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14 septembre 2022 3 14 /09 /septembre /2022 22:12

 

 

Depuis plus de 10 ans, j'assure avec plaisir la coordination de l'atelier d'aide aux devoirs de l'Université Populaire Transfrontalière (UPT) de Forbach. L'UPT propose en effet, en partenariat avec la mairie de Forbach, la CAFPF et la politique de la ville, une aide aux devoirs pour les collégiens et les lycéens de la communauté d'agglomération Forbach Porte de France (CAFPF) pour seulement 10 € par an !

 

 

[ Cliquer sur l'image pour l'agrandir ]

 

Fort du succès rencontré depuis la décennie écoulée, l'aide aux devoirs est renouvelée pour l'année scolaire 2022/2023. Notre équipe est constituée de professeurs expérimentés, qui ont à cœur de partager leurs savoirs dans un cadre non scolaire, mais sérieux, propice à l’étude. Les séances débuteront le mercredi 28 septembre et auront lieu au Burghof, chaque semaine, les mercredis et vendredis de 17h à 19h (accueil des élèves jusqu'à 17h30 maximum, aucun départ avant 19h). En tout état de cause, les élèves doivent impérativement venir avec du travail pour toute la séance et avoir un comportement sérieux, sous peine d'être exclus.

 

L'aide aux devoirs appliquera, bien entendu, les consignes sanitaires nationales. Mais, en tout état de cause, les élèves qui présentent des symptômes grippaux (écoulement nasal, toux, rhume, fièvre...) sont priés de rester chez eux.

 

Pour s'inscrire, il suffit de se présenter au bureau de l’UPT situé au Burghof, muni impérativement d’une photo d’identité récente, de remplir une fiche de renseignements et de signer le règlement intérieur.

 

Université Populaire Transfrontalière de Forbach (UPT)

15 rue du Parc

57600 Forbach

  Tél : 03 87 84 59 67

Email : upt.vhs@wanadoo.fr

 

Vous trouverez ci-dessous l'affiche de présentation. Les chefs d'établissements de Forbach ont d'ailleurs été destinataires d'un courrier les informant des tenants et aboutissants de cette aide aux devoirs, qu'ils connaissent bien à présent.

 

[ Cliquer sur l'image pour l'agrandir ]

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6 septembre 2022 2 06 /09 /septembre /2022 12:30

 

 

Dans un précédent article, j'ai évoqué le seuil de pauvreté et son pendant le seuil de richesse. Le mérite du second est de donner à penser la richesse autrement qu'en référence à Bernard Arnault. Et surtout, cela rappelle que trop souvent le travail ne paye plus, ou pas assez pour mener une vie décente dans une société donnée à un moment donné. Durant la campagne des législatives, la question de l'emploi a ressurgi brièvement, mais sous l'angle très restreint du seul pouvoir d'achat.  Il me semble pourtant essentiel d'évoquer, au-delà des chiffres du chômage, les questions de flexibilisation et de précarité, qui sont hélas la réalité quotidienne de nombre de travailleurs.

 

Évolution du chômage en France

 

J'ai eu l'idée de ce court billet en écoutant cet échange musclé entre Léa Salamé et Jean-Luc Mélenchon :

Léa Salamé fait référence à la baisse tendancielle du taux de chômage en France depuis 2015 :

 

 

[ Source : Insee ]

 

Or, comme je ne cesse de le répéter à mes étudiants, commenter l'évolution du taux de chômage sans dire un mot sur le taux d'activité, les personnes au chômage depuis plus d'un an et la qualité des emplois, revient à commenter des chiffres dans le vide. L'on m'objectera, avec raison, que commenter le vide est déjà le métier de nombreuses personnes qui courent les plateaux de télé des chaînes des d'information en continu... Toujours est-il que, ce faisant, l'on passe à côté d'évolutions inquiétantes, qui constituent l'envers du décor du taux de chômage bas : la hausse des contrats précaires de travail, la segmentation du travail en temps et en lieu, la perte de sens...

 

Précarité(s) de l'emploi

 

L'emploi, forme marchandisée du travail, a été précarisé de manière continue par les réformes successives prises au mal nommé ministère du Travail : flexibilisation et précarisation à outrance de l'emploi par Myriam El Khomri au nom de la compétitivité, autorisation des plateformes de livraison devenues l'archétype de l'emploi précarisé, etc. À cela, il faut ajouter la libéralisation des licenciements, puisqu'au traditionnel plan de sauvegarde de l'emploi (qu'on juge de l'expression orwellienne !), s'ajoutent désormais le plan de départs volontaires (PDV), la rupture conventionnelle collective (RCC), l'accord de performance collective (APC) et l'accord d'activité partielle de longue durée (APLD). Une véritable panoplie de petit magicien des ressources humaines, qui permet de faire sortir facilement et à moindres frais des licenciements collectifs du chapeau de la compétitivité :

 

 

Mais au fait, qu'appelle-t-on précarité de l'emploi ? Ce terme caractérise l'incertitude face au lendemain, que la création de la Sécurité sociale avait justement pour but de limiter. Il s'agit donc des emplois en CDD, en intérim, des emplois aidés, de l'alternance... Bref, de tous les emplois qui ont dès la signature du contrat une date plus ou moins définie d'expiration. Mais cette vision limitative néglige les emplois qui, même en CDI, ne permettent pas de vivre décemment en raison d'un revenu salarial trop faible.

 

Mesurer la précarité par la part des emplois précaires dans l'emploi salarié total est donc une gageure, puisqu'il est extrêmement difficile de définir précisément les emplois précaires et de distinguer entre emplois précaires subis ou choisis. Selon l'Observatoire des Inégalités, "la France compte 27 millions d’emplois, occupés par 24 millions de salariés et 3 millions d’indépendants. 12,4 % des emplois, soit 3,3 millions de personnes, ont un statut précaire". Et de conclure que le marché de l'emploi en France se fracture en deux blocs : stabilité vs précarité.

 

Mais pour les gouvernements successifs, précariser l'emploi n'était pas suffisant, il fallait encore le flexibiliser pour atteindre le plein-emploi. Voyons un peu la théorie schumpétérienne sous-jacente.

