6 décembre 2010
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Passée l'onde de choc provoquée par les révélations du site WikiLeaks, nous voici revenu à l'économie (hors crise irlandaise !) d'une manière assez surprenante, il me faut le concéder. Tout commence par cette déclaration hallucinante, qui se veut être le manuel du petit révolutionnaire moderne :
Peu de gens y auraient prêté attention si cette vidéo n'avait pas depuis fait le tour du monde, sous-titrée en plusieurs langues ! Les moyens de communication modernes ont ainsi permis de réunir, sur un groupe Facebook, 37 600 personnes qui se sont engagées à retirer leurs économies mardi 7 décembre 2011. Un site web a même été créé pour diffuser l'action dans plusieurs langues (http://bankrun2010.com) et de nombreux grands journaux internationaux ont depuis rendu compte de cette surprenante révolution : The Guardian, El Pais, Die Welt, etc. Bref, Éric Cantona est désormais devenu le chantre - certainement malgré lui ! - d'une campagne antibanques.
Toute cette action repose en fait sur un constat simple : aujourd'hui, près de 90 % de la monnaie est créée sous forme scripturale, c'est-à-dire par de simples jeux d'écritures sur des comptes bancaires. Il n'y a donc pas création de billets comme on pourrait le penser, car les banques anticipent que sauf en de rares occasions - comme celle que l'on annonce pour le 7 décembre - les clients ne viennent pas tous retirer leurs avoirs au guichet. Ainsi, le système monétaire fonctionne sur la confiance que les gens ont en leur monnaie, sachant que celle-ci n'est plus gagée sur de l'or comme par le passé.
Si une grande majorité des clients venait à retirer ses avoirs bancaires en même temps, c'est ce que l'on appelle une panique bancaire ou bank run, la banque se retrouverait de facto en situation d'illiquidité. Si elle ne trouve pas rapidement un moyen de se refinancer, elle glisse alors vers l'insolvabilité, c'est-à-dire la faillite... et là tout le monde perd presque tout, même s'il existe un petit fonds de garantie des dépôts. Nous avons tous en mémoire les énormes files d'attente devant les guichets de la banque anglaise Northern Rock en 2007, après des rumeurs d'insolvabilité de l'institution :
Cela conduisit le gouvernement a nationaliser dans l'urgence l'établissement pour éviter sa disparition... Mais l'histoire regorge d'autres exemples de paniques bancaires, comme en Argentine en 2001 ou en Russie en 1998. Mais surtout, les économistes gardent à l'esprit le bank run de 1907 aux États-Unis, qui démontre les effets ravageurs d'une crise systémique.
Néanmoins, dans le cas présent, il est peu probable que l'on atteigne des volumes de retrait colossaux en si peu de temps, ne serait-ce que parce qu'il faut désormais faire une demande à l'avance pour pouvoir retirer un certain montant au guichet. De plus, même si cette charge de retraits se produisait, elle serait répartie entre plusieurs réseaux bancaires ce qui permettrait d'absorber le choc plus facilement.
Néanmoins, je pense qu'au-delà de l'action proprement dite, les dirigeants politiques devraient prendre la juste mesure de ce ressentiment des citoyens envers les institutions bancaires. En effet, lorsque des personnes souhaitent détruire (le mot est exact) un système, c'est bien que celui-ci a perdu toute crédibilité à leurs yeux. Cela témoigne en outre d'un effondrement des valeurs morales dans le monde de la finance, que les citoyens perçoivent de mieux en mieux grâce aux informations disponibles sur Internet notamment. Il serait donc totalement irresponsale de ne pas répondre à ces velléités de changement d'un système qui nous a conduits dans l'ornière. D'autant plus que la crise que nous traversons nous le permettrait ! Mais au lieu de cela, on se contente d'appliquer les vieilles recettes : privatisations pour payer ses dettes, plans d'austérité, recherche de la croissance à tout prix,... c'est-à-dire toute la vulgate néolibérale qui a fait pourtant la preuve de son incompétence ! Il faut donc voir, derrière cette action coup de poing, la volonté des citoyens de reprendre leur vie en main et de changer le système, en réinventant une finance au service de l'économie... et donc du développement !
Bien entendu nos ministres ont dénoncé en choeur cette action, ce qui a valu cette réplique de la part des Guignols de l'info :
Au fait, pour les Lorrains et Alsaciens qui me lisent, n'oublions pas qu'aujourd'hui c'est la Saint-Nicolas et qu'en plus la neige tombe !
Raphaël DIDIER