Dans un article très remarqué, paru dans le Monde et disponible également sur le site associé à son livre Pour une révolution fiscale, Thomas Piketty expliquait que la suppression du bouclier fiscal, conjuguée à une réforme de l'ISF ramenant le seuil de déclaration de 800 000 à 1,3 million d'euros de patrimoine, aura été "le plus énorme cadeau fiscal aux plus riches du quinquennat !"... Réponse de François Baroin, ministre du budget et accessoirement porte-parole du gouvernement : "il n'y a de cadeau à personne. La réforme est simple, juste et équilibrée".
Je ne suis, pour ma part, absolument pas convaincu par le ministre qui affirme que les pertes de recettes de l'ISF (elles tomberont de 4 milliards d'euros à 1,8 milliards puisque nombre de personnes seront exonérées, tandis que d'autres verront leur note diminuer sensiblement !) seront intégralement financée par une contribution renforcée des successions et donations et une hypothétique exit tax qui pourrait se révéler anticonstitutionnelle et n'être donc qu'un effet de manche supplémentaire.
Surtout, sans être fiscaliste, on comprend vite que les grands gagnants de la réforme seront les contribuables ayant plusieurs dizaines de millions d'euros de patrimoine. Ce n'est pas moi qui l'invente, mais Gilles Carrez, rapporteur UMP du Budget à l’Assemblée nationale, dans un document de travail passionnant à lire en ces temps préélectoraux. On peut y lire entre autres que pour les redevables de la première tranche qui vient d'être supprimée, le gain devrait être, en moyenne, de 1086 euros par personne. A l'autre bout de l'échelle, c'est-à-dire là où se situent les 1700 contribuables de la dernière tranche qui ont un patrimoine supérieur à 16,54 millions d'euros, on verra de nombreux gagnants du gros lot puisque leur ISF passera de 172 071 euros après bouclier fiscal à 142 500 euros, soit un gain moyen de près de 30 000 euros suite à la réforme !
En effet, François Baroin a juste omis de dire que sa réforme "simple, juste et équilibrée" est associée à une importante baisse des taux d'imposition de cette dernière tranche, de 1,8 à 0,5 % ! Et il faudrait encore tenir compte des niches fiscales, comme l'investissement dans les PME... Bref, plus de bouclier fiscal d'un côté mais moins d'ISF de l'autre, de sorte qu'au final le Syndicat national unifié des impôts (Snui), qui a réalisé ses propres simulations, considère que la réforme se traduira par un gain net moyen de plus de 35 000 euros ! Cette réforme est vraiment digne d'un loto du vendredi 13... à ceci près que tout le monde ne peut pas y participer !
C'est pourquoi, j'ai décidé de terminer mon cycle de conférences économiques à l'Université Populaire Transfrontalière de Forbach par une présentation sur la fiscalité, le mardi 17 mai 2011. Elle aura pour titre un brin provocateur comme d'habitude : "Sommes-nous tous égaux face à l'impôt ?".Je m'attacherai à montrer précisément pourquoi on peut affirmer que notre fiscalité devient de plus en plus injuste, privilégiant un système à deux vitesses : l'une pour les plus riches comme nous venons de le voir dans ce billet, l'autre pour le reste des contribuables !
Début des hostilités à 19h, entrée fixée à 5 euros pour les personnes non inscrites au cycle entier de conférences. Vous pouvez cliquer sur l'affiche ci-dessous pour en savoir plus :
Pour finir, quelqu'un pourrait-il rappeler au gouvernement que ISF signifie Impôt de Solidarité sur la Fortune. Je sais, par les temps qui courent, la solidarité chacun aime en bénéficier mais plus personne ne veut y contribuer...
N.B : l'image de ce billet provient du blog de l'union locale de la CGT Libourne.