 

La flexibilisation de l'emploi

 

La flexibilité de l'emploi est souvent définie comme la capacité d’adaptation du facteur travail (évolution du nombre de salariés, des types de contrats, des rémunérations, du temps de travail, de l’organisation du travail...) aux variations de l’environnement des entreprises (demande effective, conditions de concurrence, etc.). Sans entrer dans les détails, notons simplement qu'il est d'usage de distinguer la flexibilité externe et interne ainsi que la flexibilité quantitative et qualitative, comme le montre le petit tableau (très simplifié) que j'ai construit ci-dessous :

 

  Quantitative Qualitative
Externe statuts d'emploi Systèmes de production
Interne Temps de travail et rémunérations Organisation du travail

 

Tout l'enjeu des politiques de l'offre menées ces dernières années aura justement été d'augmenter la flexibilité au nom de la compétitivité et de la croissance.

 

Flexibilité et chômage

 

En prenant appui sur le concept de destruction créatrice de J. Schumpeter, auquel ils font dire plus qu'il ne signifie, d'aucuns se persuadent que la flexibilité (flexisécurité dans la novlangue macronienne) est le meilleur moyen d'accompagner ce processus vu comme inéluctable et bienfaisant pour l'économie à long terme. En gros, il s'agit donc d’abandonner les secteurs en déclin tout en aidant à la création d'emplois dans les nouveaux secteurs de l'économie.

 

Ce faisant, les thuriféraires de la flexisécurité négligent juste que les emplois détruits ne sont pas nécessairement recréés en nombre égal dans les nouveaux secteurs d'activité. De plus, les qualifications n'étant pas les mêmes, rien n'assure le "déversement" d'un secteur à l'autre pour reprendre une expression popularisée par Alfred Sauvy. Quant aux salaires, le primat de la négociation au niveau des entreprises conduira inévitablement à un ajustement à la baisse des salaires, qui pèse très lourdement sur le pouvoir d'achat lorsque l'inflation est élevée.

 

En outre, il ne faut pas oublier qu'un emploi perdu n'est jamais simplement l'équivalent d'un emploi retrouvé, même s'il offre les mêmes conditions matérielles de subsistance. Au contraire, certains métiers font la fierté de ceux qui les exercent et ils ne peuvent être remplacés par d'autres emplois alimentaires sans conduire à la perte d'un savoir-faire et d'une logique de l'honneur au travail dont parlait Philippe d'Iribarne. La flexisécurité est donc un excellent moyen de réduire le taux de chômage, mais au prix d'une omerta sur toutes les questions de qualité de l'emploi, de déclassement professionnel et de mal-être au travail. Pourtant, l'on sait depuis longtemps que la multiplication des emplois aux conditions dégradées à un énorme coût social, mais pourquoi évoquer des questions qui fâchent ?

 

Dans les conditions actuelles de fonctionnement du "marché du travail", le plein-emploi est loin de se confondre avec un taux de chômage très bas, surtout si ce dernier est obtenu au prix d'une austérité salariale (avec hausse du nombre de travailleurs pauvres), d'une dégradation des conditions de travail et d'une perte de sens... Mais cette idéologie infuse hélas les esprits, comme en témoignait l’épreuve 2021 de sciences économiques et sociales (voir l'intégralité de l'épreuve sur le site de l'APSES) passée par les candidats libres. Dans sa 3e partie, qui se veut un raisonnement s’appuyant sur un dossier documentaire (10 points), le sujet était : "À l’aide de vos connaissances et du dossier documentaire, vous montrerez que des politiques de flexibilisation du marché du travail permettent de lutter contre le chômage structurel". 

 

Et question infusion des esprits, je ne résiste pas à l'envie de vous raconter une anecdote qui m'est arrivée lors d'un déplacement pour un colloque universitaire en juin dernier. J'avais fait une halte à Dijon avant de me rendre à Grenoble. Et dans le tram qui me conduisait au centre-ville, j'ai entendu deux étudiantes discuter de leur recherche d'emploi pour l'été. L'une d'elles expliquait qu'elle n'avait pas réussi à trouver d'emploi, pas même en intérim, car "on est au plein-emploi et c'est dur dans ces conditions de trouver un job" ! Vraiment ? J'ai manqué de temps pour entamer un débat avec elles, mais entendre des jeunes croire à un tel slogan politique me stupéfie ! Et si l'on ouvrait juste les yeux pour voir la réalité crue ?

 

P.S. L'image de ce billet provient de cet article de blog de la CGT Beaulieu.

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30 août 2022 2 30 /08 /août /2022 09:47

 

 

L'heure de la rentrée vient de sonner ! J'ai consacré la période estivale à des projets éditoriaux, de recherche et à la préparation de mes nouveaux cours d'économie, car cette année je serai enseignant-chercheur à la faculté de droit, économie, administration à Metz. J'ai tout de même pris le temps d'écrire cet été deux articles sur mon blog, l'un sur l'Utopie de Thomas More, dont les conclusions sont d'une grande actualité, et l'autre sur les outils microéconomiques utiles pour comprendre les politiques de lutte contre le tabagisme.

 

Vous l'aurez compris, cette année universitaire sera chargée et je vais donc réduire le nombre de conférences que je compte donner. Ainsi, après 13 années, j'ai mis en suspens la cafet'éco que j'ai créé il y a plus à l'Université Populaire de Sarreguemines (UPSC) ! Durant ces années, j'ai rencontré à la cafet'éco des auditeurs de tous horizons, grands débutants ou non, mais toujours désireux de mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons. Et très humblement, ma plus grande satisfaction est de constater qu'ils en ressortent avec une bonne compréhension des mécanismes économiques principaux.

 

Mais je n'abandonne pas pour autant mon fidèle public, puisque je donnerai à la place deux conférences (dates non fixées pour l'instant) sur le même modèle que les cours de cafet'éco. Il ne m'était juste pas possible de m'engager sur autant de dates à l'avance. Ainsi, ces interventions se feront dans une ambiance de travail décontractée et en rien scolaire : grâce au document récapitulatif que je fournirai, chacun pourra choisir de prendre quelques notes, participer en posant des questions, ou simplement écouter. Et les sujets ne manquent pas !

 

Aucun prérequis n'est nécessaire pour suivre ces deux conférences d'économie, indépendantes l'une de l'autre.

