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16 novembre 2016 3 16 /11 /novembre /2016 11:27

 

 

Après le grand succès de ma conférence d'hier soir à l'UPT de Forbach, je retourne à l'écriture pour vous proposer un article sur les États-Unis. En effet, si le Brexit au mois de juin fut un choc pour de nombreux commentateurs, voilà qu'un nouveau séisme politique vient de secouer planète mondialisation heureuse : Donald Trump va devenir le 45e président des États-Unis d'Amérique !

 

Qui est Donald Trump

 

Difficile de ne pas avoir un jour entendu parler des frasques de Donald Trump, tant elles sont nombreuses depuis trois décennies ! Mais plutôt qu'un long discours, voici un résumé en vidéo :

 

 

Un bref état des lieux économique aux États-Unis

 

Durant la campagne très acrimonieuse qui s'est déroulée aux États-Unis, les deux candidats ont fait assaut de propositions pour convaincre les électeurs qu'ils oeuvreraient en faveur des laissés-pour-compte de la première puissance mondiale. Il est vrai que le seul tableau suivant en dit long sur la mondialisation malheureuse que subit une immense majorité d'Américains (pour agrandir, clique-droit sur l'image et choisissez "afficher l'image") :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Ce tableau nous montre en effet qu'une majorité d'Américains connaît une stagnation ou un recul du revenu réel depuis le début des années 1990. Pire, si on regarde le haut de la distribution, ce sont 85 % de la hausse des revenus entre 2009 et 2013 qui ont été captés par le 1 % les plus riches...

 

L'un dans l'autre, le taux de pauvreté mesuré par le Census Bureau atteint 15,5 % de la population en 2015, soit une augmentation de 2 points depuis 2013 ! Ainsi, le nombre d'Américains qui se nourrissent grâce aux bons alimentaires a quasiment doublé depuis le déclenchement de la crise pour atteindre 43 millions, soit 13 % de la population ! Quant aux inégalités de patrimoine elles sont criantes : 10 % des ménages détiennent près de 75 % du patrimoine américain !

 

De plus, à l'instar de ce qui est en train de se produire en Europe, les États-Unis font face à la destruction des emplois intermédiaires, que certains appellent aussi de manière évocatrice la malédiction des classes moyennes. Il s'agit en fait d'une disparition des emplois intermédiaires accompagnée d'une concentration des emplois aux extrémités (emplois peu qualifiés et emplois très qualifiés), c'est-à-dire à une bipolarisation du marché du travail, que le développement des outils numériques ne fait qu'accélérer. Vous avez dit american dream ? Je dirais plutôt chimère...

 

En ce qui concerne l'emploi dans le secteur manufacturier, qui traditionnellement offre des conditions de revenus bien meilleures, il est lui aussi en perte de vitesse depuis 20 ans même si la valeur ajoutée du secteur se maintient, comme le montre le graphique suivant :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

La désindustrialisation, que d'aucuns attribuent peut-être un peu vite à la concurrence des pays émergents (la Chine étant nommément visée par Trump), conduit quant à elle à un déficit commercial structurel :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Et en ce qui concerne la dette publique, qui pèse désormais plus de 19 000 milliards de dollars, il reste du travail pour la faire baisser en pourcentage du PIB... Vous remarquerez au passage qu'en France, alors que le thème de la dette publique polluait les campagnes électorales précédentes, il ne semble plus être une priorité pour 2017.

 

 

[ Source : http://www.tradingeconomics.com ]

 

Face à un tel constat, une croissance assez soutenue et surtout un taux de chômage très faible (<5 % de la population active) apparaissent comme de beaux chiffres que les politiciens mettent en avant dans les médias, mais qui dissimulent de plus en plus mal la réalité vécue par tant de millions de ménages et d'entreprises.

 

Comment pourrait-il en être autrement lorsque sait que ce plein-emploi tant vanté est associé à un taux d’emploi (rapport entre les personnes en emploi et la population active) toujours inférieur à celui d'avant la crise et surtout à un taux de participation (rapport entre la population active et la population en âge de travailler) très bas, ce qui signifie que de nombreux travailleurs se découragent et quittent le marché de l'emploi. Et ceux qui ont encore un emploi témoignent année après année d'une peur grandissante du déclassement.

 

Rien d'étonnant donc à ce que lassés des promesses de vie meilleure qui ne dépassent jamais la rampe de lancement électorale, tant d'électeurs américains aient décidé de donner leur voix à Donald Trump, le candidat déclaré de l'anti-establishment.

 

Le programme global de campagne de Trump

 

[ Source : Ouest France ]

 

La démondialisation selon Trump

 

Au vu du bref état des lieux économique que nous avons fait ci-dessus, on comprend que la tentation protectionniste fut partie intégrante du programme de Donald Trump qui, à l'image d'Hillary Clinton, ne voit pas d'un bon oeil les actuelles négociations de traités commerciaux internationaux (TPP, TTIP). Avec son accession à la magistrature suprême et le pouvoir important dont dispose le président des États-Unis en matière de diplomatie et plus généralement dans les affaires extérieures au nom des intérêts stratégiques du pays, je pense que ces grands traités de libre-échange sont probablement condamnés.

 

Mais Trump compte aussi réviser l'ALENA, c'est-à-dire le traité de libre-échange signé en 1994 avec la Canada et le Mexique. Or, s'il est aujourd'hui bien documenté que l'ALENA est très loin d'avoir apporté les millions d'emplois promis à l'époque par Bill Clinton, il n'en demeure pas moins qu'une remise en cause de l'accord pourrait déstructurer les chaînes de production et de donc de valeur qui se sont développées entre ces trois pays.

 

Quoi qu'il en soit, renégocier des traités est une opération au long cours, qui risque de lui prendre tout son mandat... Peut-être cette prise de conscience des embûches qui l'attendent explique-t-elle son revirement sur le Traité climatique de Paris, lui qui s'était prononcé pour un abandon pur et simple des objectifs de réduction d'émissions de CO2 avant de se raviser.

 

Pour en revenir au commerce international, si le déficit extérieur vis-à-vis des pays émergents s'est aggravé depuis 20 ans, il ne s'agit pas non plus d'une dégradation abyssale, tant s'en faut ! Surtout, il faut remarquer qu'il y a une très faible substituabilité entre importations et production domestique aux États-Unis, car certaines industries n'existent tout simplement plus dans le pays. D'où la très mauvaise idée en l'état actuel des choses de pratiquer un protectionnisme trop fort ou une dépréciation exagérée du dollar, puisque cela n'aurait pour seul résultat concret que d'augmenter le prix des importations et donc d'amputer le pouvoir d'achat déjà passablement écorné des ménages américains et partant la croissance des États-Unis. C'est pourtant un point cardinal des trumponomics !

