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16 août 2023 3 16 /08 /août /2023 13:40

L'été est toujours pour moi une période d'otium, surtout après cette année extrêmement chargée en matière de recherche universitaire. J'en profite donc pour m'aventurer sur d'autres chemins intellectuels. Cette année, ma route a recroisé le marketing, mercatique en bon français, que j'avais étudié dans une précédente vie. C'est pourquoi après mon billet sur le rapport coûts-bénéfices de l'organisation des Jeux olympiques, il m'a semblé intéressant d'évoquer à grands traits le marketing, que l'on retrouve bien sûr dans l'organisation des compétitions sportives, mais également en politique...

 

Qu'est-ce que le marketing ?

 

Le marketing part de l'idée qu'il faut s'intéresser en premier lieu aux attentes des clients pour obtenir des débouchés aux productions industrielles, ce qui contrevient en apparence à la loi de Say, selon laquelle l’offre crée toujours sa propre demande dans la mesure où la production se transforme en revenus, qui soutiennent la demande.

 

Souvent présenté un peu trop facilement comme un ensemble de techniques de vente, le marketing s'appuie sur une démarche (appelé parfois marketing management) permettant de segmenter un marché, de cibler des consommateurs et de positionner le produit, afin de capturer de la valeur sur un marché existant ou même de créer un nouveau marché. Pour ce faire, il sera mis en place un marketing mix - proposer le bon produit au bon endroit, au bon moment, au bon prix - avec une stratégie pour chacune des composantes du mix (historiquement 4P, mais 7P depuis 2009) :

 

 

[ Source : Wikipedia ]

 

Notons que l'on distingue, en général, le marketing de l'offre, qui consiste à placer sur le marché une production existante, et le marketing de la demande, dont l'objet est d'élaborer une offre répondant aux attentes d'un marché cible de consommateurs. Certains veulent dès lors voir dans le marketing un moyen d'augmenter la liberté des individus sur le marché à travers un plus grand choix de marchandises, tandis que d'autres pensent que réduire la liberté au seul choix (plus ou moins subtilement orienté) du consommateur est la négation même de la liberté.

 

Besoins et désirs

 

Contrairement à ce qu'écrivent souvent certains économistes et sociologues, les besoins humains ne sont pas infinis. Virginia Henderson, infirmière américaine (1897-1996), en avait répertorié 14 qu'elle qualifiait de fondamentaux :

 

 

Le lecteur intéressé pourra également se reporter aux écrits de Vance Packard dans le contexte américain des années 50 à 80.

 

Dans une approche lacanienne, c'est donc le désir qui est infini et qui fait l'objet de toutes les attentions du marketing. Lorsque les ménages ont de quoi se payer correctement les biens et services de leur vie quotidienne, alors il devient possible de leur faire miroiter le plaisir (sic) de consommer des produits (et services) auxquels ils n'auraient parfois même pas pensé tant leur utilité reste à démontrer... par le marketing justement !

 

Pour ce faire, le marketing va donner des composantes culturelles et sociales (voire politiques) à un produit, afin qu'il soit pensé comme consommable. C'est ainsi qu'une simple bouteille d'eau minérale, présentée avec une certaine marque, un certain package et associée à une certaine image positive, va se retrouver désirée alors qu'au fond il ne s'agit que de flotte disponible en très grande quantité en ouvrant un robinet... Dans le jargon, l'on dit que le produit devient catégorisable, c'est-à-dire perçu comme une catégorie compréhensible par le consommateur.

 

Les trois dimensions de l'attitude du consommateur

 

On l'aura compris, le marketing va chercher à orienter l'attitude des consommateurs face à un produit (ou une marque), attitude que l'on peut définir comme l'ensemble des croyances (telle marque est un gage de qualité, porter des sneakers fait de vous une personne cool...), valeurs et autres facteurs permettant à l'individu d'évaluer personnellement le produit. Il est d'usage de distinguer trois dimensions de l’attitude :

 

 * la dimension cognitive relative aux connaissances objectives ou supposées telles de l'individu sur le produit ;

 

 * la dimension affective qui fait référence à tous les sentiments ressentis envers le produit ;

 

 * la dimension conative qui est liée aux intentions d'actions à l’égard du produit (l'acheter certes, mais aussi tout simplement l'essayer comme certains matelas qui vous offrent des "nuits d'essai").

 

Attitude du consommateur et comportement d'achat

 

Longtemps, les étudiants d'écoles de commerce (et d’ingénieur dont je suis) apprenaient que l’attitude conditionne le comportement du consommateur. D'où la volonté du marketing de transformer l'attitude en cherchant à modifier le système de croyances et de valeurs des individus, puis à le stabiliser une fois obtenus les effets souhaités sur le comportement d'achat. Le marketing est donc bien, en ce sens, une machine (broyeuse ?) idéologique soutenue historiquement par un bras armé, la publicité, et depuis quelques années par les influenceurs du monde numérique à qui les consommateurs prêtent trop souvent crédit, persuadés que leur message est avant tout informatif (stratégie d'horizontalité de la communication, fondée sur la proximité sociale).

 

Jean Baudrillard, auteur du célèbre livre La société de consommation, définissait ainsi la publicité : "Ce que nous vivons, c’est l’absorption de tous les modes d’expression virtuels dans celui de la publicité. Toutes les formes culturelles originales, tous les langages déterminés s’absorbent dans celui-ci parce qu’il est sans profondeur, instantané et instantanément oublié. Triomphe de la forme superficielle, plus petit commun dénominateur de toutes significations, degré zéro du sens, triomphe de l’entropie sur tous les tropes possibles. Forme la plus basse de l’énergie du signe.". Rien à ajouter.