 

 

Renseignements auprès de l'UPSC :

 

Université Populaire Sarreguemines Confluences

Place Jeanne d'Arc

57200 Sarreguemines

  Tél : 03 87 09 39 81

Email : upsc@wanadoo.fr

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15 août 2022 1 15 /08 /août /2022 13:18

 

 

En cette période particulièrement chaude par rapport "aux valeurs normales de saison" (sic !), j'ai pris un peu de recul sur mon blog pour me consacrer à des projets éditoriaux, de recherche et à la préparation de mes nouveaux cours d'économie. J'aurai l'occasion de vous en dire plus bientôt, mais pour l'heure je profite de cette trêve estivale pour aborder sur mon blog des thèmes différents, à l'instar de mon article sur l'Utopie de Thomas More le mois dernier.

 

Juste avant les vacances, l'un de mes anciens étudiants m'a demandé comment la microéconomie pouvait expliquer les choix qui s'offrent au gouvernement pour lutter contre le tabagisme. Comme cette question me semble particulièrement importante, et qu'en plus elle permet de mettre en œuvre des outils économiques assez facilement compréhensibles, je me suis dit que ma réponse pouvait constituer un bon sujet d'article de blog.

 

Les chiffres du tabagisme en France

 

Dans cet article de Santé publique France, les auteurs montrent que la prévalence du tabagisme a diminué en France ces dernières années, avec la mise en place de plans nationaux de lutte contre le tabagisme. Le nombre de fumeurs quotidiens est ainsi passé de 28,5 % en 2014 à 24,0 % en 2019. Toutefois, ce chiffre resté élevé et s'accompagne de 75 000 décès par an en 2015, soit 13% des décès survenus en France métropolitaine !

 

 

[ Source : Consommation de tabac parmi les adultes en 2020 : résultats du Baromètre Santé publique France ]

 

Pour étudier les conséquences de la covid-19 et de son lot de confinements sur la prévalence du tabac, les auteurs se sont appuyés sur les données du Baromètre de Santé publique France, qui est une enquête téléphonique sur un échantillon aléatoire de 14 873 personnes adultes résidant en France métropolitaine. Menée entre janvier et mars, puis entre juin et juillet 2020, cette étude conclut que, en 2020, 31,8 % des répondants de 18-75 ans déclaraient fumer (31,8 %) et 25,5 % quotidiennement. Les auteurs ne notent pas de variation significative de la prévalence du tabac par rapport à 2019, sauf pour le premier tiers de la population dont les revenus sont les moins élevés, mais une stabilisation apparaît après le 1er confinement.

 

Quant au tabagisme des jeunes, il reste un défi majeur en France... et partout en Europe comme le montre le graphique ci-dessous !

Infographie: Le tabagisme chez les jeunes Européens | Statista Vous trouverez plus d'infographie sur Statista

Deux grandes orientations pour lutter contre le tabagisme

 

Le premier moyen de lutte contre le tabagisme est constitué par l'ensemble des mesures visant à réduire la quantité demandée de cigarettes pour tout niveau de prix (messages sur les paquets et prévention, interdiction de la publicité...). Les économistes disent qu'une telle politique publique vise à faire déplacer la courbe de demande vers la gauche sur le graphique ci-dessous :

 

 

L’autre moyen de lutte contre le tabagisme consiste à augmenter le prix du paquet de cigarettes, comme c'est le cas depuis de nombreuses années, afin d'inciter les consommateurs à réduire leur consommation de cigarettes. Les économistes disent qu'une telle politique publique vise à un déplacement le long de la courbe de demande, afin d'atteindre une consommation plus basse de cigarettes associée à un prix plus élevé.

 

 

Voilà comment des outils simples de la microéconomie permettent de bien comprendre les conséquences des choix de politique publique. Au reste, tout l'art de la politique (publique) consiste alors à combiner les deux moyens présentés ci-dessus, dans l'espoir de conjuguer les effets sur la prévalence du tabac. Mais le moins que l'on puisse dire au vu des chiffres ci-dessus, c'est qu'il reste encore beaucoup de travail !

 

P.S. L'image de ce billet provient de cette page du site https://solidarites-sante.gouv.fr

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25 juillet 2022 1 25 /07 /juillet /2022 11:31

L'été est toujours pour moi une période d'otium, surtout après cette année extrêmement chargée en matière de recherche universitaire. J'en profite donc pour m'aventurer sur d'autres chemins intellectuels. En particulier, je suis en train de préparer un cours d'histoire de la pensée économique et suis retombé sur une grande œuvre de Thomas More parue en 1516, que j'avais lue quelques années auparavant : Utopie. Construit sur le modèle des Dialogues de Platon, on y trouve une critique puissante des enclosures et plus généralement du système économique de son temps, puis une description d'une société idéale (Utopie) fondée hors de l'ordre marchand et sur la propriété collective des moyens de production.  Dans ce billet, je vous propose donc de nous intéresser au mouvement des enclosures sur la base de quelques extraits de l’œuvre de Thomas More (les pages citées font référence à l'édition de 1842 traduite du latin par Victor Stouvenel).

 

Thomas More

 

Comme de nombreux érudits de son époque, Thomas More (1478-1535) fut tout à la fois juriste, philosophe, théologien et même homme politique en Angleterre. Il est l'un des plus illustres représentants de l'humanisme anglais, mouvement d'idées de la Renaissance que le dictionnaire de l'Académie française définit comme "la redécouverte de la pensée antique et l’examen critique des textes grecs et latins". Son passage comme chancelier du roi Henri VIII lui vaudra bien des déboires, qui sont décrits de manière romancée dans un très beau film de 1966 avec Orson Welles : A Man for All Seasons. Il est vrai que sa mort par décapitation et sa béatification trois siècles plus tard ne pouvaient qu'inspirer le cinéma...

Les enclosures

 

Le mouvement des enclosures (clôture des terres), désigne les changements dans l’agriculture dans l’Angleterre entre la fin du XVIe siècle et le XVIIe siècle, qui ont consisté pour les grands propriétaires à poser des clôtures sur les parcelles de terre communales. Encouragée par les Enclosure Acts du parlement anglais dès le XIIIe siècle, cette transformation structurelle marque la fin des droits d'usage, en particulier des communaux dont un bon nombre de paysans dépendaient, et le passage à un « individualisme agraire » (Bloch, 1930).

 

La courte vidéo ci-dessous fait d'ailleurs le lien entre le mouvement des enclosures et l’œuvre de Thomas More :

Thomas More et les enclosures

 

Voici ce qu'écrit Thomas More au sujet des enclosures, de l’oisiveté, des voleurs, de la misère, etc. qui, je l'espère, vous donnera envie de lire l’œuvre en entier.