 

Quant à l'immigration, que Donald Trump voue aux gémonies au point d'évoquer la construction d'un mur entre son pays et le Mexique, celle-ci est en effet très importante mais toutes les études confirment qu'elle contribue substantiellement à la croissance :

 

 

[ Source : Population survey ]

 

Les mesures fiscales de Trump

 

Un petit résumé du programme économique encore très flou de Trump en image, mélange peu subtil de courbe de Laffer, de théorie keynésienne et de beaucoup d'incantations :

 

 

[ Source : Le Figaro ]

 

La fiscalité plus indubitablement un des thèmes phares de sa campagne avec les questions étrangères. Dans son programme de campagne, il proposait une baisse d'impôt généralisée de 4 400 milliards de dollars sur dix ans :

 

 * pour les ménages : suppression de l'impôt pour la tranche basse, trois tranches d'imposition au lieu de 7, diminution du taux d’imposition marginal de 39,6 % à 33 %, suppression de l’impôt sur les successions, réduction de la taxation des plus-values mobilières, réductions d'impôts ciblées, etc.

 

 * pour les entreprises : taux d'IS ramené de 35 à 15 %, clémence pour les fonds rapatrier depuis les paradis fiscaux et l'étranger qui ne seraient taxés qu'à 10 %,

 

J'imagine la tête du déficit public et de la dette publique à mi-mandat, et je ne pense pas m'avancer trop en affirmant que Trump risque de déchanter de ce côté comme Reagan avant lui.

 

Conjugué à cette baisse massive d'impôts, Trump souhaite également lancer un vaste programme de relance keynésienne en construisant ou rénovant des infrastructures à hauteur de 1 000 milliards de dollars sur dix ans, financées par des partenariats public-privé et des investissements privés obtenus par incitation fiscale. Les dépenses publiques seraient également abaissées, à l'exception des programmes militaires et sociaux. Quant à la Sécurité sociale voulue et obtenue de haute lutte par Obama, il semble qu'elle vit ses dernières heures, car Trump a annoncé vouloir supprimer au plus vite l'Obamacare, pour revenir à un système privé subventionné par l'État. À moins qu'il ne se contente de "l'amender" pour reprendre ses dernières déclarations à ce sujet...

 

Et contrairement à ce que certains médias laissaient penser, il n'y a pas eu de tempête sur les marchés financiers. Comment pourrait-il en être autrement, puisque Donald Trump est un pur produit du capitalisme débridé aux États-Unis, qui a même évoqué la remise en cause de la régulation financière - la célèbre loi Dodd-Frank dont j'avais parlé dans ce billet - pourtant bâtie à grand-peine depuis la crise des subprimes ? À défaut de croissance durable bâtie sur l'industrie et un salariat traité avec dignité, Trump propose le retour au dangereux modèle de croissance par la dérégulation financière et l'endettement, qui a conduit à la grande récession de 2008.

 

Au reste, même la Banque centrale américaine (Fed) redoute Trump, qui pourrait remettre partiellement en cause son indépendance par un changement de statuts ou à tout le moins une réduction de ses marges de manoeuvre dans la conduite de la politique monétaire.

 

Et si tout simplement les problèmes économiques des États-Unis venaient des États-Unis ? En effet, les salariés sont peu protégés aux États-Unis et ont donc peu de pouvoir dans les négociations salariales (d'où la stagnation des revenus vue plus haut), la formation universitaire devient hors prix, la précarisation (flexibilité ?) de l'emploi gagne du terrain mais s'appelle encore progrès pour certains, etc.

 

Mais à force d'avoir vanté les mérites d'une mondialisation qui a pourtant fait tant de perdants dans la classe moyenne, et après une crise terrible en 2008 due à la libéralisation des marchés financiers qui aura surtout permis à une infime minorité de se remplir les poches en laissant à l'immense majorité le droit de déblayer les cendres, on ne peut reprocher aux électeurs américains d'avoir crié dans les urnes leur volonté de changement, que les élites sourdent n'entendent plus !

 

En définitive, c'est une période d'incertitude majeure qui s'ouvre en économie, d'autant que les Républicains détiennent désormais toutes les clés du pouvoir depuis la Maison blanche jusqu'au Congrès...

 

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14 novembre 2016 1 14 /11 /novembre /2016 12:53

 

Dans mon précédent billet, je vous avais annoncé ma conférence qui aura lieu à l'UPT de Forbach ce mardi 15 novembre à 19h. Le Républicain Lorrain vient par ailleurs de l'annoncer dans ses colonnes :

 

 

Cette conférence ne nécessite aucune connaissance préalable et s’adresse à tous. De nombreux points seront abordés sans langue de bois, comme le Brexit, le fédéralisme européen, la crise migratoire, l’aveuglement des élites, l’extrême fragilité du système bancaire, le chômage, etc.

 

L’entrée est fixée à 5€ pour les personnes non inscrites au cycle de conférences économiques de l’UPT.

 

Renseignements et inscriptions auprès de l’UPT :

 

15 rue du Parc

57600 Forbach

  Tél : 03 87 84 59 67

Email : upt.vhs@wanadoo.fr

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9 novembre 2016 3 09 /11 /novembre /2016 16:20

 

 

Dans la série l'Union européenne se porte mal, j'ai rédigé récemment de nombreux billets : l'absence de circulation des capitaux entre pays de la zone euro, les scandales en cascade à la Commission, la crise bancaire imminente, la réalité du travail détaché au sein de l'UE et les conséquences du passage à une économie de service. Et je les complète par une conférence-débat qui aura lieu à l'UPT de Forbach, le mardi 15 novembre à 19h.


En effet, il apparaît désormais clairement que l’Union européenne est au bord du gouffre, et le référendum au Royaume-Uni aura surtout mis en lumière les fractures économiques, sociales et politiques qui n’ont cessé de s’amplifier depuis une décennie au sein de l’Europe : chômage endémique dans certains pays mais précarisation de l’emploi pour tous, évasion fiscale pour les uns et hausse des impôts pour les autres, concurrence qui loin d’être saine prend désormais la forme d’une compétition à mort entre les entreprises et même les États, etc.