 

Bref, le marketing va chercher à placer durablement le produit ou la marque dans l'esprit du consommateur (pénétration culturelle et individuelle dans le jargon) en jouant sur des variables de contenu et d'expression. Ainsi, dans le cas d'une marque, ce processus de positionnement assure que face aux limites de l'esprit humain en matière de comparaison, le consommateur ira plus volontiers vers une marque connue (gain de temps et d'énergie) marquée dans son esprit. Pour le célèbre psychologue Daniel Kahneman, ce processus fait partie des heuristiques, i.e. toutes ces aides permettant à l'individu de trouver des réponses adéquates à des problèmes parfois difficiles. Et pour tuer la concurrence dans l’œuf, le marketing sait qu'il peut s'appuyer sur l’obsolescence des styles et des produits, quitte à donner un petit coup de main au marché en créant des effets de mode ou des produits à obsolescence programmée, voire des innovations disruptives !

 

Le prix du marché ?

 

Après tout cela, le lecteur aura compris que le prix est loin d'être fixé par l'ajustement de l'offre et de la demande sur un marché, mais par de véritables stratégies liées aux comportements d'achat (sensibilité au prix, priorité d'achat en fonction du pouvoir d'achat, goûts...) des consommateurs : prix d'écrémage pour réaliser une grande marge, prix de pénétration pour faire du volume.

 

Mais, au-delà de cette distinction simpliste, il y a le plus souvent modulation du prix en fonction des segments de clientèle (pensez aux voitures, qui s'adressent à des groupes de clients clairement différents...), différentiel de prix parfois justifié par une offre réputée "premium", qui ajoute des fonctions parfois totalement inutiles dans la vraie vie, mais ô combien symboliques pour le consommateur... Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely, dans leur livre La France sous nos yeux, ont d'ailleurs rédigé un très intéressant chapitre intitulé "La démoyennisation par le haut : la premiumisation des vacances".

 

Quoi qu'il en soit, à rebours de l'explication fournie par la théorie dominante en économie concernant la fixation des prix sur un marché, le marketing cherche à fixer le prix en partant du consommateur (prix d'acceptation) et non des coûts de production, quitte à lui faire avaler des couleuvres pour qu'il accepte de payer le prix cible.

 

La société du spectacle

 

Nous voilà arrivés au nirvana de la société du spectacle, livre de Guy Debord qui ne concerne pas le pain et les jeux de cirque, comme le croient trop souvent ceux qui ne l'ont pas lu, mais la domination de la marchandise sur nos vies dans le monde capitaliste : "Toute la vie des sociétés dans lesquelles règnent les conditions modernes de production s'annonce comme une immense accumulation de spectacles" (parallèle évident avec l’œuvre de Marx sur le fétichisme de la marchandise). Beaucoup plus loin dans son livre, Guy Debord précisera que "le spectacle n'est pas un ensemble d'images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images". À l'ère de TikTok et de ses influenceurs, l'on ne saurait mieux dire...

 

La résistance à cette idéologie tient au fait que le lien entre attitude et comportement d'achat n'est pas aussi univoque, l'être humain se caractérisant d'abord par le libre arbitre, pour peu que sa capacité de réflexion soit un minimum entraînée. Cette dernière phrase peut trouver à s'appliquer en politique, où le marketing tient un rôle considérable dans la démocratie d'opinion ("doxocratie" selon Jacques Julliard). Il ne faut jamais oublier que les spécialistes du marketing, dans le commerce ou en politique, sont avant tout des manipulateurs de symboles, qui vont chercher à vous faire croire que le produit à une plus grande valeur qu'il n'en a réellement.

 

Hélas, ce n'est souvent qu'après l'achat que vous commencez à remarquer le peu de valeur réel d'un produit, phénomène appelé dissonance cognitive depuis les travaux de Leon Festinger. Mais alors qu'au bazar (en ligne ou non) vous pouvez toujours tenter de vous faire rembourser, en politique vous en prenez pour quelques années, sans réel espoir de pouvoir vous en débarrasser avant que le produit ne soit périmé pour de bon... Conclusion un peu brutale, j'en conviens.

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3 juillet 2023 1 03 /07 /juillet /2023 11:27

 

 

Ce début d'été se caractérise déjà par une hausse des températures du climat (social). Pour moi, une année universitaire particulièrement dense touche à sa fin. Je me rendrai encore au colloque de l'association française d'économie politique (AFEP) à Paris pour terminer en beauté et y présenter un article coécrit sur les cryptoactifs. Mais avant de prendre mes quartiers d'été (en fait juste un peu de repos chez moi...), j'ai souhaité écrire quelques lignes sur un sujet qui ne manquera pas de faire réagir dans les mois à venir : le rapport coûts-bénéfices de l'organisation des Jeux olympiques.

 

Analyse économique

 

Outre des objectifs de reconnaissance internationale, de réélection pour les gouvernants et tout simplement de prestige, l'organisation des Jeux olympiques est souvent présentée comme favorable aux retombées économiques nationales. Pour en donner une mesure, deux types d'analyse peuvent être mis en œuvre, l'une comme l'autre présentant des difficultés méthodologiques :

 

 * l'analyse coûts/bénéfices, qui compare (avant ou après les Jeux) la valeur monétaire des coûts et des bénéfices attendus, étant entendu que si les seconds sont supérieurs aux premiers, alors l'organisation des Jeux est réputée rentable pour le pays ;

 

 * l'analyse d'impact économique, qui consiste à se demander quelles sont les retombées économiques monétaires (conséquences sur l'emploi, supplément de revenu généré, développement économique local) de l’organisation des Jeux pour le pays.

 

La malédiction du vainqueur

 

Le lecteur l'aura compris, les pays qui déposent leur candidature ont tendance à surestimer l'impact économique ou les bénéfices par rapport aux coûts, quitte à revoir leur copie une fois l'événement terminé... Autrement dit, comme le montre très bien cet article, les coûts sont souvent bien plus élevés qu'anticipés et dépassent presque toujours les retombées économiques. Tant et si bien qu'il est convenu dans la littérature académique de parler de la « malédiction du vainqueur » pour le pays organisateur.