 

"Le hasard me fit rencontrer un jour, à la table de ce prélat, un laïque réputé très savant légiste. Cet homme, je ne sais à quel propos, se mit à combler de louanges la justice rigoureuse exercée contre les voleurs. Il racontait avec complaisance comment on les pendait çà et là par vingtaine au même gibet. Néanmoins, ajoutait-il, voyez quelle fatalité ! à peine si deux ou trois de ces brigands échappent à la potence, et l’Angleterre en fourmille de toutes parts.

 

Je dis alors, avec la liberté de parole que j’avais chez le cardinal :

 

— Cela n’a rien qui doive vous surprendre. Dans ce cas, la mort est une peine injuste et inutile ; elle est trop cruelle pour punir le vol, trop faible pour l’empêcher. Le simple vol ne mérite pas la potence, et le plus horrible supplice n’empêchera pas de voler celui qui n’a que ce moyen de ne pas mourir de faim. En cela, la justice d’Angleterre et de bien d’autres pays ressemble à ces mauvais maîtres qui battent leurs écoliers plutôt que de les instruire. Vous faites souffrir aux voleurs des tourments affreux ; ne vaudrait-il pas mieux assurer l’existence à tous les membres de la société, afin que personne ne se trouvât dans la nécessité de voler d’abord et de périr après ?

 

— La société y a pourvu, répliqua mon légiste ; l’industrie, l’agriculture, offrent au peuple une foule de moyens d’existence ; mais il y a des êtres qui préfèrent le crime au travail.

 

— C’est là où je vous attendais, répondis-je. Je ne parlerai pas de ceux qui reviennent des guerres civiles ou étrangères, le corps mutilé de blessures. Cependant combien de soldats, à la bataille de Cornouailles ou à la campagne de France, perdirent un ou plusieurs membres au service du roi et de la patrie ! Ces malheureux étaient devenus trop faibles pour exercer leur ancien métier, trop vieux pour en apprendre un nouveau. Mais laissons cela, les guerres ne se rallument qu’à de longs intervalles. Jetons les yeux sur ce qui se passe chaque jour autour de nous.

 

La principale cause de la misère publique, c’est le nombre excessif des nobles, frelons oisifs qui se nourrissent de la sueur et du travail d’autrui, et qui font cultiver leurs terres, en rasant leurs fermiers jusqu’au vif, pour augmenter leurs revenus ; ils ne connaissent pas d’autre économie. S’agit-il, au contraire, d’acheter un plaisir ? ils sont prodigues jusqu’à la folie et la mendicité. Ce qui n’est pas moins funeste, c’est qu’ils traînent à leur suite des troupeaux de valets fainéants, sans états et incapables de gagner leur vie.

 

Ces valets tombent-ils malades ou bien leur maître vient-il à mourir, on les met à la porte ; car on aime mieux les nourrir à ne rien faire que les nourrir malades, et souvent l’héritier du défunt n’est pas de suite en état d’entretenir la domesticité paternelle.

 

Voilà des gens exposés à mourir de faim, s’ils n’ont pas le cœur de voler. Ont-ils, en effet, d’autres ressources ? Tout en cherchant des places, ils usent leur santé et leurs habits ; et quand ils deviennent pâles de maladie et couverts de haillons, les nobles en ont horreur et dédaignent leurs services. Les paysans mêmes ne veulent pas les employer. Ils savent qu’un homme élevé mollement dans l’oisiveté et les délices, habitué à porter le cimeterre et le bouclier, à regarder fièrement le voisinage et à mépriser tout le monde ; ils savent qu’un tel homme est peu propre à manier la bêche et le hoyau, à travailler fidèlement, pour un mince salaire et une faible nourriture, au service d’un pauvre laboureur.

 

Là-dessus mon antagoniste répondit :

 

— C’est précisément cette classe d’hommes que l’État doit entretenir et multiplier avec le plus de soin. Il y a chez eux plus de courage et d’élévation dans l’âme que chez l’artisan et le laboureur. Ils sont plus grands et plus robustes ; et partant, ils constituent la force d’une armée, quand il s’agit de livrer bataille.

 

— Autant vaudrait dire, répliquai-je alors, qu’il faut, pour la gloire et le succès de vos armes, multiplier les voleurs. Car ces fainéants en sont une pépinière inépuisable. Et, de fait, les voleurs ne sont pas les plus mauvais soldats, et les soldats ne sont pas les plus timides voleurs ; il y a beaucoup d’analogie entre ces deux métiers. Malheureusement, cette plaie sociale n’est pas particulière à l’Angleterre ; elle ronge presque toutes les nations.

 

[...]

« De quelque manière que j’envisage la question, cette foule immense de gens oisifs me paraît inutile au pays, même dans l’hypothèse d’une guerre, que vous pourrez au reste éviter toutes les fois que vous le voudrez. Elle est, en outre, le fléau de la paix ; et la paix vaut bien qu’on s’occupe d’elle autant que de la guerre. La noblesse et la valetaille ne sont pas les seules causes des brigandages qui vous désolent ; il en est une autre exclusivement particulière à votre île.

 

— Et quelle est-elle ? dit le cardinal.

 

— Les troupeaux innombrables de moutons qui couvrent aujourd’hui toute l’Angleterre. Ces bêtes, si douces, si sobres partout ailleurs, sont chez vous tellement voraces et féroces qu’elles mangent même les hommes, et dépeuplent les campagnes, les maisons et les villages.

 

En effet, sur tous les points du royaume, où l’on recueille la laine la plus fine et la plus précieuse, accourent, pour se disputer le terrain, les nobles, les riches, et même de très saints abbés. Ces pauvres gens n’ont pas assez de leurs rentes, de leurs bénéfices, des revenus de leurs terres ; ils ne sont pas contents de vivre au sein de l’oisiveté et des plaisirs, à charge au public et sans profit pour l’État. Ils enlèvent de vastes terrains à la culture, les convertissent en pâturages, abattent les maisons, les villages, et n’y laissent que le temple, pour servir d’étable à leurs moutons. Ils changent en déserts les lieux les plus habités et les mieux cultivés. Ils craignent sans doute qu’il n’y ait pas assez de parcs et de forêts, et que le sol ne manque aux animaux sauvages.