 

L’Europe économique, à défaut d’être politique, semble donc dans l’incapacité de répondre aux principales préoccupations des citoyens. D’où la multiplication des discours lénifiants notamment sur la mondialisation heureuse, le vivre-ensemble, le multiculturalisme et la nécessité d’être compétitif pour sauver des emplois, qui sont autant de moyens de cacher temporairement une réalité dérangeante et une crise imminente.

 

C’est précisément pour analyser ces problèmes politiques, économiques et sociaux que l’Europe n’ose plus regarder en face, que je propose une conférence grand public à l’Université Populaire Transfrontalière (UPT) de Forbach, le mardi 15 novembre à 19h, intitulée L’Europe est-elle assise sur une bombe à retardement ? De nombreux points seront abordés sans langue de bois, comme le Brexit, le fédéralisme européen, la crise migratoire, l’aveuglement des élites, l’extrême fragilité du système bancaire, le chômage, etc.

[ Clique-droit sur l'affiche puis "afficher" pour agrandir ]

 

La présentation se veut accessible à tous et ne nécessite aucune connaissance préalable. Toutes les questions seront les bienvenues à la suite de la présentation. L’entrée est fixée à 5€ pour les personnes non inscrites au cycle de conférences économiques de l’UPT.

 

Renseignements et inscriptions auprès de l’UPT :

 

15 rue du Parc

57600 Forbach

  Tél : 03 87 84 59 67

Email : upt.vhs@wanadoo.fr 

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4 novembre 2016 5 04 /11 /novembre /2016 13:24

 

 

Après toute une série de billets sur l'Union européenne (banques, scandales, travailleurs détachés, etc.) et avant d'en publier un prochainement sur les difficultés de fonctionnement de la zone euro en particulier, j'ai souhaité faire un détour par un pays réputé libéral par le patron du MEDEF... En effet, dans un ancien billet sur la Chine, j'avais conclu que nous faisons face à un changement fondamental dans le fonctionnement du système monétaire international tel que nous l'avons connu depuis 20 ans. Et j'avais promis d'y revenir dans le cadre d'un prochain billet, ce que j'honore aujourd'hui !

 

Le système monétaire international avant la crise

 

Du début des années 1990 à 2008, le système monétaire international se caractérisait par les éléments suivants :

 

 * des flux de capitaux de long terme en provenance des pays de l’OCDE et à destination des émergents (Chine incluse), en raison de la forte rentabilité du capital et d'un faible coût salarial unitaire ;

 

 * une balance commerciale largement et structurellement excédentaire dans les pays émergents ;

 

 * une accumulation massive de réserves de change par les pays émergents, pour éviter l'appréciation trop importante de leur monnaie. Comme rappelé dans ce billet, le plus souvent, en fait de devises, ce sont plutôt des titres en devises (essentiellement des bons et obligations du Trésor) qui constituent les avoirs de réserve. Ces réserves de change permettent alors aux Banques centrales d'intervenir sur le marché des changes afin de réguler les taux de change, et de maintenir la confiance dans leur monnaie. Le montant des réserves de change dépend des flux de capitaux et du solde de la balance courante. On obtient donc l'identité suivante :

 

 

* ces importantes réserves de change conduisent à l’accroissement de la liquidité mondiale et à des achats massifs d'obligations publiques libellés en dollars et en euros, principales monnaies de réserve.

 

Ce système monétaire international était favorable à la croissance mondiale, puisqu'il permettait une accumulation de capital dans des régions du monde à fort déficit et où les opportunités d'investissement étaient fortes.

 

Accessoirement, si l'on prend l'exemple de la Chine qui est très parlant, pendant 20 ans la Banque centrale chinoise recyclait l'énorme excédent extérieur de la Chine et les entrées de capitaux en achetant des actifs étrangers qui venaient donc grossir le montant des réserves de change. Parallèlement, ces achats de titres permettaient de financer les déficits publics aux États-Unis et en Europe !

 

Le nouveau système monétaire international

 

Mais depuis quelques années, on assiste à une dégradation de la situation économique des émergents (en raison notamment des multiples goulets d'étranglement au niveau de l'offre) et de la Chine (en raison de la dégradation de la compétitivité-coût et de la nécessité de changer de modèle économique).

 

Cela a débouché sur d'importantes sorties de capitaux à long terme, qui l’emportent sur les excédents extérieurs des pays, d'où une baisse des réserves de change. En effet, les autorités, en régime de changes quasi fixes, se servent des réserves de change pour stabiliser leur monnaie. Pendant 20 ans, elles ont cherché à empêcher l'appréciation du Renminbi, puisqu'il y avait des entrées massives de capitaux dans le pays ; mais depuis peu, les sorties de capitaux les conduisent à lutter contre une dépréciation.

 

Ainsi, les Banques centrales des émergents et de Chine ont cessé de facto de contribuer à l’accroissement de la liquidité mondiale, ce qui signifie aussi qu'elles n'achètent plus de titres de la dette des pays de l'OCDE, donc qu'elles ne financeront plus les futurs déficits publics des pays de l'OCDE (États-Unis, zone euro, etc.).

 

En définitive, ai-je besoin de vous dire que la croissance mondiale, après avoir carburé pendant deux décennies à l'endettement international, va subir un choc terrible suite au changement de système monétaire international que nous venons d'examiner ?

 

N.B : l'image de ce billet provient de cet article d'Economie Matin.

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28 octobre 2016 5 28 /10 /octobre /2016 18:49

 

Cet ouvrage collectif est destiné aux étudiants préparant le concours commun d'entrée aux IEP. Composé de 504 pages et de 150 fiches, il permet une préparation efficace à l'épreuve de questions contemporaines du concours (durée : 3h, coefficient 3, dissertation sur un sujet à choisir parmi deux), dont les thèmes pour 2017 sont la sécurité et la mémoire.

 

Rappelons que celle-ci évalue la connaissance, la capacité à analyser et à argumenter sur les grands thèmes et débats inscrits dans l'actualité des années récentes. Le candidat doit dès lors mobiliser une palette de savoirs variés : économie, histoire, science politique, géographie, philosophie, actualité des sciences et techniques..., pour traiter des grandes problématiques actuelles.

 

Dans cette perspective, nous avons été nombreux (enseignants en classes préparatoires, responsables de formation IEP et universitaires spécialistes du thème) à nous réunir pour concevoir des dissertations et fiches de lecture/synthèse pour une préparation optimale des candidats à l'épreuve. Pour ma part, j'ai apporté la contribution suivante : L'intelligence économique et la sécurité des entreprises.