 

Pourtant, il se trouve toujours des pays pour organiser de tels événements sportifs, ce qui démontre que le calcul économique doit être élargi en intégrant les coûts et bénéfices sociaux. Mais comment intégrer le sentiment de bonheur, la concorde nationale ou l'engouement pour le sport dans le calcul des bénéfices ? Et comment chiffrer, à court et moyen terme, les changements (transferts) de population d'un quartier à l'autre - accentués par le phénomène Airbnb -, si l'on considère qu'il s'agit en effet d'un coût pour certains d'entre eux ? Bref, l'organisation d'un tel événement sportif coûte assurément très cher et les retombées sont difficiles à évaluer.

 

Un résumé en vidéo

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13 juin 2023 2 13 /06 /juin /2023 13:34

 

Avec le retour des beaux jours, et un thermomètre qui s'affole et devrait nous affoler sur la réalité du changement climatique, plus rien ne semble avoir d'importance en dehors des vacances. Ainsi, de nombreux sujets épineux sont renvoyés au diable Vauvert ou sine die, ce qui revient à détourner le regard lorsque la maison brûle... La question des taux d'intérêt en est un exemple, dans la mesure où elle a été reléguée au second plan après l'inflation, alors que les deux sont intimement liés et porteurs de graves désordres. C'est ce que j'explique dans l'un des chapitres de mon nouveau livre paru aux éditions Ellipses, Les grands mécanismes de l'économie en clair (3e édition, revue et augmentée).

 

Assurément, il ne sera pas possible d'escamoter très longtemps ces problématiques majeures pour l'économie, même si la période de taux d'intérêt très bas traversée par la zone euro pendant près d'une décennie a donné l'illusion d'un monde où l'argent est gratuit... C'est pourquoi, après un billet sur les communautés qui cherchent à vivre sans argent, je souhaitais aborder la remontée des taux d'intérêt et ses conséquences sur l'économie.

 

Taux d'intérêt très bas

 

Le retour de l'inflation a marqué la fin de la période de taux d'intérêt très bas, voire nuls ou négatifs. Parmi les conséquences d'un loyer aussi faible de l'argent prêté, l'on peut citer :

 

 

Or, à bien y regarder, ce n'est pas tant l'investissement qui a été favorisé par les taux d'intérêt très bas, mais plutôt un comportement de sur-rémunération du capital. En effet,  l’effet de levier, lié au fait que les taux d'intérêt sur la dette sont inférieurs au rendement du capital, a artificiellement dopé la rentabilité des fonds propres des entreprises, alors même que la croissance est globalement atone en France. L'allègement des charges d’intérêt y a également contribué sans compression excessive de la rémunération salariale, d'autant que l'inflation permettait à certaines entreprises d'augmenter leurs prix pour conserver ou augmenter leur marge. Les salariés ont d'ailleurs pu accéder plus facilement à l'endettement, ce qui ne présume en rien de la qualité de leurs achats et investissements.

 

L'un dans l'autre, les profits engrangés par les grands groupes cotés ont été impressionnants, tant et si bien qu'ils ont préféré utiliser ces profits pour racheter leurs concurrents (concentration défavorable à la baisse de l'inflation) et surtout pour racheter leurs propres actions, ce qui augmente les sommes déjà croissantes versées aux actionnaires sous forme de dividendes. Résultat des courses : les sociétés du CAC 40 ont distribué un montant record à leurs actionnaires en 2022 (80,1 milliards d'euros), en dividendes ou rachats d'actions, alors que le capital productif reste à la traîne. Une telle conclusion est à mettre en regard avec le déficit de la balance commerciale.

 

Taux d'intérêt très bas et État

 

Enfin, les taux d'intérêt très bas ont grandement facilité l'endettement de l'État qui, en France, a mené une politique de l'offre caractérisée par la poursuite des réductions de prélèvements obligatoires sur les entreprises et des subvention aux bas salaires, comme le montre avec brio Anne-Laure Delatte. Non seulement une telle politique coûte horriblement cher aux finances publiques, notamment lorsque le SMIC augmente en raison de l'inflation, mais elle pèse aussi sur la productivité globale dans la mesure où les emplois subventionnés (cotisations quasi nulles au niveau du SMIC) se situent souvent dans les services peu productifs. Et pour éviter la grogne sociale, l'État s'endette alors une nouvelle fois pour soutenir le pouvoir d'achat des ménages face aux hausses de prix, tout en se privant de recettes puisque la fiscalité des ménages est abaissée.

 

Bref, avec un brin de provocation, nous pouvons dire que l'État français semble avoir abandonné l'investissement au profit d'une simple politique de transfert anti-explosion sociale. Rien d'étonnant donc à ce que les mauvaises langues qualifient le gouvernement de "gestionnaire de France S.A.", puisque toutes les réformes semblent avoir pour objectif la réduction des dépenses publiques concomitamment à une baisse des recettes fiscales. Le pire est sans doute que sondage après sondage, l'on voit que les priorités suivies par le gouvernement ne sont pas celles souhaitées par les Français. Ainsi, à force d'évoquer la réforme des retraites, qui a épuisé le débat politique dans le pays pendant des mois, il n'a plus été question des investissements d'avenir, du système de santé en lambeau, de l'avenir de l'école, etc. 

 

La remontée des taux d'intérêt

 

Avec le retour de l'inflation dans la zone euro, certes plus limitée en France à la faveur des nombreuses aides de l'État dont le coût est devenu faramineux tant les mesures étaient indifférenciées, les taux d'intérêt se sont très vite remis à la hausse :

 

 

[ Source : Boursorama.com ]

 

La politique monétaire a alors été durcie par la BCE, le taux des opérations principales de refinancement passant à 3,75 % le 10 mai 2023, puis à 4 % dès le 21 juin, la Banque centrale étant toujours persuadée qu'il suffit d'augmenter les taux d'intérêt directeurs pour éradiquer l'inflation :

 

 

[ Source : Banque de France ]

 

Pourtant, l'inflation semble s'être installée pour de bon (faisant des gagnants et des perdants) et la hausse initiale des prix de l'énergie s'est désormais répercutée dans les prix des autres produits du panier de la ménagère, dont l'alimentation. Le risque est alors grand que les considérations de qualité alimentaire soient reléguées au second plan, tout comme celles de transition écologique/énergétique.

