Les chefs d'État des principales puissances économiques mondiales se réunissent actuellement pour le G8 et le G20 à Toronto. Rappelons que les pays membres du G20 (cliquez sur la carte ci-dessous pour l'agrandir) représentent environ 85 % du PIB mondial et 65 % de la population mondiale :
[ Source : Le Monde ]
Ces grand-messes ont pour objectif de trouver les moyens de concilier croissance et lutte contre les déficits, comme si le second était réellement une priorité dans le contexte actuel. Les États-Unis et l'Inde se sont d'ailleurs publiquement inquiétés des politiques de réduction de déficits annoncées par plusieurs pays européens.
Cela fait suite à la visite en Europe du secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, qui avait notamment rencontré le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schaeuble, après l'annonce d'un plan d'austérité destiné à économiser 80 milliards d'euros en Allemagne d'ici 2014. La pomme de discorde entre les deux hommes portait précisément sur cette vision dogmatique de la réduction des déficits à tout prix, Tim Geithner déclarant même : "nous devons montrer notre engagement à réduire les déficits à long terme, mais pas au prix de la croissance à court terme". La dernière incartade est due à Barack Obama lui-même qui a téléphoné au premier ministre britannique, David Cameron, et à la chancelière Angela Merkel pour s'inquiéter d'un excès de rigueur dans les plus grands pays européens.
Que la réputée très libérale Amérique explique aux Européens que la rigueur est un mauvais choix, n'est-ce pas - au-delà d'une inversion des rôles historiques - la preuve, sinon d'un changement de point de vue économique, au moins d'une prise de consciences des erreurs faites dans le passé ? Surtout, n'est-ce pas inquiétant de voir l'obstination de nos gourvernements a préconiser un remède qui pourrait rapidement tuer le malade économique ? Du reste, il n'y a pas que les États-Unis qui nous ont choisi de nous faire la morale puisque l'Argentine, à travers la voix de sa présidente, rappelle que la cure d'austérité imposée aux Argentins avait contribué à la crise financière de 2001: là aussi, le peso avait plongé et les salaires des fonctionnaires avaient subi des coupes drastiques pour remettre de l'ordre dans les comptes publics. Et pourtant, conclut-elle, "tout cela avait fini par une implosion et un défaut de paiement."
Accessoirement, il devait aussi être question de régulation financière puisqu'il s'agissait de LA priorité affichée lors du précédent G20. Or, les réticences de certains pays dont le secteur bancaire n'a que peu souffert, comme le Canada ou le Brésil, auront eu raison de la taxe sur les banques que l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France souhaitaient voir instaurer dans l'ensemble des pays membres du G20. Pourtant, le volontarisme affiché par notre omniprésident semblait faire des émules : "il parfaitement normal que des établissements, des organismes qui ont conduit aux risques que nous connaissons aujourd'hui puissent être sollicités financièrement pour assurer le financement de caisses d'assurances". Raisonnement implacable ? Plutôt effet de manche ! En effet, si l'argent prélevé sur les banques se retrouve comptabilisé dans le budget de l'État, il s'agirait alors juste d'une manière de combler le déficit public et ne réglerait en rien la question du risque systémique : si l'État prélève une taxe sur les banques, c'est que celui-ci admet désormais explicitement être garant lors de la prochaine crise. Imaginez dès lors les risques que prendront les banques sachant que les pertes sont explicitement couvertes par la puissance publique... Est-ce vraiment d'une telle régulation dont nous avons besoin ?
D'autant que si ces deux sommets nous laissent dubitatifs quant à leur réelle portée politique, le coût estimé des G8 et G20 est lui bien réel : 980 millions de dollars canadiens (770 millions d'euros) dont la moitié affectée aux salaires des policiers responsables de la sécurité ! Même le pavillon destiné à l’accueil des journalistes étrangers fait scandale puisque son somptueux décor artificiel - qui recrée la région des lacs - coûtera 2 millions de dollars canadiens (1,6 millions d'euros) ! Mais ce n'est pas tout : par exemple, la clôture de 3,5 km qui est censée protéger le centre-ville de Toronto s'élève 5,5 millions de dollars (4,3 millions d'euros)... Ainsi, le média public Canada Broadcasting Corporation, a calculé qu'avec tout l'argent dépensé pour ces deux sommets, il aurait été possible d'acheter du sirop d’érable pour couvrir la consommation du Canada entier pendant un an, ou même de s'offrir une nouvelle équipe de hockey pour Montréal (patinoire inclue), voire d'offrir un iPad par étudiant…
Comme le disait le dramaturge William Shakespeare, "il ne suffit pas de parler, il faut parler juste"...