 

Ainsi un avare affamé enferme des milliers d’arpents dans un même enclos ; et d’honnêtes cultivateurs sont chassés de leurs maisons, les uns par la fraude, les autres par la violence, les plus heureux par une suite de vexations et de tracasseries qui les forcent à vendre leurs propriétés. Et ces familles plus nombreuses que riches (car l’agriculture a besoin de beaucoup de bras), émigrent à travers les campagnes, maris et femmes, veuves et orphelins, pères et mères avec de petits enfants. Les malheureux fuient en pleurant le toit qui les a vus naître, le sol qui les a nourris, et ils ne trouvent pas où se réfugier. Alors, ils vendent à vil prix ce qu’ils ont pu emporter de leurs effets, marchandise dont la valeur est déjà bien peu de chose. Cette faible ressource épuisée, que leur reste-t-il ? Le vol, et puis la pendaison dans les formes.

 

Aiment-ils mieux traîner leur misère en mendiant ? on ne tarde pas à les jeter en prison comme vagabonds et gens sans aveu. Cependant, quel est leur crime ? C’est de ne trouver personne qui veuille accepter leurs services, quoiqu’ils les offrent avec le plus vif empressement. Et d’ailleurs, comment les employer ? Ils ne savent que travailler à la terre ; il n’y a donc rien à faire pour eux, là où il n’y a plus ni semailles ni moissons. Un seul pâtre ou vacher suffit maintenant à faire brouter cette terre, dont la culture exigeait autrefois des centaines de bras.

 

Un autre effet de ce fatal système, c’est une grande cherté de vivres, sur plusieurs points. Mais ce n’est pas tout. Depuis la multiplication des pâturages, une affreuse épizootie est venue tuer une immense quantité de moutons. Il semble que Dieu voulait punir l’avarice insatiable de vos accapareurs par cette hideuse mortalité, qu’il eût plus justement lancée sur leurs têtes. Alors, le prix des laines est monté si haut, que les plus pauvres des ouvriers drapiers ne peuvent pas maintenant en acheter. Et voilà encore une foule de gens sans ouvrage. Il est vrai que le nombre des moutons s’accroît rapidement tous les jours ; mais le prix n’en a pas baissé pour cela ; parce que si le commerce des laines n’est pas un monopole légal, il est en réalité concentré dans les mains de quelques riches accapareurs, que rien ne presse de vendre et qui ne vendent qu’à de gros bénéfices".

 

Que de leçons à méditer !

 

P.S. L'image de ce billet correspond à l'édition Folio Classique de 2012.

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27 juin 2022 1 27 /06 /juin /2022 13:01

 

 

Ces derniers mois, il a beaucoup été question de hausse des prix des matières premières, de stagflation et de baisse du pouvoir d'achat. Mais les tensions sur l'approvisionnement n'ont guère été évoquées que sur le court terme en lien avec la guerre en Ukraine, négligeant de la sorte les problématiques structurelles de souveraineté... Dans ce billet, nous allons donc faire un rapide tour d'horizon de l'approvisionnement de l'UE en matières premières (énergies, céréales et métaux).

 

L’approvisionnement en métaux

 

Les métaux et minerais (cuivre, lithium...) constituent une matière première indispensable à l'industrie européenne. Ils deviendront déterminants pour la transition écologique, puisque celle-ci s'accompagnera d'un besoin accru de silicium pour les panneaux photovoltaïques, de terres rares pour les véhicules électriques et d'un panel d'autres métaux (Lithium, nickel, cobalt...) pour les batteries du futur.

 

Hélas, comme le rappelle l'Agence internationale de l'énergie (IEA), durant la décennie 2030-2040, l'offre disponible au sein de l'UE ne devrait guère en mesure de répondre à cette forte demande. D'où une intensification des importations, qui créera des tensions sur les prix (déjà visible à court terme pour le nickel avec la guerre en Ukraine), des luttes commerciales et creusera le déficit de la balance commerciale. Cela ne manquera pas de soulever aussi des questions environnementales et sociales, dans la mesure où ces matières premières proviennent essentiellement de pays plus ou moins regardant sur les conditions d'extraction. 

Infographie: La Chine détient plus du tiers des stocks de terres rares | Statista Vous trouverez plus d'infographie sur Statista

Il reste alors les filières de recyclage, dont les gouvernements attendent beaucoup, peut-être un peu trop au vu des faibles investissements actuels et des prix pratiqués.

 

L'approvisionnement en énergie

 

J'avais déjà un peu abordé le sujet dans un précédent article, dont il faut retenir la suprématie de l'OPEP du côté de l'offre :

Statistique: Production de pétrole dans les pays sélectionnés en 2006 et 2018 (en milliers de barils par jour) | Statista
Trouver plus de statistiques sur Statista

Les sanctions internationales contre la Russie, qui est dans le peloton de tête des pays producteurs de pétrole, ne peuvent qu'ajouter de l'incertitude sur la production mondiale et son prix. En ce qui concerne le gaz, la Russie possède la plus grande part des réserves mondiales (environ 20 %) et occupe le deuxième rang mondial dans la production :

 

 

[ Source : BP ]

 

L’UE cherche depuis quelques mois à diversifier ses approvisionnements, mais les choses sont ce qu'elles sont : la dépendance au gaz russe est très importante, notamment pour les PECO ! Et maintenant que l'Algérie est en froid avec l'Espagne sur l'éternelle question du Sahara occidental, le soutien de l'UE à Madrid risque de compliquer quelque peu les négociations. Quant au gaz naturel liquéfié (GNL), il faut des années pour mettre en œuvre des infrastructures adéquates et signer  de gros contrats. Or, comble de malchance, l’incendie d'un terminal aux États-Unis pèse lourdement sur l’approvisionnement et les prix du GNL aux États-Unis... Rien d'étonnant dans ces conditions que les énergéticiens se tournent vers le gaz de schiste, au péril de porter l'estocade aux ambitions gouvernementales de transformation énergétique.

 

Et la récente tribune commune de la directrice générale d’Engie, du PDG d’EDF et du PDG de TotalEnergies en dit long sur la crise qui se prépare mais que les cigales ne veulent pas voir durant les vacances. Face aux baisses de livraison de gaz russe, aux hausses de prix, aux difficultés réelles à diversifier les approvisionnements, aux tensions sur le système électrique et au niveau faible des stocks de gaz à l'échelle européenne (et j'en passe...), les trois patrons appellent "à une prise de conscience et à une action collective et individuelle pour que chacun d’entre nous – chaque consommateur, chaque entreprise – change ses comportements et limite immédiatement ses consommations énergétiques, électriques, gazières et de produits pétroliers".