 

J'invite maintenant le lecteur à imaginer les conséquences du retournement de tous les mécanismes évoqués ci-dessus, lorsque les taux d'intérêt augmentent. Pour les obligations d'État, cela renchérit en effet progressivement le service de la dette de l'État. Mais comme les entreprises (et les banques) ont placé leur argent sur de tels actifs, elles se retrouvent de facto avec des moins-values en portefeuille : c'est le mécanisme de la faillite de la banque SVB aux États-Unis ! Quant au profit des entreprises, lié à l'effet de levier et à l'allègement des charges d’intérêt, il est fort probable qu'il subira l'impact de la hausse des taux d'intérêt. Il y a donc fort à parier que la rémunération salariale en fera les frais... Et plus généralement, il faut s'interroger sur le risque de faillite des emprunteurs, qui se sont parfois pris à rêver d'un monde sans risque et sans coût, portés en cela par un sentiment de sécurité procédant de l'argent gratuit.

 

À n'en pas douter, le rêve d'une société capitaliste fondée sur l'argent sans coût est une chimère, certes entretenue par les Banques centrales elles-mêmes, mais dont il faudra très prochainement payer le prix !

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29 mai 2023 1 29 /05 /mai /2023 13:42

 

 

Après mon article sur la dette publique, dans lequel j'ai évoqué la question de sa soutenabilité, je souhaiterais évoquer aujourd'hui les personnes qui ont choisi de vivre sans monnaie, organisées ou non en communauté. Il n'est pas question de faire un long traité, mais juste de fournir quelques éléments de réflexion et références bibliographiques pour ceux qui désireraient approfondir le sujet.

 

Une vie sans monnaie

 

L'expérience la plus aboutie d'une (période de) vie sans monnaie est probablement celle de Mark Boyle, qui a tenté de se reconnecter à la nature en trouvant "des moyens ingénieux pour se débarrasser de ses factures et s’épanouir dans la gratuite". À tel point que son livre, L'Homme sans argent, dont la lecture ne peut laisser de marbre même si l'on n'adhère pas à ses idées, est très vite devenu un hymne à la décroissance et à la lutte contre le système capitaliste :

 

 

De l'utopie littéraire à la communauté sans monnaie

 

L'histoire fourmille de personnes qui ont décidé de vivre ensemble suivant leurs valeurs en s'affranchissant de toute monnaie. Ces communautés ont parfois fait l'objet de récits plus ou moins utopiques, à l'instar de l'Utopie de Thomas More (publiée en 1516) qui se veut une société idéale (très utopique pour le coup) fondée hors de l'ordre marchand et sur la propriété collective des moyens de production.

Beaucoup moins utopique, car mise en œuvre aux alentours de 1850 aux États-Unis (à Nauvoo dans l’Illinois), le Voyage en Icarie est un essai publié en 1840 par Étienne Cabet, qui décrit une cité idéale nommée Icarie, fonctionnant sur des principes égalitaires, où le travail est obligatoire, mais sans monnaie et sans propriété privée. 

François Fourn consacrera d’ailleurs sa thèse de doctorat à Étienne Cabet et son utopie :

 

 

Les communautés intentionnelles

 

J'avais évoqué dans cet article l'origine la vision alternative de la société développée par Robert Owen au XIXe siècle, qui le conduisit à acquérir, en 1824, 20 000 arpents (vergers, vignobles, terres arables...) et une petite colonie de peuplement dans l'Indiana, composée de nombreuses infrastructures (moulins, usine textile, tannerie...), qui deviendra la communauté autonome de New Harmony. Régis par une Charte de la communauté égalitaire de New Harmony, tous les membres devaient être vus comme appartenant à une même famille - ce qui fait référence à la communauté telle que définie sociologiquement par Tönnies -, qui vivraient sur un pied d'égalité en matière de nourriture, d'éducation, de logement, etc.

 

En sociologie, l'on appelle communauté intentionnelle un ensemble de personnes ayant choisi de vivre ensemble à un endroit donné, suivant une organisation définie. De nos jours, il est d'usage de classer ces communautés intentionnelles en plusieurs catégories, dont voici selon moi les quatre principales :

 

 

Le célèbre récit utopique de B.F. Skinner Walden Two paru en 1948 (le titre de l'ouvrage est un clin d'oeil évident au récit Walden d'Henry David Thoreau), aura assurément servi de fondement à nombre de ces communautés intentionnelles :

 

 

La communauté imaginée dans Walden two fonctionne suivant les principes de la psychologie du béhaviorisme (comportementalisme en bon français) et se veut une communauté non-autarcique fondée sur le partage communautaire sans monnaie. Le sociologue Michel Lallement a d'ailleurs étudié la communauté intentionnelle de Twin Oaks, fondée en 1967 en Virginie sur les idées de Skinner. Souvent perçue comme un écovillage en raison de sa promotion d'un mode de vie écologique, cette communauté a depuis pris ses distances avec les idées développées par Skinner, mais reste un terrain d'étude passionnant.

 

 

Dans un entretien publié, Michel Lallement montre que très souvent ces communautés intentionnelles cherchent à extirper "la logique marchande, l’argent des rapports ordinaires qui structurent le travail" (p.113) notamment en organisant des échanges de biens courants entre membres (vêtements...), mais que des exceptions existent afin que chacun puisse "acheter ce que la communauté ne fournit pas" (ibid.).