 

Ce livre peut être utilement complété par les autres ouvrages de la même collection et par mes livres, notamment Les grands mécanismes de l'économie en clair - 2e édition et Mieux comprendre l'économie : 50 idées reçues déchiffrées, toujours aux éditions Ellipses.

 

Cet ouvrage de préparation au concours IEP peut être acheté dans toutes les bonnes librairies et en ligne :

 

Amazon I Ellipses I Fnac I Decitre I Joseph Gibert I Chapitre

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21 octobre 2016 5 21 /10 /octobre /2016 11:07

 

 

Dans la série l'Union européenne se porte mal, j'ai rédigé récemment les billets suivants : les scandales en cascade à la Commission, la crise bancaire imminente, la réalité du travail détaché au sein de l'UE et les conséquences du passage à une économie de service. Aujourd'hui, pour compléter le tableau, je vous propose un billet sur un problème majeur de la zone euro, qui reste pourtant méconnu : la disparition de la mobilité des capitaux entre les pays de la zone euro, depuis le déclenchement de la crise en 2008...

 

Qu'appelle-t-on segmentation des marchés financiers ?

 

Comme je l'explique dans mon nouveau livre Les grands mécanismes de l'économie en clair (2e édition), lorsque les capitaux privés circulent mal voire pas du tout entre les différents pays membres, les économistes parlent de segmentation des marchés financiers dans la zone euro, ce qui est précisément l'objet de ce billet.

 

Les outils du diagnostic

 

Le déclenchement de la crise en 2008 a conduit à une méfiance (défiance ?) généralisée des institutions bancaires, puisque chacune ignore la qualité réelle du bilan de la concurrente. D'où la segmentation du marché interbancaire, qui se voit à l’ouverture des positions Target 2 (pour agrandir, clique-droit sur l'image et choisissez "afficher l'image") :

 

 

[ Source : BCE ]

 

Pire, les pays avec de forts excédents extérieurs comme l'Allemagne ne prêtent plus aux pays de l'UE qui ont un déficit extérieur, préférant faire profiter des pays hors UE de leur manne financière.

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Enfin, dernière manifestation de l'absence de mobilité des capitaux entre pays de la zone euro, c'est le large biais domestique des banques dans l'investissement. En effet, comme le montre le tableau ci-dessous issu des stress tests auxquels elles ont été soumises au mois de juin 2016, les banques de la zone euro investissent essentiellement dans les titres publics de leurs pays (pour agrandir, clique-droit sur l'image et choisissez "afficher l'image") :

 

 

[ Source : ABE ]

 

Les conséquences de la disparition de la mobilité des capitaux

 

Une telle segmentation des marchés de capitaux (=disparition de la mobilité des capitaux entre pays) rend la zone euro inefficace sur le plan économique, en ce sens qu'elle empêche l'épargne de s'investir dans les projets les plus rentables. Or, qui se souvient encore que c'est justement pour profiter des avantages d'un grand marché sans risque de change que la monnaie unique fut créée ? Autrement dit, pour ceux qui s'intéressent aux fondements théoriques de l'analyse économique, dorénavant plus aucun critère de Mundell sur la pertinence et l'efficacité d'une union monétaire n'est rempli... Une vraie réussite en somme !

 

Or, s'il y a absence de mobilité des capitaux au sein de la zone euro, alors on doit s'attendre à une divergence inévitable des taux d'intérêt à long terme des pays de la zone euro, même si actuellement l'action vigoureuse de la BCE (quantitative easing) a permis de faire converger artificiellement certains taux souverains. Mais qu'en sera-t-il lorsque ce puissant viatique s'estompera en 2017 ou 2018 ?

 

Bien entendu, avec une telle segmentation des marchés financiers européens, les pays qui font face à un déficit extérieur n'ont guère d'autre choix que d'équilibrer brutalement leur balance courante par une dévaluation interne, au prix hélas d'une récession comme je l'ai notamment expliqué dans ce billet. Le corollaire est qu'il devient impossible de corriger l'excès d'épargne de la zone euro et donc de relancer l'économie, puisque l'excédent extérieur allemand ou néerlandais n'est plus investi chez les voisins européens mais chez des partenaires hors UE.

 

Comment rétablir la mobilité des capitaux au sein de la zone euro ?

 

À ce stade de mon billet, il devient clair que le seul moyen de relancer la circulation des capitaux entre les pays de la zone euro est de redonner confiance aux agents économiques et en particulier à ceux du secteur bancaire. Malheureusement la confiance ne se décrète pas, même si l'Agence Bancaire Européenne multiplie les stress tests pour nous (r)assurer d'une probable solidité bancaire dont j'ai déjà dis un (gros) mot ici.

 

C'est pourquoi, certains pensent qu'il faudrait d'abord nettoyer les écuries d'Augias que constituent les bilans bancaires, car l'économie européenne est surtout financée par le système bancaire. Or, la part des créances douteuses et litigieuses (=prêts non performants en franglais) dans les bilans bancaires atteignant désormais 18 % en Italie, 12 % au Portugal et 34 % en Grèce, qui sera l'Hercule capable d'effectuer ce travail sans doucher les épargnants et sans faire la quête auprès des États (solution du reste "interdite" depuis la mise en place de l'Union bancaire) ?

 

Une autre réponse à ce problème serait la mutualisation des investissements dans la zone euro ou même dans toute l'Union européenne. C'est évidemment ce qui était recherché avec le plan Juncker. Mais force est de constater qu'il est bien difficile de trouver des projets intéressants et rentables par les temps qui courent, et que très peu d'entre eux concernent les pays périphériques de l'UE qui ont pourtant tant besoin d'investissements ! En même temps, soyons réalistes : quel investisseur privé, à l'exclusion du spéculateur-charognard, est assez fou pour placer de l'argent dans un État en grande difficulté financière comme la Grèce ? Et ce d'autant plus qu'en ce qui concerne la Grèce, le FMI a quitté un navire sans capitaine et sans cap qui coule inexorablement...

 

En définitive, ce problème s'apparente très vite à la quadrature du cercle pour ne pas dire au cercle vicieux, en ce sens que pour remettre en marche la circulation des capitaux dans la zone euro il faudrait avant tout que les agents économiques se refassent confiance, alors même que la situation économique les incite encore plus à la défiance et au repli sur soi...