 

L'approvisionnement en céréales

 

Là aussi, la guerre en Ukraine a servi de révélateur. Ainsi, pour 2022-2023, l'Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) prévoit une contraction à l'échelle mondiale de la production, de l’utilisation, des stocks et du commerce des céréales : "D’après les premières prévisions de la FAO concernant la production mondiale de céréales en 2022 et de son utilisation en 2022-2023, la production céréalière ne serait pas suffisante pour satisfaire les besoins d’utilisation escomptés [...]". On peut donc redouter des crises et famines dans certaines régions du monde, qui résulteront de ces pénuries...

 

En ce qui concerne l'UE, l’Ukraine et la Russie assurent plus d'un tiers des importations. Et les sanctions internationales contre la Russie et les blocages de ports ukrainiens par les Russes compliquent sérieusement les transports internationaux de blé. 

Infographie: La guerre en Ukraine impacte durement le marché du blé | Statista Vous trouverez plus d'infographie sur Statista

Comme on peut le lire sur le site de la Commission européenne, l'UE est l'un des plus grands producteurs et négociants de céréales au monde, et exporte chaque année environ 20 % de sa production de blé et importe de grandes quantités d’oléagineux, d’aliments pour animaux et de riz. Dans le détail, la production céréalière de l'UE se compose comme suit :

 

 

[ Source : Passion Céréales ]

 

Cela soulève bien entendu la question de la souveraineté alimentaire, qui curieusement est toujours mise sous le boisseau, comme si l'immense production céréalière de l'UE assurait nécessairement un égal accès de chaque Européen à ces matières premières et aux produits transformés en découlant. Et avec le changement climatique, il n'est pas certain qu'à l'horizon 2030-2040 la production de céréales au sein de l'UE soit toujours à ce niveau. Ce d'autant plus que nous risquons d'assister à une reconfiguration/partition de l'UE lorsque la guerre en Ukraine prendra fin.

 

En définitive, l’approvisionnement en matières premières de l'UE soulève de redoutables questions de souveraineté... et de survie !

 

P.S. L'image de ce billet provient de cet article du site African Manager.

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20 juin 2022 1 20 /06 /juin /2022 15:29

Après la séquence électorale des présidentielles, qui n'aura permis d'aborder en détail aucun véritable sujet en dehors du pouvoir d'achat, l'on pouvait craindre que les réformes se poursuivent bon train avec ou sans l'assentiment d'une majorité de Français. Or, les résultats des élections législatives semblent avoir donné un coup de semonce à la stratégie gouvernementale de casse sociale. Du moins peut-on espérer que l’exécutif aura pris conscience du mécontentement évident, qui se manifeste d'abord par l'abstention, puis par le nombre important d'élus issus des deux extrêmes de l'échiquier politique. Parmi les réformes désormais en suspens, celle des retraites mérite que l'on s'y attarde un peu, dans la mesure où il est question d'augmenter de trois ans l'âge de départ légal à la retraite...

 

La situation actuelle

 

La version alarmiste est celle que certains médias nous serinent à longueur de journée et de journal :

Or, dans son rapport de 2021, le Conseil d'Orientation des Retraites (COR)  note que la "forte dégradation du déficit serait de nature essentiellement conjoncturelle" et que "la part des dépenses de retraite baisserait à long terme malgré le vieillissement de la population française".  Il est vrai que les réformes précédentes ont tout fait pour aboutir à ce résultat...

 

 

[ Source : Rapport COR 2021 ]

 

Quelle urgence y a-t-il donc à réformer le système des retraites ?

 

Une réforme politique néolibérale

 

Cette réforme fait le pari que l’augmentation de l’âge de départ à la retraite à 65 ans s’accompagnera nécessairement d’une hausse du taux d’emploi des seniors. Or, faut-il rappeler qu’à peine la moitié des 55-64 ans sont en emploi ? Pour eux, la réforme des retraites sera synonyme de prolongement de la précarité voire de la pauvreté. Et l'on ne parle même pas de leurs conditions de travail, surtout dans des secteurs réputés pour leur pénibilité. Quant au nombre d'années passées en bonne santé à la retraite, le COR s'y intéresse mais visiblement pas le gouvernement...

 

Alors quel est le motif principal de cette réforme ? Plutôt qu'un long discours, voici la réponse de Daniel Cohen :

Ainsi, la réforme des retraites, selon Daniel Cohen, est avant tout politique et ne relève pas d'un impératif économique. Il rejoint en cela les excellents travaux de l'économiste Michaël Zemmour. Accroché à l'idéologie néolibérale, Emmanuel Macron s'est pourtant persuadé que la baisse des dépenses publiques est un objectif en soi. Exit donc le débat d'idées sur la nature et l'efficacité des dépenses publiques, place à l'État minimal au service du secteur privé et en particulier de la start-up nation !

 

Or, outre que cette vision de l'économie s'est écrasée sur le mur de la réalité lors de la pandémie (en sommes-nous sortis du reste ?), elle conduit à couper toujours plus de services publics indispensables à la cohésion sociale, à la santé, à la transition écologique, etc.  J'invite le lecteur intéressé à (re)lire mon article sur les dépenses publiques pour comprendre les tenants et aboutissants de ce débat.

 

Vers un appauvrissement des retraités

 

Le rapport du COR cité plus haut, qui fait autorité, affirme clairement que "malgré cette évolution démographique défavorable, les dépenses de retraites en pourcentage du PIB diminueraient du fait de la baisse de la pension moyenne rapportée aux revenus d’activité : la pension continuerait de croître en euros constants, mais moins vite que les revenus". Bref, le système se rééquilibrera sur le plan financier à la faveur d'un appauvrissement relatif des retraités par rapport au reste de la population.

 

 

[ Source : Rapport COR 2021 ]

 

En définitive, la réforme des retraites est en passe devenir le marqueur de l'idéologie néolibérale à la française, qui vise la réduction des dépenses publiques "quoi qu'il en coûte" !

 

P.S. L'image de ce billet provient de cet article de Filpac CGT.

