pays de la zone euro".
De tous les maux en Europe, l'inflation serait donc celui que l'on devrait le plus redouter ? Pas si sûr comme nous allons le voir... Je précise pour mes lecteurs, que ce billet présente quelques éléments de mon livre les grands mécanismes de l'économie en clair. Dans un chapitre consacré à l'inflation, j'entre plus dans les détails sur l'évolution de celle-ci au cours du temps, les causes... et les conséquences !
Qu'est-ce que l'inflation ?
L'inflation est une augmentation générale et durable des prix, que l'on évalue en utilisant l'indice des prix à la consommation (IPC). Il est cependant à noter que cet indice néglige certains aspects du phénomène inflationniste, l'inflation couvrant un champ plus large que celui de la consommation des ménages. Néanmoins, c'est l'IPC qui est utilisé pour indexer de nombreux contrats privés et le SMIC. Le phénomène contraire de l'inflation est la déflation, c'est-à-dire une diminution générale et durable des prix (certains parlent également d'inflation négative).
Il ne faut pas confondre la déflation avec la désinflation, qui est un ralentissement du rythme de l'inflation.
Quelles sont les causes de l'inflation ?
Plusieurs causes peuvent être avancées :
* inflation par la demande : elle résulte d’une tension entre la demande et les capacités de production qui ne peuvent pas suivre.
* inflation par les coûts : lorsque les entreprises supportent des hausses de leurs coûts de production (salaires, matières premières, loyers,…), elles peuvent décider de les répercuter sur leur prix de vente.
* inflation par la monnaie : selon la théorie quantitative de la monnaie, une trop grande quantité de monnaie en circulation entraîne une hausse du niveau général des prix.
Quelles sont les conséquences possibles d'une trop forte inflation ?
Il n'est pas question ici de détailler la courbe de Phillips qui établit une relation entre la variation relative des salaires et le chômage (voir mon livre pour plus de détails), mais juste de donner quelques notions de base.
Pour prendre un exemple simple, si vous êtes endetté auprès de votre banque à taux fixe pour 5 % et que l’inflation s’élève à 7 %, tout le monde comprend que la banque est perdante. Ainsi, l’inflation constitue un mal pour les épargnants à taux fixe et pour les salariés qui n’ont pas de clause d’indexation de leur salaire. A contrario, les agents économiques endettés et dont les dettes ne sont pas indexées tirent parti de l’inflation, puisque celle-ci opère un transfert de revenu des créanciers vers les débiteurs.
Une autre conséquence d'une inflation trop forte, est qu'elle perturbe la structure des prix relatifs. Cela se traduit en pratique par des incertitudes sur le signal envoyé au client par le prix : si les prix varient 3 fois par jour au gré des hausses de prix, comment savoir si ce que je paye vaut vraiment cette somme ? Cela finira à terme par bloquer toute transaction (pensez à l'hyperinflation au Zimbabwe...).
Enfin, en cas de taux de change fixe de la monnaie, un taux d’inflation plus élevé que les partenaires commerciaux provoque une perte de compétitivité du pays.
Quelle est la situation actuelle sur le front de l'inflation ?
La base monétaire du monde croît très vite ces dernières années, en raison notamment des politiques non conventionnelles pratiquées par les Banques centrales (QE3 aux États-Unis, achats de titres publics au Royaume-Uni et au Japon, OMT bientôt en Europe suite au LTRO dont j'avais parlé dans ce billet,...) :
[ Source : Natixis ]
Voilà pourquoi Jens Weidmann s'inquiétait d'une possible résurgence de l'inflation. Mais l'inflation mondiale est faible malgré l'injection massive de liquidités. En effet, le chômage ne cessant d'augmenter dans de nombreuses régions du monde, au moment où les agents économiques se désendettent, la demande globale reste faible. Pour le dire autrement, comme nous sommes dans un environnement global de sous-emploi, l'ajout de liquidités ne conduira pas à des tensions inflationnistes.
De plus, les Banques centrales ont pour objectif (pas forcément unique du reste) la stabilité des prix. Enfin, les salariés ont vu leur pouvoir de négociation salarial s'affaiblir considérablement, en parallèle d'une flexibilisation accrue du marché du travail et d'une concurrence des pays à bas coûts salariaux. Bref, l'inflation est loin d'être l'ennemi à attendre !
Au contraire, le vrai risque aujourd'hui est la déflation, qui est un mal parfois bien pire à soigner que l'inflation, comme en témoigne l'exemple du Japon. En effet, en cas de déflation, le mécanisme d’allégement des dettes évoqué ci-dessus se retourne et alourdit le poids des dettes. Les agents doivent donc vendre toujours plus d’actifs pour payer leurs dettes et on rentre alors dans une spirale baissière, où la vente des actifs fait encore plus baisser la valeur de ceux-ci, au point qu’il faudra vendre à nouveau pour se désendetter, etc. Face à cela, les Banques centrales ne peuvent plus user du taux d'intérêt d'autant qu'ils sont déjà très bas, et l'économie peut alors très vite entrer en dépression !