Tandis que le gouvernement français s'est fait violence pour imposer une taxe symbolique de 3 % pour les ménages déclarant plus de 500 000 euros de revenus annuels (qui rapportera, au mieux, 200 ou 300 millions par an, à mettre en regard du cadeau fiscal de 2 milliards d'euros fait aux plus riches avec la réforme de l'ISF, il y a quelques mois...), le gouvernement italien n'a pu supporter cette idée terrifiante. Ainsi, la contribution de solidarité qui prévoyait une surtaxe de 5 % sur les revenus supérieurs à 90 000 euros par an et de 10 % au-dessus de 150 000 euros, est déclarée mort-née. Seuls les parlementaires italiens y seront assujettis, ce qui constitue une bien maigre consolation pour les classes d'en bas qui devront supporter l'essentiel du plan d'austérité de 48 milliards d'euros sur trois ans !
Moi qui ai suivi un cursus en Mathématiques avant de dériver vers l'économie (on a le droit de rater sa vie...), je me souviens encore de ce professeur qui me disait que lorsqu'on n'arrive pas à démontrer directement une proposition, on peut toujours chercher à faire une démonstration par l'absurde. Appliquons ce conseil plein de bon sens à l'assertion que je répète dans de nombreux billets : "le jugement des agences de notation sur la dette souveraine des États n'est pas pertinent".
J'en ai apporté une preuve directe en montrant que les agences traitent les États comme des entreprises, faisant l'impasse sur la vraie richesse que l'on trouve dans un pays. De plus, j'avais également rappelé que Paul Krugman, prix Nobel d'économie, avait écrit un billet (en avril 2010) sur son blog tenu au New York Times, où il expliquait que bon nombre de produits financiers présentés comme sans risque (note AAA) avaient rapidement perdu toute valeur sur les marchés... Bref, autant de preuve à mon sens que l'on prêt une considération bien trop forte aux notes données par ces agences, ce qui confère à ces dernières un pouvoir sur les marchés et sur les États !
Mais pour en revenir à ma démonstration par l'absurde - si ces preuves directes ne devaient pas suffire - on apprend aujourd'hui que l'agence de notation Fitch juge crédible le plan d'austérité de la France (même si elle émet quelques réserves sur un possible dérapage budgétaire après 2012), ce qui devrait permettre à l'État de conserver sa note AAA qui fait office d'unique objectif de la politique économique du gouvernement. Avec cela le raisonnement devient très simple : si vous pensez, comme nombre d'économistes désormais, que le plan d'austérité français n'a aucune chance de déboucher sur de la croissance supplémentaire, alors vous en déduisez que la notation fournie par les agences ne vaut pas grand chose. CQFD !
En fait, ce que ni les agences de notation, ni le gouvernement français ne veulent avouer, c'est que la France dispose pourtant d'un levier important pour réduire son déficit si tel est l'unique objectif : il suffit de s'attaquer sérieusement aux 470 niches fiscales (permettant de réduire les impôts) et 68 niches sociales (servant à diminuer les cotisations sociales et la CSG) qui, selon les 6 000 pages du rapport de l'Inspection des finances, coûtent plus de 100 milliards d'euros par an aux finances publiques (précisément 66 milliards pour les premières et 38 milliards pour les secondes) ! Le pire dans les conclusions de ce rapport est qu'après avoir audité environ 70 % de ces niches, les hauts fonctionnaires ont conclu que 125 niches fiscales (soit 19 % d'entre-elles !) coûtaient 11,7 milliards à l'État tout en étant absolument inefficaces ! Et que dire des 47 % de niches fiscales qualifiées de "peu efficientes", mais qui coûtent tout de même la bagatelle de 28 milliards d'euros ?
Pour ceux qui souhaitent se faire du mal (le masochisme économique étant très en vogue actuellement, tout comme le sadisme économique du reste...), vous pouvez cliquer sur l'infographie ci-dessous, réalisée par le Figaro suite au rapport que ses journalistes ont pu se procurer :
[ Source : Le Figaro ]
Certes, les parlementaires ont été destinataires de ce rapport. Mais comment pourront-ils manifester une quelconque velléité de changement - le mot réforme étant depuis galvaudé - lorsqu'on sait que le gouvernement s'oppose à toute modification qui pourrait entamer son crédit électoral pour 2012 ? Au reste, quel député prendrait aujourd'hui le risque de s'opposer à la ligne du gouvernement sachant que son siège sera remis en jeu l'année prochaine ? Il doit y en avoir, mais leur nombre doit certainement se mesurer en centésimale Hahnemanienne... Qui peut alors prétendre que l'économie n'est pas politique ?