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6 juin 2022 1 06 /06 /juin /2022 12:43

 

 

Ces derniers temps, j'ai plusieurs fois évoqué le pouvoir d'achat dans mes articles. Derrière cette question se cache aussi celle des inégalités, mais également de la pauvreté... et de la richesse ! Or, s'il existe une définition communément admise de la pauvreté monétaire, il n'en va pas de même du seuil de richesse en France. C'est à ce manque statistique que l'Observatoire des inégalités a tenté d'apporter une réponse. Dès lors, après avoir rappelé comment se calcule le seuil de pauvreté monétaire, nous verrons qu'il est également possible de fixer, à l'exemple de l'Allemagne, un seuil de richesse.

 

Le seuil de pauvreté monétaire

 

C'est certainement l'indicateur le plus connu, mais qui présente le défaut majeur de réduire la pauvreté à un simple seuil chiffré. Un individu est en effet considéré comme pauvre, au sens monétaire, lorsqu'il vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté, généralement fixé à 60 % de la médiane des niveaux de vie. L’intensité de la pauvreté permet, quant à elle, d’apprécier à quel point le niveau de vie de la population pauvre est éloigné du seuil de pauvreté en mesurant l’écart relatif entre le niveau de vie médian de la population pauvre et le seuil de pauvreté.

 

À la date de l'enquête, en 2018, la moitié des personnes vivant dans un ménage de France métropolitaine ont un niveau de vie inférieur à 1 771 euros par mois (niveau de vie médian). D'où, un seuil de pauvreté monétaire à 60 % x 1 771 = 1063 euros. En 2018, 14,8 % des personnes habitant en logement ordinaire vivent au‑dessous du seuil de pauvreté en France métropolitaine, soit 9,3 millions de personnes.

 

 

[ Source : Revenu et patrimoine des ménages 2021 - Insee ]

 

Et sans la redistribution, le taux de pauvreté monétaire serait bien plus important :

 

 

[ Source : Revenu et patrimoine des ménages 2021 - Insee ]

 

Le seuil de richesse monétaire

 

Dans la seconde édition de son Rapport sur les riches en France, l'Observatoire des inégalités constate que si le mot pauvreté est facilement utilisé dans les débats publics, le mot riche semble être associé à une certaine gêne. L'avantage des chiffrages monétaires est alors de permettre une forme d'objectivation d'une réalité sociale. C'est pourquoi les auteurs du rapport proposent de "fixer un seuil de richesse équivalent au double du niveau de vie médian, soit 3 673 euros par mois pour une personne seule ou 5 500 euros pour un couple, après impôts". Sur cette base, 4,5 millions de personnes, représentant 7 % de la population, sont riches.

 

Bien entendu, il existe dans ce groupe des riches des sous-groupes dont les revenus sont stratosphériques. C'est ce qui fait d'emblée dire à certains que 3 673 euros par mois ne correspond pas à un seuil de richesse, mais juste d'aisance matérielle. Tout l'intérêt d'un tel seuil est avant tout de donner une base de travail statistique sérieuse sur la répartition des salaires et des revenus en France. Ceci afin d'éviter de focaliser le débat sur le 1 % de très riches et de sortir des fantasmes sur le prétendu vendeur dans une grande enseigne d’électroménager qui gagnerait 3 000 euros par mois...

 

Ci-dessous, voici d'ailleurs la répartition des revenus disponibles des ménages en 2018 :

 

 

[ Source : Revenu et patrimoine des ménages 2021 - Insee ]

 

Bien entendu, le rapport ne cache pas les limites de son étude, qui tient notamment à des données statistiques de l'Insee par trop lacunaires sur les revenus du patrimoine. Par ailleurs, une fois fixé un tel seuil, il devient essentiel d'étudier la composition d'éventuelles classes sociales au sein des 7 % les plus riches : lieu de vie, niveau d'étude, type d'emploi, âge, etc.

 

En effet, les auteurs sont conscients que vivre avec un revenu de 4 000 euros ne signifie pas la même chose dans le 16e arrondissement de Paris ou dans une petite ville du Limousin. Ce d'autant plus que l’accession à la propriété est, a priori, quasiment impossible dans le premier cas (sauf héritage ou gain au loto) et plutôt facile dans le second. Au reste, être propriétaire de son logement ou ne pas l'être fait une réelle différence comme chacun le sait... Comme le rappelle Thomas Piketty, le patrimoine a gonflé de manière formidable durant les 15 dernières années.

 

Ce rapport a donc le mérite de soulever une foultitude de questions à un moment où les puissants stigmatisent trop facilement la prétendue mauvaise volonté des pauvres à trouver un emploi, tout en justifiant par des arguments improbables les rémunérations indécentes que se versent les très riches. Tout cela démontre au demeurant que lorsque l'économie se désencastre de la sphère sociale (cf. Karl Polanyi), cela débouche inévitablement sur un délitement de la société !

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30 mai 2022 1 30 /05 /mai /2022 13:30

 

 

Avant la guerre en Ukraine, un journaliste me demandait si le dollar pouvait perdre sa place prédominante au profit de l'euro. Cela m'a semblé un bon point de départ pour rappeler quelques faits (déjà souvent abordés sur mon blog) sur le "privilège exorbitant du dollar", qui est à la fois économique et politique.

 

Le dollar comme monnaie internationale

 

Malgré l'estocade portée par Richard Nixon au système monétaire international issu de Bretton Woods en 1971, le dollar a conservé sa place dominante dans les opérations commerciales et financières mondiales :

 

 

[ Source : IFRI ]

 

Et même si la part des réserves de change en devises libellées en dollar est en baisse depuis les années 1970, où elle atteignait 80 %, le dollar demeure qu'on le veuille ou non la principale monnaie de réserve :

Infographie: Le dollar reste la reine des monnaies | Statista Vous trouverez plus d'infographie sur Statista

Le privilège exorbitant du dollar

 

Alors ministre de l'Économie et des Finances, Valéry Giscard d'Estaing déplorait en 1964 le "pouvoir exorbitant du dollar", qui permettait - et permet toujours ! - aux États-Unis de s'endetter à des niveaux stratosphériques sans risquer (jusque-là) de crise. Le général de Gaulle ne disait pas autre chose en 1965, même si l'idée de revenir à une forme d'étalon-or n'était pas une bonne idée comme je l'ai expliqué dans ce billet :

Barry Eichengreen, professeur d'économie et de science politique à l'université Berkeley, a repris cette question dans un livre passionnant intitulé Un privilège exorbitant. Il y explique outre ce que je viens de rappeler plus haut, que le dollar permet in fine aux ménages américains de vivre structurellement au-dessus de leurs moyens, parce que les investisseurs du monde entier sont friands de titres de dettes libellés en dollars !

