Disons-le d'emblée : je ne possède aucun pouvoir paranormal et je n'ai pas eu de boule de cristal comme cadeau à Noël. Néanmoins, avec une bonne dose de réalisme et une petite cuillérée de connaissances des mécanismes économiques, on peut avancer quelques pistes... Si vous êtes pressé, un résumé se trouve en fin d'article !
* la France se lance à corps perdant perdu dans l'austérité (et le revendique de surcroît !), alors même que l'inefficacité de ces politiques économiques est démontrée dans le cadre européen. Ainsi, le ministre de l'économie, Pierre Moscovici, avait annoncé lors d’une réunion de l'Eurogroupe que la France prendrait toutes les mesures nécessaires pour tenir l’objectif de réduction du déficit public à 3 % du PIB en 2015. Or, ces politiques d'austérité, en plus d'empêcher la reprise de la croissance, pèseront par conséquent très lourdement sur l'emploi et les salaires en 2014.
* après le psychodrame de l'écotaxe, le gouvernement a annoncé sa volonté de remettre à plat toute la fiscalité du pays. Mais je crains qu'en fait de Grand Soir fiscal en 2014, nous n'assistions qu'à une temporisation qui débouchera encore une fois sur le néant sur une poursuite des politiques d'austérité, d'autant que l'exécutif semble viser une réforme sur 10 ans !
* dans le climat économique anémié que nous connaissons en Europe, la déflation va continuer à menacer d'autant que la BCE n'a que très peu réagi, c'est un euphémisme, à la baisse marquée de l'inflation depuis mi-2012. Pour augmenter les anticipations inflationnistes, il ne restera donc plus à la BCE que des politiques monétaires non conventionnelles en 2014 (quantitative easing, taux directeurs négatifs, etc.), mais là elle risque fort de se heurter frontalement au mur du refus allemand...
* certains pays européens n'ont plus aucune chance de sortir par le haut du marasme économique, en raison de la dévaluation interne que la Troïka leur administre. Il en va ainsi du Portugal, de la Grèce et même de l'Espagne, pays dont les populations ont déjà tellement fait les frais de ces politiques qu'on risque fort de voir se multiplier les mouvements sociaux d'ampleur en 2014 (comme au Portugal).
* 2014 ne sera pas l'année de la fin des paradis fiscaux, fin annoncée du reste très souvent depuis le G20 de Londres en 2009... En effet, même si on note des avancées sérieuses dans la lutte depuis le Conseil européen de mai 2013 et du G8 un mois plus tard, je ne vois pas comment on arrivera à lutter contre la fuite des capitaux vers Singapour dans un système de libre-échange généralisé.
* la situation des chômeurs de plus de 50 ans et des jeunes devient tout simplement catastrophique : si le chômage des jeunes est en très nette progression depuis la crise (+ 50 % pour les moins de 25 ans), le chômage des plus de 50 ans a quant à lui doublé en 5 ans ! Je ne vois pas comment le gouvernement pourrait inverser la tendance en 2014, si ce n'est par des artifices statistiques (emplois aidés, découragement des chômeurs face à un marché du travail bloqué et d'un service public à l'emploi qui n'a rien à leur proposer de concret, croissance plus faible de la population active,...).
* la croissance dans le monde sera plus faible en 2014 qu'espérée, en raison de la crise qui a secoué les pays émergents et de l'impossibilité de la zone euro de s'extirper de l'ornière. Pour ce qui concerne la France, à partir de la tendance de la productivité par tête et de la croissance future de la population active, on déduit que la croissance potentielle sera faible les prochaines années.
* les États-Unis devront bien un jour s'occuper de la question de l'abreuvoir à liquidités financières, qui a rendu la taille des flux de capitaux internationaux préoccupante. Cet argent, loin de servir l'économie réelle, sert surtout à la spéculation internationale, ce qui a en retour des conséquences négatives sur les fluctuations des taux de change. De plus, cette politique monétaire, en faisant augmenter les prix des actifs, crée un risque de retournement des prix si elle devait s'arrêter. Le 31 décembre 2014, Janet Yellen succèdera à Ben Bernanke à la tête de la Fed et sera très attendue (et entendue !) sur cette question puisque la Fed a déjà réduit ses achats d'actifs de 85 milliards de dollars par mois à 75 !
* toujours aux États-Unis, après le shutdown de fin 2013, rien n'est vraiment réglé pour 2014. Tout au plus, y a-t-il eu un accord de marchands de tapis entre républicains et démocrates pour sauver la face, c'est-à-dire relancer l'administration fédérale et relever le plafond de la dette publique... jusqu'en février 2014 !
Enfin, comme l'explique Nassim Nicholas Taleb, nous ne sommes jamais à l'abri d'un "cygne noir", c'est-à-dire un événement très rare mais qui aurait des conséquences majeures. On pense par exemple à une faillite bancaire ou un défaut d'un pays (est-ce encore un événement rare ?), dont la fréquence d'occurrence est systématiquement sous-estimée comme en témoigne les stress tests que vont subir les banques européennes en 2014 et qui ne prévoient pas de telles hypothèses. Je vous réserve d'ailleurs un billet assez complet sur l'Union bancaire en janvier...
En résumé, 2014 sera une année de faible croissance et de mouvements sociaux dans de nombreux pays où la population est excédée par les politiques d'austérité. L'Europe devra lutter contre les pressions déflationnistes et l'insolvabilité de certains États membres de la zone euro. En France, on s'achemine vers une poursuite des politiques de rigueur (avec notamment une hausse de la TVA et autres transferts vers les entreprises), un chômage à haut niveau, une hausse des inégalités, et de nombreux mouvements sociaux.
Je sais ce n'est guère réjouissant mais au moins ça a le mérite d'être réaliste, contrairement aux prévisions de croissance du gouvernement et aux promesses d'inverser la courbe du chômage !
Sur ce, je tiens à remercier tous mes lecteurs pour leur fidélité et vous présente, malgré la crise qui n'en finit pas, mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année 2014 ! Merci pour vos commentaires, liens et encouragements qui me touchent...