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17 mars 2012 6 17 /03 /mars /2012 10:37

 

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Cette campagne électorale est pour l'instant loin d'avoir le niveau qu'on puisse espérer, d'autant qu'elle concerne tout de même la plus haute fonction du pouvoir exécutif de notre État. Actuellement, pour cacher le vide des idées, on brasse des évidences, on arrange les chiffres, on parle de tout sauf de l'essentiel, on ment (n'est-ce pas du reste consubstantiel à une campagne ?) et on ressort des placards des propositions anciennes. Petit florilège :

 

* la TVA sociale : c'est le prototype même de la fausse bonne idée qui revient tous les 5 ans. Après avoir coûté cher en sièges de députés lors des élections législatives de 2007, Nicolas Sarkozy a souhaité passer en force en présentant la mesure comme une arme anti-délocalisation... Or, j'avais montré dans un billet que, bien que parée désormais de toutes les vertus selon les dirigeants politiques, la TVA sociale est loin de constituer une réponse efficace à la perte de compétitivité des entreprises françaises.

 

* le chômage : depuis quelques mois, il est présenté comme volontaire, c'est-à-dire issu pour l'essentiel de la fainéantise des chômeurs, dans la plus pure tradition néolibérale qui cherche à se persuader que le marché du travail laissé sans entraves (donc sans SMIC, sans code du travail,...) conduirait nécessairement au plein emploi ! On ne peut qu'inviter ceux qui n'ont pas encore été totalement désintoxiqués d'allait relire Keynes ou, s'ils manquent de temps, la petite synthèse que j'en ai faite dans ce billet.

 

* les prix des carburants : François Hollande semble convaincu qu'il peut résoudre le problème par un gel des prix pendant 3 mois, avant de mettre en place une usine à gaz qui doit permettre de "geler les prélèvements fiscaux de l'Etat [sur les carburants] à un certain niveau". Marine le Pen, quant à elle, y va carrément au bazooka puisqu'elle propose de réduire la TICPE de 20 %, ce qu'elle financerait par une surtaxation des groupes pétroliers et gaziers. Or, le principe d'incidence fiscale, dont j'ai parlé notamment dans ce billet consacré à la hausse des carburants, nous apprend que, sous couvert d’aider les consommateurs, ces baisses de taxes et gels de prix seront captées par les producteurs de pétrole et ne profiteront que très peu aux consommateurs.

 

* le nombre de fonctionnaires : il semblerait que la cure d'amaigrissement, baptisée RGPP (Révision Générale des Politiques Publiques) dans le jargon administratif français, continue a être la seule idée de la plupart des gouvernements européens. Dans ce registre, Nicolas Sarkozy a affirmé que les effectifs de la fonction publique territoriale ont augmenté de 110 % sur les dernières années, alors qu'il suffit de se rendre sur le site de l'INSEE pour s'apercevoir qu'entre 1996 et 2008, la hausse était plutôt de 32 %...

 

* La dette publique : pour conserver le triple A de la France, le gouvernement avait annoncé qu'il fallait prendre des mesures d'austérité, comprenez réduire les dépenses publiques. Bien entendu, cela se ferait dans le respect de l'État-Providence... sauf que, pour satisfaire les marchés financiers, Xavier Bertrand a dû admettre que la mission emploi et travail (qui représente les crédits consacrés au travail et à l’emploi dans le budget de l'État) a perdu 12 %. Au moment où le chômage atteint des sommets, était-ce vraiment la bonne idée de satisfaire les marchés financiers de la sorte ? D'autant qu'ils nous l'ont bien rendu depuis... 

 

* le pouvoir d'achat : par ces temps de crise, il n'est pas difficile de vendre du rêve. Il y a Nicolas Sarkozy qui continue de se persuader que le pouvoir d'achat en France a augmenté de 1,4 % tous les ans pendant la crise, oubliant de préciser qu'il faisait référence à l’évolution du pouvoir d’achat global du pays, qui ne constitue pas la méthode utilisée par l'INSEE ni Eurostat en Europe... et pour cause, cela ne correspond pas au pouvoir d'achat individuel ! Mais il y a aussi Marine le Pen qui promet une hausse de 200 euros sur certains salaires, par la création d’une "Contribution sociale sur l’importation", sorte de taxe qui portera sur l’ensemble des biens et des services importés chaque année en France. Bien entendu, elle omet d'expliquer que ce sont au final les consommateurs français qui la paieront lorsque les prix des produits importés auront augmenté ! Enfin, François Hollande n'échappe pas à la critique en croyant qu'un encadrement des loyers permettra aux ménages français de se loger sans trop amputer leur pouvoir d'achat.

 

* le déficit commercial : il faudrait passer une vie entière à répéter que cet indicateur n'apporte que très peu d'informations utiles, comme l'explique Jean-Paul Fitoussi. Ceux qui suivent l'évolution du déficit commercial comme le lait sur le feu, ne sont que des colbertistes qui s'ignorent... et qui ignorent comment la balance commerciale se construit ! En effet, on peut très bien imaginer que lorsqu'une économie est en crise, celle-ci diminuera probablement ses importations ce qui aura pour effet de réduire le déficit commercial si les exportations se maintiennent. Or, il est difficile dans ce cas de figure de soutenir que la réduction du déficit commercial est une bonne chose ! Pourtant, quasiment tous les candidats semblent partager la même amertume lorsqu'il est question du déficit commercial de la France. Ainsi, François Bayrou en est-il même arrivé à chercher un obscur lien entre déficit commercial et chômage...

 

* la pauvreté : Claude Guéant peut facilement annoncer une baisse de la pauvreté en France, puisqu'il s'appuie sur un indicateur légalement truqué, le taux de pauvreté monétaire ancré dans le temps. On l'avait découvert lorsque Martin Hirsch était Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté (gouvernement Fillon), et qu'il lui avait semblé nécessaire de casser le thermomètre officiel de la pauvreté pour atteindre son objectif de réduction de celle-ci. En effet, cet indicateur fantaisiste prend comme référence le seuil de pauvreté de 2006 et le réévalue avec l'inflation, sans tenir compte de l'évolution des revenus ! 

 

 

A tout ceci, il faudrait encore ajouter la polémique de chiffres sur la viande halal, l'immigration, le coût des 35h, le coût du travail, le crédit impôt recherche, etc. Chacun de ces thèmes témoignent alors d'un mélange de méconnaissance, de récupération ou même de mensonge sur les chiffres et les faits, de sorte que les Français ne voient plus bien l'intérêt de suivre une telle campagne électorale et ne jugeront plus sur les faits, mais sur des éléments subjectifs voire insignifiants (sympathie, suggestion d'une personne de la même classe sociale,...). C'est l'effet d'allodoxia, défini par Pierre Bourdieu.  

 

Peut-être un jour les politiques comprendront-ils que s'ils ne trouvent plus de solution aux maux économiques, c'est parce qu'ils nous ont enfermés dans un système économique mortifère qui crée des inégalités, des crises et du chômage, et qu'il faudra du courage pour tout changer !

 

A quand le réveil du citoyen ?



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