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14 octobre 2016 5 14 /10 /octobre /2016 11:31

 

 

J'ai souvent écrit, en particulier sur mon blog, sur les problèmes que soulève la désindustrialisation, que certains dirigeants appelaient pourtant de leurs voeux à l'orée des années 2000. Ne boudons donc pas notre plaisir et citons ces grands visionnaires, qui nous ont mis la tête dans le sable.

 

La palme (de quoi ?) revient bien entendu à Serge Tchuruk, patron d'Alcatel en 2001, qui popularisa le terme fabless pour désigner l'entreprise sans usine ! L'idée était alors, et elle semble toujours l'être dans la tête de certains patrons, d'abandonner les segments de la chaîne de valeur qui rapportent peu de marge et de se concentrer sur ceux à haute valeur ajoutée. Autrement dit, exit les usines de production et bienvenue dans le monde de la recherche-développement. Sauf que... au même moment les géants de l'électronique en Corée du Sud (Samsung, LG, etc.) faisaient le pari inverse et conservaient leurs usines à proximité du siège social. Et devenez qui domine aujourd'hui au niveau mondial ?

 

Ce billet sera ainsi consacré à l'analyse des conséquences du passage de l’économie mondiale à une économie de services, qui trop souvent ont été sous-estimées.

 

Vers une économie (monde) de service

 

Ce passage de l'économie mondiale à une économie de services a commencé il y a déjà trois décennies, mais s'est accéléré avec la crise de 2008 :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Bien entendu, ce constat est également vrai à l'échelle de la France où de profonds changements sont intervenus dans la structure de l'emploi :

 

Emploi total par secteur

 

[ Source : INSEE ]

 

Complétons ensuite par l'évolution de l'emploi entre 1982 et 2002 en France :

 

 

[ Source : Dares ]

 

Ces graphiques nous permettent de conclure que les trente dernières années ont été marquées par une tertiarisation de l'économie, c'est-à-dire un recul du poids de l'industrie au profit des services.

 

Les conséquences d'un passage à une économie de services

 

1) Tout d'abord, lorsqu'une telle évolution est mal anticipée - ce qui est peu ou prou le cas de toutes les mutations - , les capacités de production industrielles deviennent très vite largement excédentaires par rapport à une demande qui s'amenuise. Cela débouche sur une chute des prix industriels et une baisse de l'investissement dans ce secteur, donc très probablement sur une baisse globale de l'investissement puisque le secteur industriel investit en général bien plus que les services. 

 

Ensuite, le prix des matières premières employées dans l'industrie va lui aussi connaître une baisse si l'industrie n'investit plus autant que par le passé. La chute des prix du pétrole, de l'acier et d'autres matières premières qui étaient injectées encore naguère en grande quantité dans l'antre du monstre industriel chinois, sont évidemment des cas d'école...

 

Bien entendu, les profits industriels risquent rapidement de décroître et de conduire à du chômage supplémentaire, doublé ou non d'une délocalisation des derniers sites de production vers les pays à bas coûts (Vietnam, Indonésie, Philippines, Thailande, éventuellement PECO), nouveaux réservoirs d'esclaves après la Chine devenue trop chère.

 

2) L'affaiblissement du commerce mondial, s'il résulte de nombreux facteurs, doit cependant beaucoup au fait que les échanges de services sont de beaucoup plus petite taille que les échanges de biens.

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Le passage à une économie de services n'est donc pas une bonne nouvelle pour le commerce mondial et encore moins pour les pays qui ont misé leur croissance sur les exportations (Allemagne, Japon, Australie,...). On peut aussi craindre la fin de la corrélation entre les cycles économiques des différentes régions du monde, qui était justement assurée par les échanges internationaux.

 

Pour le dire simplement, jusqu'à présent, lorsqu'une région du monde souhaitait sortir d'une crise elle pouvait s'appuyer sur les importations d'une autre région dynamique du monde, ce qui lui permettait de relancer son économie en favorisant les exportations. Mais le passage à une croissance domestique remet tout en cause.

 

3) L'évolution que nous venons de décrire va certainement amplifier le phénomène de bipolarisation de l'emploi dont j'avais déjà parlé dans ce billet. Il s'agit, pour le dire clairement, d'une disparition des emplois intermédiaires et d'une concentration aux extrémités (emplois peu qualifiés et emplois très qualifiés).

 

On peut alors craindre que cette disparition des emplois à qualification intermédiaire conduise à un recul de la productivité globale et, en tout état de cause, à une faible progression des gains de productivité. Or, comme la croissance dépend à long terme de la productivité par tête et de la croissance future de la population active, on en déduit par conséquent que cette évolution de la structure de l'emploi débouchera sur une baisse de la croissance de long terme.

 

Ce phénomène soulève aussi le problème de l'augmentation des inégalités de revenus, qui ne sont rentrées dans le radar de la politique économique que depuis quelques mois, alors qu'elles deviennent insupportables si on en juge par les nombreuses revendications et manifestations dans la plupart des pays développés. Et l'ubérisation de l'économie ne va rien arranger, puisqu'on s'achemine vers des emplois peu protégés et mal rémunérés, qui achèveront à terme le concept de classe moyenne ! Seul point positif, ces entreprises du monde numérique feront des bénéfices mirobolants et n'auront pas à s'inquiéter des revendications salariales, qui avaient permis jusqu'à présent à la société humaine de ne pas imploser...

 

Et pendant ce temps, les dirigeants européens, cependant qu'ils soutiennent sans réserve la numérisation du monde, pratiquent l'incantation en espérant que cela suffira à sauver une industrie qu'ils laissent par ailleurs soumise aux vents mauvais de la concurrence à outrance. Allez comprendre...

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6 octobre 2016 4 06 /10 /octobre /2016 10:42

 

 

J'ai le sentiment que peu de gens comprennent réellement la situation dans laquelle se trouvent certaines banques en Europe. Il faut dire qu'actuellement on entend plus parler de scandales à la Commission que des problèmes économiques, comme je l'ai expliqué dans ce précédent billet. Or, contrairement à l'idée martelée dans certains médias pro-business, les banques font face à de graves problèmes depuis quelques mois, ce que les investisseurs ont très bien compris et que tout un chacun peut constater en regardant l'évolution chaotique des titres bancaires en Bourse.

 

Les banques en crise

 

Le Brexit, en plus d'avoir été un événement largement non anticipé par le monde des affaires, a montré la défiance qu'inspirait le secteur bancaire aux investisseurs, puisque les cours se sont effondrés de concert sur la plupart des places financières mondiales.

