Dimanche soir, le président de la République a affirmé que "que les éléments d'une stabilité financière sont posés", à la faveur bien entendu des excellentes mesures prises par la France, l'Europe et même le G20 ! Bref, la crise serait derrière nous. C'est oublier un peu vite que le feu couve toujours sous les cendres en Grèce, où l'évocation d'une mise sous tutelle budgétaire à manquer de mettre le feu aux poudres, et que les racines du mal perdurent comme le rappelle fort à propos le prix Nobel d'économie Paul Krugman.
Mais cette intervention fut surtout un florilège d'approximations et, plus grave, d'erreurs (fautes ?) économiques dont je me devais de rendre compte dans ce billet. Allons-y dans le désordre :
* Nicolas Sarkozy semble ne pas apprécier l'expression TVA sociale, au point d'affirmer qu'il ne l'a jamais employée. C'est bien entendu faux comme le prouve l'extrait vidéo ci-dessous. Il est également bon de rappeler que la TVA sociale en Allemagne fut introduite par le gouvernement Merkel et non Schröder comme il semblait le marteler...
* toujours à propos de la TVA sociale, j'avais expliqué dans un précédent billet que les effets d'une telle mesure sont incertains, mais qu'il existe une forte probabilité pour que celle-ci débouche sur de l'inflation, comme ce fut le cas en Allemagne et au Royaume-Uni. C'est du reste la conclusion de la très sérieuse Cour des comptes, qui écrivait à la page 201 de son rapport sur les prélèvements fiscaux et sociaux en France et en Allemagne, citant une étude de la Bundesbank (Deutsche Bundesbank, « Preis- und Mengenwirkungen der Mehrwertsteueranhebung zum 1. Januar 2007 », Monatsbericht, April 2008, p. 31 et suiv.) : "une grande partie de cette augmentation de la TVA a été répercutée dans les prix : selon la banque centrale allemande qui fonde son analyse sur un panier de 40 biens, l'augmentation de 3 points de la TVA aurait contribué pour 2,6 points à la hausse des prix en 2007"
* encore une dernière sur la TVA sociale, car celle-ci était déjà plus difficile de repérer la faute de raisonnement. D'un côté Nicolas Sarkozy soutient que la TVA sociale ne provoquera pas d'inflation, mais de l'autre il déclare espérer que l'annonce d'une hausse de TVA déclenchera des achats par anticipation puisque les Français redouteront la hausse des prix. Il faudrait donc que les Français aient confiance en lui lorsqu'il dit que la TVA sociale ne s'accompagnera pas d'une hausse des prix, mais pas trop tout de même pour qu'ils se ruent dans les magasins de peur d'une hausse des prix ! Alors ça c'est du raisonnement économique limpide...
* passablement énervé par les remarques de François Lenglet sur l'échec de la TVA sociale au Royaume-Uni, notre omniprésident a déclaré "qu'il n'y a plus d'industrie au Royaume-Uni". Sauf qu'il devrait jeter un oeil - pas les deux, sinon on ne voit plus rien - du côté de l'INSEE ou même de COE-Rexecode à qui son parti politique fait souvent appel lorsqu'il lui faut du grain à moudre... et si vraiment ça ne suffit pas, il pourra toujours se convaincre de son erreur en visitant le site du MEDEF !
* enfin, une dernière pour la route, Nicolas Sarkozy a affirmé d'un ton péremptoire que la France est le pays d'Europe qui a la fiscalité la plus lourde. Il doit pourtant bien exister un conseiller à l'Élysée capable de lui écrire une note pour lui expliquer que c'est faux, quelle que soit la définition retenue : taux de prélèvement obligatoire, dont on ne saurait trop rappeler ses faiblesses, ou analyse globale de la fiscalité en Europe dans le système harmonisé SEC 95.
En définitive, la copie rendue par Nicolas Sarkozy est au mieux "à revoir", au pire "en crise"... termes que j'emploie au reste assez fréquemment dans les copies d'économie de mes étudiants, qui eux ne gouvernent pas l'État !
N.B : l'image de ce billet provient d'un article de la Croix intitulé La FNSEA soutient le projet de TVA sociale