Après le modèle allemand dont on nous a longtemps rebattu les oreilles, voici que se font entendre des voix qui vantent le dynamisme du modèle économique britannique, entre croissance et pression fiscale faible. Mais qu'en est-il réellement ?
Les performances actuelles du Royaume-Uni
Dans la période récente, la croissance au Royaume-Uni est devenue plus forte que dans la zone euro :
[ Source : Coe-Rexecode ]
A cela s'ajoute une baisse du taux de chômage :
[ Source : Capital.fr ]
Et une baisse du taux d’impôt sur les profits des sociétés :
[ Source : Le Monde ]
Les caractéristiques du modèle économique britannique
Le modèle économique du Royaume-Uni se caractérise principalement par :
* un commerce extérieur dominé par les services. En effet, le Royaume-Uni connaît un très important excédent commercial des services (finance, assurance, informatique, mais hors tourisme) :
[ Source : Natixis ]
C'est du reste la seule chose positive - et encore cet excédent est surtout lié à la City -, car l'industrie connaît une situation épouvantable caractérisée par la faiblesse de l’investissement productif et le recul de la capacité de production de l’industrie... ce qui se traduit notamment par un déficit extérieur important (voir ci-dessous).
* un important déficit extérieur facilement finançable
[ Source : Natixis ]
Toute la question est donc de savoir par quel moyen le Royaume-Uni finance ce déficit extérieur. En regardant un peu plus en détails les flux de capitaux entrants, on constate que ce sont de gros volumes de capitaux à court terme qui servent à financer le Royaume-Uni, d'où clairement une fragilité du modèle économique britannique.
En ce qui concerne le déficit public (-6 % du PIB !), celui-ci est financé par les banques (décidément, City quand tu es là...) et même par la Banque d’Angleterre dans le cadre de sa politique monétaire non conventionnelle !
* des effets de richesse puissants liés à la hausse des prix dans l'immobilier. Rappelons que les effets de richesse consistent en une hausse de la consommation et des achats immobiliers liées à la très forte augmentation des cours boursiers et des prix de l'immobilier. J'en avais déjà parlé dans ce billet consacré à la politique économique au Japon (appelée abenomics)
hausse des prix de l'immobilier au Royaume-Uni
[ Source : www.thisismoney.co.uk ]
Hausse de la demande
[ Source : Natixis ]
Ainsi, lorsque la richesse (immobilière et/ou financière) des ménages au Royaume-Uni augmente grâce à cette hausse des prix, ces derniers se remettent à consommer et à investir. Or, même si ces effets de richesse sont beaucoup plus marqués aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Japon qu'en Europe, ils ne peuvent tenir lieu d'unique moteur de la croissance !
Un anti-modèle
En résumé, le modèle économique du Royaume-Uni se caractérise principalement par un commerce extérieur dominé par les services - en raison du surdimensionnement de la City - au détriment de l'industrie.
En ce qui concerne la croissance, dont on ne cesse de nous vanter le retour, il serait bon de se souvenir qu'elle est essentiellement basée sur les effets de richesse qui ne peuvent être un moteur à long terme de l'économie. Pour le dire autrement, la croissance n'a été soutenue, depuis 2008, que par une partie du secteur public épargnée par la rigueur et par l'immobilier (au risque de voir une nouvelle bulle immobilière).
Affirmer dans ces conditions que les politiques d'austérité - appelées dévaluations internes dans le jargon - ont réussi revient à négliger l'échec dans la réindustrialisation du Royaume-Uni, qui était pourtant l'un des principaux objectifs du gouvernement... Quant à la situation des ménages, si l'on exclu le surendettement, la hausse des inégalités, la perte d'influence des syndicats depuis Thatcher, la précarisation de l'emploi, le retour des soupes populaires, tout va bien...