 

Le lecteur intéressé par ces questions de communauté intentionnelle pourra trouver de nombreux développements intéressants dans cette émission de radio diffusée sur France Culture :

 

 

Indubitablement, la volonté de certaines communautés de s'affranchir de l'usage monétaire interroge. Souvent la monnaie est perçue par les membres comme l'outil utilisé par la société capitaliste pour exploiter les ressources naturelles et humaines. Chemin faisant, l'on retrouve une vision qui fit florès au XIXe siècle d'une monnaie corruptrice de toutes les valeurs (Marx, Weber...). C'est pourquoi, encore de nos jours - et peut-être surtout de nos jours, au vu de l'impasse écologique, économique et humaine dans laquelle le modèle capitaliste se trouve -, des personnes cherchent à promouvoir un monde sans monnaie. C'est le cas de Mocica, dont j'avais rencontré le fondateur, qui pense qu'une "société réorganisée sans argent résoudrait la plupart des problèmes de l’humanité", de l'Après monnaie, de la Désargence... Nombre de ces collectifs œuvrant pour une société sans argent (ni troc, ni échange !) sont d'ailleurs regroupés sur la plateforme Civilisation sans argent.

 

Pourtant, l'école française de l'institutionnalisme monétaire a montré avec brio que la monnaie tient un rôle central dans la constitution et la pérennisation d'une communauté ou d'une société, dans la mesure où "dans la monnaie, c’est la société en tant qu’entité autonome qui se fait connaître" (Aglietta et Orléan, 2002, p. 99). Autrement dit, la monnaie médiatise l’appartenance au collectif et précisément à une communauté de valeurs qui se crée à la faveur de la monnaie. C'est l'exemple des monnaies locales complémentaires... Bref, la monnaie est un "fait social total" au sens de Mauss (1968), i.e. qu'elle est susceptible de mettre en mouvement la totalité de la société et de ses institutions.

 

Rien d'étonnant donc à ce que les questions qu'elle soulève soient aussi nombreuses que ses contestations !

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15 mai 2023 1 15 /05 /mai /2023 13:14

 

 

Entre vie chère, salaires à la traîne et marchés financiers en souvent en ébullition, je m'étais demandé dans un précédent billet si l’atterrissage économique pouvait encore se faire en douceur. Ce d'autant plus que de nombreux pays se lancent désormais dans une course aux réformes structurelles (exemple de la réforme des retraites en France) dans l'espoir de renouer avec les gains de productivité, quitte à appliquer pour ce faire des potions amères et aux résultats bien incertains. L'une d'entre consiste à baisser de manière indifférenciée les dépenses publiques, dans le but de réduire concomitamment les impôts prélevés pour les financer.

 

Or, comme je l'ai expliqué dans ce billet, ce théorème (sic) de Schmidt fait partie de tous ces concepts "zombis". Exit donc les véritables questions sur la nature, le montant et l'efficacité des dépenses publiques - au moment où le gouvernement lance son opération transparence sur les impôts  ("En avoir pour mes impôts", sic)... Pour autant, le gouvernement ne semble pas pouvoir sortir de sa politique de "quoi qu'il en coûte", qui coûte néanmoins "un pognon de dingue" !

 

Venons-en à la dette publique, sujet du billet d'aujourd'hui, que j'avais traitée avec la question de la dépense publique lors d'une conférence à l'Université Populaire de Sarreguemines et dans mon nouveau livre grand public, Les grands mécanismes de l'économie en clair (3e édition, revue et augmentée), publié aux éditions Ellipses. Il suffit de jeter un œil sur le graphique ci-dessous, pour en comprendre l'enjeu :

Infographie: Dette publique : un état des lieux | Statista Vous trouverez plus d'infographie sur Statista

 

Bref état des lieux au sein de l'UE

 

Voici le niveau atteint par la dette publique au sein de l'UE :

 

[ Source : Eurostat ]

 

Beaucoup plus intéressant, son évolution sur un an, qui laisse à penser que les choses s'améliorent :

 

[ Source : Eurostat ]

 

Par rapport au quatrième trimestre 2021, la grande majorité des États membres ont enregistré une baisse de leur taux d'endettement public, à la faveur notamment d'un taux d'inflation élevé !

 

Taux d'intérêt nominaux en hausse

 

Depuis le début de l'année 2022, les taux d'intérêt se sont remis à grimper et ils devraient encore monter en raison de la politique monétaire restrictive menée par les Banques centrales des deux côtés de l'Atlantique :

 

 

[ Source : Banque de France ]

 

Les taux d'intérêt des obligations d'État dépendront aussi de la résultante de la vente de titres par la BCE (quantitative tightening) et de la hausse des émissions par les États. Si la hausse qui en découle est trop forte, la zone euro se dirigera vers une crise obligataire comme le démontrent les faillites bancaires aux États-Unis.

 

Soutenabilité de la dette publique 

 

Pour l'instant, comme le taux d'inflation est bien plus élevé que les taux d'intérêt nominaux, les taux d'intérêt réels demeurent négatifs. Cette configuration est favorable à court terme aux pays débiteurs, mais en même temps elle peut devenir un pousse-au-crime... En France, le "bouclier tarifaire" s'adresse ainsi indistinctement aux plus modestes comme aux plus riches en France, avec un coût énorme pour le budget de l'État. 

 

Fondamentalement, la dynamique de la dette publique dépend de son niveau et du différentiel (taux d'intérêt réel - taux de croissance). Et c'est peu dire que les dernières années, les États ont pu profiter de la politique ultra-expansionniste menée par la BCE, qui s'était traduite par une baisse des taux d'intérêt à long terme sur la dette publique et en tout état de cause une croissance (même très faible) supérieure aux taux d'intérêt réels, rendant supportables même des niveaux d'endettements publics très élevés comme en Italie.

 

Mais un retournement de situation est désormais prévisible et, au vu de la situation économique de certains pays (voir mon billet sur l'Italie), tous n'assureront pas à terme leur solvabilité, en particulier la Grèce et l'Italie. Pour mémoire, la dette publique est réputée soutenable si le taux d’endettement public reste constant à défaut de diminuer. Il est cependant vrai qu'il n’existe, a priori, aucun seuil d’endettement maximum, la soutenabilité de la dette publique dépendant autant de facteurs économico-financiers (taux d’intérêt, taux de croissance, dépendance aux capitaux étrangers…) que de facteurs plus difficiles à appréhender (stabilité gouvernementale, effet d’annonce…).

