D'après les équipes de recherche économique de la banque Government Goldman Sachs, la reprise économique mondiale est en train de se tasser alors-même que l'économie est loin d'avoir redémarré dans tous les pays (c'est un euphémisme...). Cela soulève donc de nombreuses questions, tant le décalage est désormais abyssal entre les discours politiques qui vantent la reprise et la réalité économique vécue par chacun d'entre-nous.
En fin de compte, cette reprise économique est-elle une illusion ou une incantation répétée par des politiques incapables de faire face à cette crise ?
Les prévisions de croissance mondiale
Voici les prévisions de l'assureur-crédit Euler Hermes suivies de celles de l'OCDE :
[ Source : Les Échos ]
[ Source : Les Échos ]
Le FMI, quant à lui, a relevé en janvier sa prévision de croissance économique mondiale en 2014 à 3,7 %; il prévoit en moyenne 2,2 % de croissance dans les pays développés et 5,1 % dans les pays en développement ou émergents.
Est-ce à dire que tout va bien dans le meilleur des mondes ? Il est bon de rappeler tout d'abord que les prévisions en économie sont comme celles en météorologie : on ne peut juger réellement de leur valeur que lorsque l'orage est arrivé ! Il suffit pour s'en convaincre de regarder les prévisions faites chaque année pour voir combien cet exercice est hasardeux pour ne pas dire vain...
Toujours est-il que de nombreuses contraintes pèsent sur cet embryon de reprise mondiale.
Les BRICS sont en train de s'essouffler
Le taux de croissance de la Chine a ralenti à moins de 8 %, soit très en deçà des performances de la dernière décennie. Cela tient d'abord à la nécessité pour la Chine de rééquilibrer son modèle économique en misant davantage sur la demande intérieure. En effet, pendant près de 20 ans, le modèle de croissance de la Chine était quasi exclusivement basé sur les exportations de produits industriels de bas de gamme, à la faveur notamment de coûts salariaux très faibles.
L'ensemble des BRICS fait du reste face à des problèmes structurels graves : corruption, inégalités très fortes, droits économiques (sociaux et politiques) souvent peu ou pas respectés, etc. Bref, autant de facteurs qui obèrent la confiance et donc la croissance.
Une crise de la balance des paiements
Plusieurs pays émergents (Brésil, Turquie, Inde notamment) font face à une crise de la balance des paiements depuis l'été 2013, comme je l'avais expliqué dans ce billet. A court terme, j'avais montré que la dégradation des termes de l'échange et la compression de la demande vont conduire à un ralentissement de l'activité.
Le crédit au secteur privé fonctionne mal
Au sein de l'OCDE et en particulier de la zone euro, les enquêtes montrent que le crédit au secteur privé ne s'est pas vraiment redressé. Et dans les pays émergents, il diminue en raison du désendettement des agents économiques :
[ Source : BNP Paribas ]
L'abreuvoir à liquidités financières est en train de se tarir aux États-Unis
Cette réduction des achats de titres publics et privés par la Fed, désormais fixés à 65 milliards de dollars par mois, est appelée tapering. Or, cette politique monétaire ultra-expansionniste avait pour conséquence de créer massivement de la monnaie pour acheter des actifs financiers sur les marchés, ce qui augmentait le prix de ces actifs et faisait baisser les taux d’intérêt à long terme.
Ainsi, lorsque la richesse (immobilière et/ou financière) des ménages augmente grâce à cette hausse des prix, ces derniers se remettent à consommer et à investir. C'est ce que l'on appelle l'effet de richesse, qui est beaucoup plus marqué aux États-Unis et au Japon qu'en Europe.
Un risque déflationniste en Europe
Pendant que les médias se félicitaient des performances boursières de 2013, l'attention s'est détournée d'un grand danger qui menace la zone euro : la déflation. J'avais expliqué dans ce billet que cette situation de recul prononcé de l'inflation résulte tout à la fois du niveau élevé du chômage, du faible niveau du taux d’utilisation des capacités de production et de toutes les politiques d'austérité qui ont contribué à faire reculer salaires et coût salariaux dans la zone euro.
Or, la déflation est un grand danger, puisque sous couvert de n'être dans l'opinion publique qu'une simple baisse des prix, elle conduit en fait à un alourdissement de l'endettement réel, qui mène à l'augmentation des défauts d'emprunteurs et à des faillites bancaires. De plus, les consommateurs préfèrent différer leurs achats en espérant que leur pouvoir d'achat augmentera encore un peu plus.
Le commerce mondial reste atone
Comme le montre le graphique ci-dessous, la petite reprise de l'activité mondiale ne s'est pas accompagnée d'une reprise du commerce mondial :
[ Source : Natixis ]
Cela tient notamment au fait que la reprise est pour l'instant quasi exclusivement tirée par les services domestiques (donc non exportables). Ainsi, la croissance retrouvée par certains pays ne profite pas aux autres...
Le chômage atteint des sommets dans de nombreux pays
En France, l'évolution du nombre de demandeurs d'emploi depuis 2007 est effrayante :
[ Source : Alternatives Économiques ]
Au sein de l'Union européenne, les nouvelles du front de l'emploi ne sont guère plus réjouissantes (cliquer sur l'image pour l'agrandir) :
[ Source : Le Parisien ]
Quant aux États-Unis, dont certains vantent un peu vite le faible taux de chômage et la reprise économique, il est bon de rappeler que le taux de participation continue à reculer sous l'effet du découragement des chômeurs, en particulier les plus jeunes et les plus âgés. C'est donc à un colosse aux pieds d'argile auquel on a affaire !
En définitive, nous venons de voir qu'à court terme il n'y avait pas grand chose à attendre de la demande extérieure et encore moins de la demande domestique au vu du chômage, de la faiblesse des salaires réels et du ralentissement voire du recul du crédit au secteur privé...
La reprise de l'économie mondiale est donc à l'évidence au mieux une incantation au pire une illusion, lorsqu'autant d'incertitudes et de contraintes pèsent sur l'embryon de croissance. Cela tient au fait que tant qu'on ne changera pas le logiciel global de pilotage de l'économie basé sur le triptyque austérité-compétitivité-inégalité, aucune amélioration ne sera possible en particulier dans la zone euro !
N.B : l'image de ce billet provient de ce blog.