 

Évolution de l'indice Euro stoxx banks

 

 

[ Source : Boursorama ]

 

Les investisseurs se sont alors réfugiés sur les titres de dette allemands, le franc suisse et bien entendu l’or, avec à la clé de nouvelles aberrations sur les taux d'intérêt : le rendement de l'emprunt d'État suisse à 50 ans est passé en territoire négatif tout comme celui de l'Allemagne à 10 ans ! Face à cette situation ubuesque, certaines banques, à l'instar de la Raiffeisenbank Gmund de Bavière, ont décidé d'appliquer un taux d'intérêt négatif de 0,4 % à leurs clients dont les avoirs dépassent 100 000 euros, ce qui revient à taxer l'épargne... C'est bien la preuve que la finance marche actuellement sur la tête !

 

Ci-dessous, vous trouverez une petite vidéo qui explique bien les causes et conséquences des taux d'intérêt négatifs, même si les lecteurs de ce blog savent bien que les tombereaux de liquidités injectées par la BCE depuis plusieurs années n'y sont pas étrangers. Pour ceux qui souhaitent se rafraîchir la mémoire au sujet des conséquences d'une telle politique monétaire hyper-expansionniste, c'est par ici.

 

 

Bref, prises en étau entre les nouvelles obligations prudentielles et des taux de marge d'intérêt ridiculement bas, le tout additionné de prises de risques pas toujours maîtrisées, les banques voient leur rentabilité s'effondrer.

 

Deutsche Bank

 

Certaines ont alors cherché à prendre plus de risques pour se refaire une santé financière, à l'image de la Deutsche Bank, engluée aujourd'hui dans d'innombrables scandales et problèmes, qui ne seraient au fond que ceux de l'Allemagne si la banque ne venait d'être classée par le FMI comme l'une des plus dangereuses pour le système financier (on parle donc de risque systémique). La faillite d'un tel géant, contrepartie dans tant d'opérations financières et dont le total de bilan représente peu ou prou le PIB de l'Italie, ne semble guère envisageable au vu des conséquences qui en découleraient. C'est le célèbre adage too big to fail, c'est-à-dire "trop gros pour faire faillite"...

 

Le quotidien allemand Die Zeit croit d'ailleurs savoir que pour éviter un nouveau Lehman Brothers, le gouvernement de Madame Merkel préparerait un plan d'urgence pour sauver cette banque d'affaires sulfureuse, qui est désormais dans le collimateur des autorités américaines pour son rôle dans la crise des subprimes. Plus d'explications dans la courte vidéo ci-dessous :

 

 

Imaginez un instant que le gouvernement allemand soit obligé de faire son entrée au capital d'une telle banque, quelques mois avant des élections générales dans le pays ? Le symbole est fort, mais pas sûr qu'il fasse plaisir à Mutti Merkel, qui ne voulait pas payer pour les banques grecques il y a un an...

 

Les banques italiennes et portugaises en difficulté

 

Un graphique suffira pour comprendre le problème :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Ainsi, les prêts non performants ont beaucoup augmenté depuis la crise, mais curieusement le problème n'a été identifié sur les radars qu'en 2016 et depuis on ne parle plus que de cela dans les milieux autorisés.

 

Regardons à présent cet autre graphique, qui présente la part de prêts non performants dans les bilans bancaires selon le pays (attention, ici il s'agit de tous les prêts non performants, pas seulement les prêts provisionnés) :

 

 

[ Source : Bruegel ]

 

Ainsi, la part des créances douteuses et litigieuses (=prêts non performants) dans les bilans bancaires atteint désormais 18 % en Italie, 12 % au Portugal et 34 % en Grèce. Pour fixer les idées, au-delà de 1 à 2 % les petits problèmes des banques deviennent de gros problèmes pour tout le système bancaire du pays (360 milliards d'euros pour l'Italie tout de même...). Pourtant, peu de gens se souviennent encore que le Portugal avait obtenu un plan d'aide de l'UE et du FMI en 2012... justement pour sauver les banques portugaises comme je le rappelais dans ce billet de 2011 ! Et entre-temps, il y a déjà eu le scandale banco Espirito Santo dont j'avais rendu compte ici.

 

Mais au-delà des créances douteuses il s'agit de connaître leur part non provisionnée :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Et là aussi, l'Italie m'inquiète puisque cela signifie qu'il faudrait recapitaliser les banques de ce pays entre 80 et 100 milliards d'euros ! Le plus grave est que l'augmentation des prêts non performants en Italie ne résulte pas de bulles immobilières comme en Espagne, mais bien de la stagnation économique qui empêche les PME italiennes destinataires de ces prêts de les rembourser rubis sur l'ongle.

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Or, selon les nouvelles règles de l'Union bancaire européenne entrée en vigueur le 1er janvier 2016, et à laquelle j'avais consacré un long billet, les règles de renflouement sont désormais les suivantes (accrochez-vous, les termes officiels sont un peu techniques) : le Fonds de résolution ne pourra pas être utilisé  avant que 8 % du passif de la banque ait fait l’objet d’un bail-in. Par ailleurs, l’intervention du Fonds ne pourra être supérieure à 5 % du passif de la banque.

 

En termes clairs, cela signifie simplement que lorsqu'une banque sera en faillite, les premiers à mettre au pot seront les actionnaires et les prêteurs (d'où le nom de bail-in), qui devront couvrir au minimum 8 % des pertes de la banque. Si cela ne suffit pas, il sera possible de faire appel à des fonds nationaux de résolution, abondés par le secteur bancaire. Enfin, les ménages et les PME seront partiellement protégés puisqu'il a été confirmé que leurs dépôts seront garantis à hauteur de 100 000 euros. Mais au-delà de 100 000 euros...

 

Pour résumer, on peut dire que les banques portugaises mais surtout italiennes sont engluées dans la gestion des créances douteuses et litigieuses. Mais ce n'est qu'en 2016 que les gouvernements ont pris l'ampleur du désastre (à venir ?) et ne voient plus vraiment comment sauver le système bancaire de leur pays sans passer sous les fourches caudines des nouvelles règles de l'Union bancaire européenne. Or, la politique ultra-expansionniste menée par la BCE, si elle permet de solvabiliser des États qui seraient sinon en défaut, a hélas pour effet secondaire pervers de laminer le métier de base des banques à savoir la transformation bancaire.

 

Bref, ça tire à hue et à dia en Europe !