La soutenabilité de la dette publique s'apparente par conséquent à de la chimie fine, dont on ne maîtrise pas forcément toutes les conséquences du mélange des réactifs. En particulier, l'endettement public s'accompagne inévitablement d'effets redistributifs trop souvent négligés dans le débat ou résumés de manière simpliste à des transferts entre générations. La crainte de ces effets mal maîtrisés ou parfois incontrôlables a ainsi conduit les États-Unis a fixer un plafond de dette publique, qui une fois atteint donne lieu à des palabres de marchands de tapis entre le gouvernement et le Congrès, sachant qu'historiquement c'est à ce dernier que la Constitution a accordé le pouvoir d’emprunter (et aussi de prélever l'impôt pour les dépenses publiques).

 

 

[ Source : Econofact.org ]

 

En ce qui concerne l'UE, elle est toujours à la recherche d'un modèle plus ou moins fédéraliste, qui lui permettrait de mutualiser réellement les dettes publiques des États membres et ainsi d'éviter une nouvelle crise de la dette (publique). Mais est-ce politiquement envisageable ? Telle est la question...

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1 mai 2023 1 01 /05 /mai /2023 13:27

 

 

D'année en année, le travail est célébré dans les discours des dirigeants politiques, surtout en période électorale, sans que l'on sache très bien de quel travail il est question... Pourtant, la pandémie de covid-19 a démontré jusqu'à l'absurde que le travail utile pour la société n'était pas celui encensé par les politiques à longueur de discours. Il y a du reste urgence à redonner du sens au travail :

 

 

[ Source : ANACT ]

 

Les deux dernières décennies, dans le monde néolibéral décrit avec brio par David Cayla, la fête du Travail semblait se résumer à une curiosité des temps anciens, une anomalie diront les plus bravaches, qu'il faudra bien un jour supprimer au nom (choisissez dans la liste suivante l'explication qui vous sied le mieux) du progrès, de la nécessité de travailler plus, de la modernité, de l'effort collectif... Bref, la notion de lutte syndicale semblait s'être effacée du paysage social français, avant de faire son grand retour en ce début d'année 2023 avec une lutte syndicale unitaire contre la réforme des retraites. Cette dernière était, en effet, vue par l'ensemble des syndicats comme un assaut sur le modèle de protection sociale de type bismarckien, alors même que la variable clé du taux d'emploi des seniors a tout simplement été occultée de cette loi imposée par le moyen de l'article 49.3.

 

Cela soulève inévitablement la question du fonctionnement d'une démocratie représentative, qui repose sur plusieurs fictions brillamment résumées par la sociologue Dominique Schnapper : "sens du vote, règle de la majorité, respect de l’État de droit et des institutions qui l’organisent". Cela signifie que la légitimité politique est fondée sur une forme de "transcendance par l’élection" résultant d'un vote majoritaire lors d'élections libres selon des règles acceptées par tous les citoyens. Or, lorsque la légitimité conférée par les institutions républicaines n'entraîne plus nécessairement la légitimité politique, la société fait face à une crise politique et institutionnelle grave, n'en déplaise aux bonnes âmes qui veulent seulement y voir un problème de dialogue social.

 

En vérité, il y avait déjà un problème de dialogue social depuis des années, mais qui a atteint son acmé ces derniers mois avec la réforme des retraites, dans la mesure où le gouvernement a refusé tout véritable dialogue avec les organisations syndicales, au point de les polariser unitairement contre sa loi. Le plus inquiétant, c'est qu'à l'issue de cet épisode ("séquence" est le mot à la mode) marquant des luttes sociales, beaucoup de Français semblent garder un goût amer, susceptible de se transformer à terme en rejet des institutions politiques, en violence et peut-être pire...

 

Au vu de ce contexte social très particulier, je souhaiterais comme chaque année rappeler brièvement l'histoire de cette journée du 1er mai consacrée au travail.

 

Le choix du 1er mai

 

C'est le 30 avril 1947 que le gouvernement décida de faire du 1er mai un jour chômé et payé, sans qu'il soit d'ailleurs fait référence à une quelconque fête. L'appellation fête du Travail n'est donc que coutumière, même si par abus j'ai moi-même commencé ce billet en ces termes ! Il n'y a guère que sous Vichy, le 24 avril 1941, que le 1er mai fut désigné comme fête du Travail et de la concorde sociale...

 

Cette date du 1er mai s'inspire en fait des grèves et négociations du 1er mai 1886, qui débouchèrent sur une limitation de la journée de travail à huit heures aux États-Unis.

C'est en 1889 que la deuxième Internationale socialiste réunie à Paris se donnera pour objectif la journée de huit heures, puisque jusque-là le temps de travail habituel était de dix à douze heures par jour ! Et pour marquer cette revendication, il fut décidé d'organiser une grande manifestation à date fixe (le 1er mai...) dans le but de faire entendre la même revendication de réduction du temps de travail dans tous les pays !

 

C'est ainsi qu'est née la Journée internationale des travailleurs également appelée fête des Travailleurs, avec un premier défilé le 1er mai 1890, où les ouvriers firent grève et défilèrent avec le célèbre triangle rouge à la boutonnière, qui symbolisait les 3 grands tiers de la journée : travail, sommeil, loisir. Mais il faudra tout de même attendre le 23 avril 1919 pour que le Sénat français impose enfin une limite de travail à 8 heures par jour...