 

En particulier, les États-Unis fournissent au reste du Monde une dette sans risque, sous forme de Treasury Bond (bons du Trésor) :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

En définitive, d’aucuns affirment qu'au vu des conditions actuelles, le dollar devrait perdre son statut de monnaie de réserve internationale conformément au célèbre dilemme de Triffin : les États-Unis abusent de ce rôle du dollar pour s'endetter excessivement avec très peu d'épargne, ce qui dégrade à terme la qualité de la monnaie et conduit à la perte de son hégémonie.

 

Or, depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, il ne fait plus aucun doute que les pays membres de l'OTAN cherchent l'appui des États-Unis (le "parapluie américain") et non celui de l'UE, quand bien même Emmanuel Macron s'acharne-t-il à apparaître comme le sauveur européen. De facto, cela assure aux États-Unis une suprématie politico-économique, qu'il devient difficile de contester en ces temps troubles... Ainsi, le dollar demeurera, encore pour un moment, la devise clé des échanges internationaux, surtout depuis que les échanges bancaires via SWIFT ont été passablement secoués...

 

Quant à l'euro, pour qu'il puisse un jour subvertir la domination du dollar, encore faudrait-il qu'il existe une dette publique unique pour l'ensemble de la zone euro. Une proposition complexe, mais astucieuse, vient notamment d'être faite par Massimo Amato dans une tribune du Monde.

 

Certes, les cryptomonnaies du type Bitcoin, Ethereum sont en embuscade pour détrôner le dollar, mais les questions qu'elles soulèvent sont encore suffisamment nombreuses et complexes (volatilité, opacité, sécurité...) pour en limiter l'adoption à très grande échelle. En revanche, les monnaies numériques de Banques centrales ne manqueront pas de faire parler d'elles dans la course à la suprématie monétaire mondiale, la Chine ayant pris une bonne longueur d'avance avec son e-yuan. J'aurai d'ailleurs l'occasion d'y revenir dans un prochain billet.

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23 mai 2022 1 23 /05 /mai /2022 13:23

 

 

Alors que des millions de personnes en France s'inquiètent pour leur pouvoir d'achat en raison notamment de l'inflation, d'autres semblent bien plus préoccupées par la valeur de leur patrimoine boursier. Il est vrai que ces dernières semaines les marchés financiers ont montré des signes d'inquiétudes, qui dépassent de loin les mauvaises nouvelles économiques. D'aucuns se demandent dès lors s'il s'agit d'une simple correction des cours faisant suite à l'euphorie des années précédentes ou s'il faut craindre un krach... Je n'ai pas la prétention de lire dans les astres boursiers, mais il est tout de même possible d'évoquer quelques éléments de réflexion.

 

Évolution des cours boursiers

 

Le moins que l'on puisse dire est qu'il y a eu ces dernières semaines une correction des cours par rapport aux sommets atteints au début de l'année 2022 :

 

 

[ Source : Boursorama.com ]

 

Dans le détail, la chute des cours au début du mois de mars a donné des sueurs froides à bon nombre d'investisseurs en herbe. Après une reprise éclair que certains médias adorent commenter en long et en large, l'on assiste à une nouvelle baisse prononcée depuis le mois de mai. Pourtant, les résultats économiques des grands groupes ont été plus que bons dans le contexte actuel, c'est pourquoi les analystes financiers ont commencé à vendre un gloubi-boulga d'explications composé d'inflation, de risque géopolitique, etc. Loin de moi l'idée de contester que ces éléments ont leur importance, mais il me semble simpliste de rapporter l'évolution des cours de Bourse aux seules variables économiques. Qui peut en effet encore croire que l'évolution de la Bourse est le seul reflet de l'économie réelle ?

 

Les politiques économiques au chevet des cours boursiers

 

Disons-le tout net : voilà longtemps que les cours boursiers ne reflètent plus uniquement les fondamentaux des sociétés cotées ! Sinon, comment expliquer l'absence de krach lors du déclenchement de la pandémie, d'autant que peu ou prou l'ensemble de la planète fut mise sous cloche ? N'oublions pas que les États ont volé toutes ailes déployées au secours des entreprises et surtout des marchés financiers, de peur d'assister au krach ultime. Et les Banques centrales ne furent pas en reste, menant des politiques monétaires ultra-expansionnistes comme nous n'en avions jamais vu en temps de paix, tant et si bien que l'hypertrophie financière continue de plus belle.

 

L'un dans l'autre, les marchés financiers ont été gavés de liquidités et les investisseurs ont ainsi bénéficié d'un filet de sécurité implicite. À tel point que nombre d'économistes se sont demandé si l'un des objectifs principaux des banques centrales n'était pas d'assurer la rentabilité des actifs ou à tout le moins le non-recul brutal des cours.

 

Vers un krach ?

 

Dans la courte vidéo ci-dessous, Olivier Passet soulève la question en rappelant la "multiplicité des chocs exogènes défavorables mais temporaires qui s’abattent sur l’économie : guerre, montée des incertitudes, baisse des anticipations de croissance, inflation etc.".

Au fond, la question n'est peut-être même pas de savoir si ce big krach arrivera, mais quand et sous quelle forme (krach boursier, éclatement de la bulle obligataire, défauts massifs sur les emprunts publics et surtout privés...). Or, l'histoire financière est jonchée des cadavres (entre autres financiers) de ces purges sur les marchés financiers, comme le montre avec brio Charles Kindleberger dans un livre de 1978. Les travaux de Shiller et son célèbre PER mérite de ce point de vue toute notre attention, si l'on veut comprendre l'ampleur de la correction à venir.

 

À n'en pas douter, l'incertitude demeurera élevée dans les semaines à venir tant sur le plan économique que politique, d'où une volatilité accrue sur les Bourses. Ceux qui s'imaginent trouver un viatique dans les cryptomonnaies en sont également pour leurs frais depuis la panique Terra Luna. Le plus triste dans tout cela, c'est qu'à force de concentrer leurs efforts au sauvetage des marchés financiers, les dirigeants politiques perdent de vue les souffrances des acteurs de l'économie réelle (ménages, artisans, petits entrepreneurs, associations...), qui luttent pourtant de toute leur force pour se sortir de l'ornière !

 

P.S. L'image de ce billet provient de cet article du site Capital.fr

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