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29 septembre 2016 4 29 /09 /septembre /2016 11:03

 

 

Après avoir publié un billet sur les travailleurs détachés au sein de l'UE, je me demandais s'il fallait rendre compte de la mascarade réunion qui s'est tenue à Bratislava pour relancer l'Union et qui s'est achevée en pantalonnade. Finalement, j'ai choisi d'évoquer les scandales en cascade à la Commission européenne, qui sapent le peu de confiance que les citoyens européens accordent encore aux institutions européennes...

 

Le scandale Barroso

 

L'ancien président de la Commission européenne, Manuel Barroso, s'est retrouvé sous le feu des critiques cet été pour avoir accepté d'être recruté comme conseiller et président non exécutif de la branche internationale londonienne de Goldman Sachs. Il est vrai que cette banque d'affaires est juste accusée d'avoir joué un rôle dans la crise de 2008 et dans le trucage des comptes de la Grèce... Une paille en somme !

 

Certes, il n'est pas le premier à être allé voir si l'herbe était plus verte dans le monde financier, puisque le club compte déjà de nombreux membres : Peter Mandelson, Luc Frieden, Mario Draghi, Mario Monti, etc. Mais le contexte morose pour ne pas dire délétère après le Brexit et l'échec cinglant de l'accueil des migrants en Europe, allait forcément rendre une telle annonce explosive. Et malgré ses justifications, Manuel Barroso doit désormais faire face non seulement à l'opinion publique mais aussi à une pétition lancée par les fonctionnaires européens eux-mêmes, qui a déjà recueilli 140 000 signataires !

 

Et il y a quelques jours, le journal portugais Publico enfonçait le clou en affirmant que Manuel Barroso entretenait déjà des contacts étroits avec la banque d'affaires durant son mandat de président de la Commission européenne. À l'appui de ces révélations, le journal apporte de nombreux éléments...

 

Le scandale des Bahamas Leaks

 

Dans un ancien billet, j'avais détaillé le scandale des tax rulings, qui permettaient à des sociétés de payer moins d'impôts au Luxembourg. Puis, sont venues les révélations sur le Panama, qui à l'instar des révélations de l'Offshore Leaks en 2013 et du Luxleaks en 2014, ont été diffusées par l’International Consortium of Investigative journalists (ICIJ). Ces révélations n'avaient pas manqué de mettre le feu au lac et certaines têtes dans le monde du sport et de la politique étaient tombées.

 

La nouvelle fournée de révélations sur l'évasion fiscale porte cette fois sur les Bahamas, qui au-delà des 700 îles paradisiaques qui composent l'archipel, s'avèrent un paradis fiscal toujours très actif. Une petite vidéo pour résumer l'essentiel :

 

 

Bref, vous aurez compris que Neelie Kroes, ancienne commissaire européenne à la concurrence entre 2004 et 2009, était à la tête d'une société offshore baptisée Mint Holdings Limited, qu'elle n'a pas déclarée durant son mandat. Contactée, l'intéressée s'est justifiée en expliquant une erreur, mais l'activité de la société était quant à elle bien réelle... Cherchez l'erreur !

 

Pantouflage et rétro-pantouflage

 

Pour être au clair sur les mots, le pantouflage consiste pour un haut fonctionnaire à s'en aller travailler dans une entreprise privée (souvent une banque). C'est une pratique légale, sous certaines conditions que vérifie en France la Commission de déontologie de la fonction publique. Pour le dire simplement, il s'agit d'examiner si les activités privées qu'exercera le haut fonctionnaire ne sont pas incompatibles avec ses précédentes fonctions tant en termes pénaux que déontologiques.

 

Le rétro-pantouflage, quant à lui, consiste pour un haut fonctionnaire à réintégrer la fonction publique après avoir fait carrière dans le privé, dans l'espoir d'accéder à un poste prestigieux. C'est le cas de François Villeroy de Galhau, ancien directeur général délégué de BNP Paribas, nommé gouverneur de la Banque de France... J'avais été tellement scandalisé par cette pratique d'un autre temps, que j'avais écrit un billet de blog à ce sujet.

 

Les règles de probité au sein de la Commission européenne

 

Pour examiner la légalité de telles pratiques au sein de l'UE, et de toutes les autres qui ne s'apparentent pas nécessairement à du pantouflage mais peuvent déboucher sur un conflit d'intérêts, la Commission européenne s'est dotée d'un comité d'éthique. Celui-ci est composé de trois membres choisis pour leur indépendance et leur compétence, et dont le mandat est de 3 ans renouvelable une fois.

 

Actuellement, on y trouve Christiaan Timmermans, ancien juge néerlandais à la Cour de justice de l’Union européenne, Dagmar Roth-Behrendt, ancien membre du SPD allemand et du Parlement européen, et Heinz Zourek, ancien haut responsable autrichien à la Commission européenne. Pour l'anecdote, en 2013 y siégeait un gentil avocat qui n'hésitait pas à conseiller l'industrie du tabac et fut démis grâce à l'insistance de trois ONG...

 

La règle contenue dans l'article 245 TFUE est la suivante : "les membres de la Commission exercent leurs fonctions en pleine indépendance, dans l'intérêt général de l'Union; en particulier, ils ne sollicitent ni n'acceptent d'instruction extérieure venant d'un gouvernement ou de tout autre organisme ; ne peuvent exercer aucune autre activité professionnelle, rémunérée ou non". Dès lors, un membre de la Commission peut être démis d'office par la Cour de justice, à la demande du Conseil ou de la Commission elle-même en cas de violation de ces obligations ou s'il a commis une faute grave (article 247 du TFUE).

 

C'est pourquoi, les commissaires sont tenus de signer un code de bonne conduite (sic !) et de publier leurs déclarations d'intérêt sur leur page web personnelle. Ils tiennent également un agenda public en ligne de leurs réunions avec des organisations professionnelles ou des personnes agissant en qualité d'indépendants sur toutes les questions liées à l'élaboration ou à la mise en œuvre des politiques de l'UE.

 

Notons enfin que la Commission est aussi collectivement responsable devant le Parlement, en vertu de l'article 234 du TFUE. C'est d'ailleurs pour éviter une telle censure du Parlement européen, que la Commission Santer avait démissionné le 15 mars 1999.

 

Mais que risquent-ils vraiment ?