 

Les ateliers nationaux en 1848

 

Enfin, puisque nous sommes en si bon chemin semé d'embûches, regardons brièvement ce que l'histoire peut nous apprendre sur le traitement du chômage au XIXe siècle. Après la révolution de février 1848, trop souvent oubliée par les Français alors même que la déflagration se fit pourtant sentir partout en Europe sous l'expression désormais consacrée de Printemps des peuples, le gouvernement provisoire de la IIe République créa les Ateliers nationaux dans l'idée de procurer aux chômeurs de Paris un petit revenu en contrepartie d'un travail (cf. cet article du site Hérodote.net). C'est l'exemple typique d'une belle idée sociale, en l’occurrence défendue depuis 1839 par Louis Blanc, qui souhaitait créer des Ateliers sociaux pour rendre effectif le droit au travail.

 

Mais à l'Assemblée nationale, forts d'une majorité de notables provinciaux très méfiants à l'endroit des ouvriers, les députés décidèrent que les Ateliers nationaux ne devaient se voir confier aucun travail susceptible de concurrencer une entreprise privée (toute ressemblance avec la situation actuelle ne pouvant être totalement fortuite...). C'était dès lors les condamner au supplice de Sisyphe, d'autant que le nombre de chômeurs qu'ils employaient augmentait de façon vertigineuse : substituer des arbres provenant des pépinières nationales à des arbres sains préalablement abattus, dépaver les rues pour ensuite les paver à nouveau, etc.

 

Les Ateliers nationaux devinrent ainsi un repoussoir pour la classe bourgeoise, qui n'y voyait rien d'autre qu'un nid d'ouvriers révolutionnaires doublé d'un gouffre économique. Dès lors, par collusion d'intérêt, il n'est guère étonnant que nombre de parlementaires s'opposassent à toute forme d'intervention de l'État dans le domaine économique et dans la régulation des relations patrons/salariés. C'est que rentiers et bourgeois de l'Assemblée se sentaient offusqués de devoir entretenir avec l'argent public un nombre croissant de chômeurs employés par ce qu'ils surnommaient désormais les "râteliers nationaux", considérant qu'une telle aide relevait plutôt de la charité privée. Retour au 18e siècle.

 

Le 20 juin 1848 fut donc décidée la suppression des Ateliers nationaux, dans l'espoir de calmer au passage les velléités révolutionnaires des ouvriers. Ce faisant, 120 000 ouvriers furent licenciés par les Ateliers nationaux, ce qui déboucha sur de violentes émeutes de la faim (les journées de juinet une répression brutale. Répétons-le : c'est donc bien la République qui fit tirer sur le Peuple, même si cela semble difficile à entendre !

L'histoire nous rappelle que la question du travail et de sa valeur a souvent été traitée de manière partisane par le pouvoir politique, afin de satisfaire aux intérêts d'une minorité de riches faiseurs. Que n'a-t-on d’ailleurs entendu sur la "valeur travail", qu'il faudrait défendre et réimplanter d’urgence dans le cœur des Hommes. Or, trop souvent, les politiques confondent allègrement travail et emploi, évoquent du reste le chômage uniquement sous l'angle de son taux et le travail uniquement comme un coût salarial, pure vision de techniciens (technocrates ?). Cela permet d'occulter à dessein toutes les questions de qualité du travail, de déclassement professionnel et de mal-être au travail, pour ne conserver qu'un chiffre auquel l'on fait dire que le plein emploi est proche ! Même les mots sont dévoyés et finissent par dire le contraire de ce qu'ils signifient, comme je l'ai montré dans ce billet.

 

Pour finir, le lecteur intéressé par la problématique de l'emploi pourra utilement se reporter à mes anciens billets, qui conservent une certaine actualité :

 

 * Le travail ravagé par la perte de sens

 

 * Le temps de travail en France

 

 * Baisse du chômage : en route vers la crise sociale ?

 

 * Le taux d'activité ou la face cachée du plein emploi

 

 * la réforme des retraites est-elle indispensable ?

 

 * retraites : assaut sur le modèle de protection sociale

 

 * réforme des retraites 2023 : le taux d'emploi des seniors comme variable clé

 

 * les moutons mangent les hommes

 

 * Les sujets majeurs absents de la campagne présidentielle

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30 avril 2023 7 30 /04 /avril /2023 12:57

 

 

 

Mercredi 3 mai à 18h30, je donnerai une deuxième conférence à l'Université Populaire de Sarreguemines sur le même modèle que la cafet'éco, que j'avais créée à l'UPSC, il y a plus de 13 ans ! Chacun est libre de prendre quelques notes, de participer en posant ses questions ou simplement d'écouter. Aucun prérequis n'est nécessaire pour suivre cette conférence d'économie.

 

Cette fois, nous évoquerons la dette ainsi que les dépenses publiques, et nous sommes convenus du titre suivant : Dépense et dette publiques : la poursuite du "quoi qu'il en coûte" ?. Il suffit de jeter un œil sur le graphique ci-dessous, pour comprendre la nécessité de s'intéresser aux tenants et aboutissants du "quoi qu'il en coûte" :

Infographie: Dette publique : un état des lieux | Statista Vous trouverez plus d'infographie sur Statista

Il sera donc question, entre autres, de la nature, du montant et de l'efficacité des dépenses publiques - au moment où le gouvernement lance son opération transparence sur les impôts  ("En avoir pour mes impôts", sic) -, de l'évolution du déficit public et de la soutenabilité de la dette publique... Autant de problématiques traitées par ailleurs dans mon nouveau livre grand public, Les grands mécanismes de l'économie en clair (3e édition, revue et augmentée), publié aux éditions Ellipses.

 

Renseignements auprès de l'UPSC, qui a fixé les prix suivants :

 

* Membres de l'UP : 5€
* Non-membres de l'UP : 7€
* Étudiants : gratuit

 

Université Populaire Sarreguemines Confluences

Place Jeanne d'Arc

57200 Sarreguemines

Tél : 03 87 09 39 81

Email : contact@upsc-asso.fr

 

 

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25 avril 2023 2 25 /04 /avril /2023 11:15

 

 

Dans mon nouveau livre grand public, Les grands mécanismes de l'économie en clair (3e édition, revue et augmentée), publié aux éditions Ellipses, j'aborde de nombreuses thématiques d'actualité : l'inflation, la dette publique, la crise, la consommation... Des journalistes m'ont ainsi invité à évoquer mon livre et ces sujets brûlants dans le cadre d'interviews.

