La question des cycles économiques est aussi ancienne que la discipline elle-même. Comme je l'explique dans le chapitre 5 de mon livre le capitalisme en clair, les explications fournies par les économistes pour rendre compte des variations de l’activité économique sont parfois surprenantes. Ainsi, le grand économiste américain Stanley Jevons, prétendait que les variations des taches solaires avaient un impact sur la profusion des récoltes et donc sur la croissance… La première analyse fine des fluctuations de l’activité économique fut réalisée par Clément Juglar (médecin et économiste…) dans son ouvrage Des crises commerciales et de leur retour périodique en France, en Angleterre et aux Etats-Unis (1862). Il mit en évidence des mouvements réguliers et périodiques de l’activité économique qui duraient, selon lui, entre 8 et 11 ans et qu’il appela cycles. Depuis, d'autres cycles ont été mis en évidence comme ceux de Kitchin ou de Kondratiev. Pour mémoire, la caractérisation la plus communément admise des cycles économiques reste celle proposée par A.F. Burns et W.C. Mitchell en 1946 dans l'article : Burns A. F. et Mitchell W.C., Measuring Business Cycles, NBER, 1946.
Par conséquent, si l'on admet qu'il existe - de manière récurrente - des phases de croissance suivies de phase de récession, alors la finalité assignée à la politique économique est, sinon de prévoir, au moins de lutter contre ces récessions. Toute la difficulté vient évidemment du fait que ces cycles sont loin d'être réguliers et que l'identification du démarrage d'un cycle n'est pas chose aisée, comme le prouvent les débats sur la définition de la récession (2 trimestres de croissance négative pour les uns, pluralités d'indicateurs pour les autres). De nos jours, on parle ainsi plus volontiers de fluctuations récurrentes que de cycles... d'autant plus que les périodes de crise ont une fréquence plus élevée depuis les dernières décennies, laissant entrevoir les contradictions internes propres au système capitaliste que Karl Marx avait déjà mis en lumière au XIXe siècle !
Quand on repense aujourd'hui à ces personnes qui prétendaient que les cycles n'existaient plus durant les Trente Glorieuses, période où la croissance semblait s'être installée durablement, on ne peut s'empêcher de penser à cette fable de la Fontaine qui débutait ainsi : "La Cigale, ayant chanté tout l'été, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue" et se terminait de la sorte : "Vous chantiez ? j'en suis fort aise. Eh bien ! dansez maintenant". La petite animation ci-dessous résume en quelque sorte mon propos :