En ce temps de financiarisation de l'économie et de marchandisation à outrance, une alternative est en train d'émerger : l'économie du partage, également appelée économie collaborative. Elle revisite la notion de propriété et transforme le consommateur en usager plutôt qu'en possesseur. L'automobile en est un bon exemple : en dehors de certaines professions, on ne se sert finalement que très peu de temps par jour d'un véhicule et il pourrait donc être judicieux de la louer contre une rémunération à la journée. Parmi les penseurs de l'économie du partage, il y a Rachel Botsman et Roo Rogers, auteurs du livre What’s Mine IsYours (2011), mais aussi le collectif ouishare, qui oeuvre pour le développement de l’économie collaborative.
Certes, cette économie du partage est très médiatisée depuis la crise, mais elle s'est développée depuis quelques années déjà à la faveur notamment du développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Internet en est bien entendu le vecteur principal puisqu'il se crée quasiment chaque semaine un site permettant aux particuliers d'échanger ou de louer biens et services. On peut citer par exemple Troc-échange.com, qui se veut un vide grenier du net, servisphere.com, qui est un réseau d'échanges de services entre particuliers, yoojo.fr, qui met en relation des particuliers pour réaliser un travail (réparation, peinture,...), airbnb.fr, qui transforme une chambre libre dans votre appartement en bed and breakfast, etc.
L'économie du partage prend ainsi appui sur les nouvelles technologies pour recréer du lien social. Voici une vidéo du magazine économique suisse TTC diffusé sur la RTS, qui présente comment fonctionne en pratique l'économie du partage :
[ Cliquer sur l'image pour voir la vidéo sur le site de la RTS ]
On peut également citer les systèmes d'échanges locaux (SEL), dont j'avais parlé dans ce billet consacré à l'économie de proximité, en présentant un extrait de mon dictionnaire révolté d'économie :
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Il reste la question de la concurrence faite aux acteurs traditionnels de l'économie, notamment l'artisanat. Pour l'instant, aucune étude ne semble montrer une substitution massive, même si des interrogations sur la fiscalité se font jour. De leur côté, les hôteliers mécontents de la concurrence des particuliers ont depuis saisi le ministre du tourisme.
Les chambres de métiers et de l'artisanat regardent donc avec un oeil attentif ces initiatives, surtout depuis la création du statut d'autoentrepreneur qui est venu les concurrencer parfois de manière déloyale. A mon sens, ces offres alternatives (de l'économie du partage) ne répondent en général pas aux mêmes besoins et il n'y a donc pas d'inquiétudes particulières à avoir pour l'instant, sauf si certains détournent le système à leur profit.
Mais au bout du compte, il est important de comprendre que cette économie du partage ne repose pas sur une logique de don, comme on pourrait le croire en première approche. Bien au contraire, il s'agit plutôt d'un modèle de consommation alternative qui peut certes apporter plus de satisfaction, notamment en ces temps de crise où le pouvoir d'achat est en berne, mais qui n'en demeure pas moins pour certains une manière d'hyperconsommer.
Ainsi, pour pertinente que soit cette alternative du partage, elle ne peut faire l'économie d'un changement de mentalité (prise en compte de la réalité écologique, passage du consommateur au consom'acteur,...), sous peine d'être la perpétuation du système capitaliste actuel par d'autres moyens. Mais il y a des raisons d'espérer, puisque de plus en plus de consommateurs se soucient des questions de développement durable (respect de l'environnement, des salariés,...) et l'on s'achemine désormais vers une économie du partage 2.0, qui fera la part belle au partage des compétences...