 

C'est notamment le cas de RCF à Metz :

Et du Républicain Lorrain :

 

 

Ce livre s'adresse donc à toutes les personnes qui souhaitent comprendre l'économie et peut être acheté dans toutes les bonnes librairies, même celles en ligne (dont voici quelques liens) :


Amazon I Fnac l Ellipses I Decitre I Chapitre I Joseph Gibert I Mollat

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11 avril 2023 2 11 /04 /avril /2023 11:40

 


Mes récents articles sur l'inflation, la faillite de la Silicon Valley Bank aux États-Unis, la réforme des retraites et le déficit record de la balance commerciale en France, montrent la complexité de certains mécanismes économiques. Pourtant, il est important de chercher à les comprendre, afin de se forger une opinion éclairée sur ces questions d’actualité.

 

Vous aimeriez donc comprendre le fonctionnement de l’économie, mais n’avez pas le temps de lire un traité de 1000 pages ? Alors mon nouveau livre est fait pour vous, puisque tous les concepts sont présentés de manière abordable, illustrés d’exemples et de schémas ! En neuf chapitres, remaniés et augmentés dans cette 3e édition, il vous guidera dans les méandres de l’économie et vous apprendra à en décrypter le jargon. Et afin de faire de ce livre un outil pratique que l’on peut consulter lorsque l’on cherche un point précis, vous y trouverez également un index des principaux termes employés et un glossaire.

 

Vous serez ensuite capable de comprendre l’actualité économique et de répondre, notamment, aux questions suivantes :

 

- Quelles sont les causes et les conséquences de l’inflation ?


- À quoi servent les dépenses publiques ?


- La mondialisation est-elle un risque ou une chance ?


- À quoi servent les banques et les marchés financiers ?


- La dette publique menace-t-elle l’Union européenne de faillite ?


- Est-ce grave si la balance commerciale est déficitaire ?


- Qu’appelle-t-on développement durable ?


- La croissance peut-elle résoudre tous les problèmes économiques ?


- Qui crée la monnaie et sous quelles formes ?

 

Ce livre s'adresse donc à toutes les personnes qui souhaitent comprendre l'économie et peut être acheté dans toutes les bonnes librairies, même celles en ligne (dont voici quelques liens) :


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27 mars 2023 1 27 /03 /mars /2023 11:42

J'ai déjà écrit plusieurs fois sur l'inflation et me suis exprimé dans les médias, tant le sujet touche notre vie quotidienne. Après deux années de pandémie très difficiles à supporter en raison des confinements plus ou moins stricts mis en place, l'inflation a souvent été vécue comme le fardeau de trop pour les petites entreprises et les ménages. Mais en se contentant d'évoquer la perte de pouvoir d'achat et la dégradation des marges, l'on finit par oublier que l'inflation est avant tout un conflit de partage, donc un phénomène social ! Et dans ce conflit, certains agents économiques tirent mieux leur épingle du jeu que d'autres...

 

Un point sur l'inflation au sein de l'UE

 

Au niveau de la zone euro, le taux d'inflation annuel est estimé par Eurostat à 8,5 % en février 2023 et il ne fait toujours pas bon consommer dans les Pays baltes où ce taux flirte avec les 20 %. Si les prix de l'énergie ont été durant des mois la composante principale de cette inflation dans la zone euro, leur reflux a hélas été accompagné d'une hausse des prix sur d'autres biens et services comme l'alimentation :

 

 

[ Source : Eurostat ]

 

En France, sur un an, l'Insee estime que les prix à la consommation ont augmenté de 6,3 % en février 2023, en raison là aussi de l'alimentation et des services :

 

 

 [ Source : Insee ]

 

Comme l'on pouvait le craindre, la hausse initiale des prix de l'énergie s'est répercutée dans les prix des autres produits du panier de la ménagère, dont l'alimentation. Le risque est alors grand que les considérations de qualité alimentaire soient reléguées au second plan, tout comme celles de transition écologique/énergétique.

 

Gagnants et perdants

 

Caractériser les gagnants et les perdants de cet épisode inflationniste nécessite de s'intéresser à plusieurs facteurs :

 

 * l'indexation des salaires, et plus généralement le revenu, sur le taux d'inflation ;

 

 * la capacité de négociation collective des salariés pour obtenir des hausses (durables) de salaire ;

 

 * l'existence d'un stock d'épargne permettant de couvrir une baisse de pouvoir d'achat ;

 

 * le taux d'endettement à taux variable ou fixe des agents économiques ;

 

 * la capacité des entreprises à absorber la hausse des coûts de production ou à augmenter durablement leurs prix de vente pour maintenir leurs marges ;

 

 * la capacité des entreprises à se positionner sur les segments de production/vente les plus rémunérateurs avec l'envolée des prix ;

 

Plutôt qu'un long discours, voici les conclusions auxquelles arrive Olivier Passet dans cette courte vidéo de Xerfi Canal, et qui me semblent pertinentes :

Quoi qu'il en soit, l'actuel épisode d'inflation ne peut se traiter comme dans les années 1970, ne serait-ce qu'en raison du changement important de mode de régulation capitaliste. Nous ne sommes plus dans un capitalisme fordiste, mais financier, comme le prouve la récente faillite de la banque SVB. C'est d'ailleurs le resserrement de la politique monétaire aux États-Unis, qui a conduit aux difficultés des banques. Pourtant, cela n'empêche pas les autorités monétaires d'appliquer au phénomène inflationniste les mêmes remèdes qu'il y a un demi-siècle, au risque de conduire à une baisse des salaires réels (c'est déjà le cas), donc à un recul de la demande globale et à une récession...

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