 

Même après les 18 mois de purgatoire à la sortie de la Commission européenne, l'ancien commissaire doit respecter les "devoirs d’honnêteté et de délicatesse". Pour Barroso, Kroes et tant d'autres, il faudra repasser pour la délicatesse et peut-être même pour le reste... Mais au fond, que risquent-ils ? La suspension de leurs indemnités de retraite ou de leurs titres honorifiques liés à la Commission ? J'ai comme l'impression que rationnellement la sanction ne pèse pas lourd face aux bénéfices sonnants et trébuchants... Et puis, de toute façon, les avis rendus par le comité d'éthique ne trouvent quasiment jamais à redire à ces pantouflages.

 

Dans tous les cas, pantouflage, rétro-pantouflage ou autres pratiques qui frisent le conflit d'intérêts, il s'agit d'un capitalisme de connivence, d'une consanguinité malsaine entre élites politiques et économiques. Bien entendu, les intéressés feignent toujours de ne pas comprendre les cris d'orfraie que suscite leur nomination, ce qui ne fait que confirmer l'arrogance des élites dont j'ai parlé dans ce billet et aggrave l'immense fossé qui existe entre les élites et le peuple.

 

En plus d'assassiner l'idéal européen de paix pour lequel certains se sont battus et que je respecte, de tels comportements affaiblissent la cohésion politique qui fait déjà tant défaut en Europe et peuvent déboucher sur des révoltes aux conséquences terrifiantes. Mais dans le monde de fric et de gloire dans lequel nous vivons, certains ne s'embarrassent plus de ces détails...

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21 septembre 2016 3 21 /09 /septembre /2016 15:14

 

 

Après avoir évoqué ici et les cours à destination du grand public que je donnerai cette année, il m'a semblé nécessaire de faire une incursion dans le monde du droit communautaire, pour analyser la question des travailleurs détachés dans l'Union européenne.

 

Qu'est-ce qu'un travailleur détaché ?

 

Dans le cadre de la directive européenne de 1996, "tout travailleur qui, pendant une période limitée, exécute son travail sur le territoire d’un État membre autre que l’État sur le territoire duquel il travaille habituellement" doit être considéré comme détaché.

 

Une entreprise dont le siège social est établi à l'étranger peut donc détacher temporairement des salariés en France pour une mission précise (à la différence des travailleurs mobiles, qui eux s'installent durablement dans un État membre), à condition d'effectuer au préalable une déclaration de détachement à l'inspection du travail dont dépend le lieu de sa prestation. Les activités qui ouvrent droit au détachement de salariés sont les suivantes :

 

 * sous-traitance ;

 

 * mise à disposition à but non lucratif de personnel entre entreprises d'un même groupe ;

 

 * mise à disposition d'intérimaires ;

 

 * auto-prestation (par exemple livraison d'un client en France par une entreprise étrangère).

 

Les règles du détachement de salariés

 

En vertu des règles européennes (directive de 1996 sur le détachement et directive d'exécution de 2014) qui doivent garantir une concurrence loyale et le respect des droits des travailleurs dans le cadre du marché unique, les travailleurs détachés dans un autre État membre sont soumis, pendant toute la durée du détachement, aux règles locales en matière de rémunération et de conditions de travail.

 

En France, il n’est par conséquent pas possible de payer un salarié détaché au-dessous du SMIC, même si par définition l’employeur qui verse les salaires est établi à l’étranger. En revanche, les cotisations sociales du pays d’accueil ne sont pas applicables aux salariés détachés.

 

Évolution du nombre de travailleurs détachés

 

Deux infographies qui en disent plus long que des chiffres :

 

 

[ Source : Les Échos ]

 

 

[ Source : Les Échos ]

 

Le problème soulevé

 

Plus haut, nous avons rappelé, et c'est le point litigieux, que les cotisations sociales et autres prélèvements de sécurité sociale ne sont pas applicables aux salariés détachés. Autrement dit, c'est le droit du pays d'origine des salariés détachés qui s'applique, ce qui permet à ces derniers d'être souvent bien plus compétitifs que leurs homologues français, même à salaire égal ! C'est la fameuse image d'Épinal du plombier polonais ou du maçon portugais qui pratiquent le dumping social dans l'hexagone (et bien entendu dans toute l'UE)...

 

 

[ Source : Le Monde ]

 

Ceux d'entre vous qui ont un peu de temps devant eux pourront utilement revoir ce numéro de Cash investigation sur les salariés à prix cassés, car il va sans dire que les abus se multiplient (ponctions de frais indus sur les salaires, détachement en cascade pour minimiser les responsabilités, conditions de travail indignes, etc.), bien que la directive d'exécution de 2014, évoquée plus haut, visât précisément à lutter contre la fraude et l'optimisation des règles sociales.

 

 

La révision de la directive de 1996

 

Face aux nombreuses protestations émises par les chefs d'États nationaux, la Commission européenne a proposé une révision des règles sur le détachement de travailleurs au sein de l'UE afin de limiter ces abus. Il s'agirait essentiellement d'apporter les changements suivants :

 

 * affirmation du principe "à travail égal, rémunération égale", ce qui revient à dire que le plombier polonais détaché toucherait la même chose que le plombier français à travail égal (primes, 13e mois, etc.) ;

 

 * affirmation de l'égalité de conditions entre l'intérimaire international et l'intérimaire national ;

 

 * limitation à vingt-quatre mois de la durée de la mission en détachement.

 

Hélas, 11 États emmenés par la Hongrie (Bulgarie, Hongrie, Croatie, République tchèque, Estonie, Roumanie, Lituanie, Lettonie, Slovaquie et Danemark), ont décidé de peser de tout leur poids pour empêcher toute modification de la directive de 1996.

 

Il est vrai qu'après avoir accordé en début d'année de grandes largesses sur ces questions au Royaume-Uni, pour tenter d'éviter le Brexit, ces pays se sentent mal récompensés et craignent de voir la manne financière leur échapper. Et puis, lorsqu'il s'agit d'argent, il est intéressant de remarquer que les nationalistes et souverainistes comme Viktor Orban se sentent subitement très européens...

 

Or, pour que cette nouvelle mouture de la directive détachement entre en vigueur, il faut justement que le Conseil européen et le Parlement donnent leur feu vert. Les passes d'armes risquent donc d'être nombreuses et virulentes dans les prochaines semaines, d'autant que nous entrons en période électorale tant en France qu'en Allemagne. Heureusement, la France a envoyé son meilleur atout pour négocier avec les récalcitrants Européens : Myriam El Khomri !

 

N.B : l'image de ce billet provient de cet article de Ouest France.

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