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13 mai 2022 5 13 /05 /mai /2022 13:29

 

 

Après mes billets sur les sujets absents de la campagne présidentielle et sur la fête du Travail, il me semble utile de revenir sur la question du pouvoir d'achat, puisque selon une enquête CSA Research pour Cofidis, il manquerait en moyenne 490 euros aux personnes interrogées pour vivre convenablement. Mais encore faut-il s'entendre sur le constat : qu'est-ce que le pouvoir d'achat ? Comment le mesure-t-on ? Quels sont les principaux facteurs qui vont peser sur le pouvoir d'achat ?

 

Qu'est-ce que le pouvoir d'achat ?

 

Je me contenterai de donner ici quelques éléments de compréhension pour le besoin de mon analyse. Le lecteur intéressé par les questions de pouvoir d'achat, d'inflation, de prix et de choix dans la consommation, pourra utilement se reporter à l'un de mes livres aux éditions Ellipses, Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l'économie ! ou Les grands mécanismes de l'économie en clair - 2e édition (chapitre 2 et 3).

 

Le pouvoir d'achat correspond à la quantité de biens et de services qu’un ménage peut acheter avec ses revenus ; il dépend du niveau des revenus mais aussi de celui des prix. Dès lors, l’évolution du pouvoir d’achat correspond à la différence entre l’évolution des revenus des ménages et l’évolution des prix. Bien entendu, si la hausse des revenus est inférieure à celle des prix, alors le pouvoir d’achat diminue...

 

Dans ses calculs de pouvoir d'achat, l'Insee s'appuie sur le revenu disponible des ménages, c'est-à-dire les revenus d’activité (revenus du travail, revenus de la propriété) augmentés des prestations sociales reçues et diminués des impôts versés. Et pour mesurer l'évolution des prix, l'institut de statistiques utilise l'indice des prix à la consommation (IPC).

 

 

[ Source : Insee ]

 

Quels facteurs  vont peser sur le pouvoir d'achat ?

 

Durant la crise de la covid-19, le pouvoir d'achat des ménages a mieux résisté que prévu en raison des aides importantes de l'État.

 

 

[ Source : Insee ]

 

Hélas, l'économie française est déjà fortement affectée par les ruptures dans les chaînes d’approvisionnement, une évolution incertaine de la demande qui s'est décalée après les confinements sur les biens plutôt que les services, la hausse des prix de l'énergie et plus généralement les conséquences de la guerre en Ukraine. Autant de facteurs qui vont peser très fortement sur le pouvoir d'achat, d'autant que les hausses de salaire sont encore loin de compenser l'inflation, les emplois précaires et mal payés devenant de plus en plus nombreux. Seuls le SMIC et quelques allocations ont automatiquement été revalorisés le 1er mai en raison de l'inflation :

 

 

[ Source : France bleu ]

 

Au total, il y a fort à parier que les hausses de prix vont désormais s'étendre à d'autres biens de première nécessité dont l'alimentation :

Infographie: Prix alimentaires : quels produits ont le plus augmenté ? | Statista Vous trouverez plus d'infographie sur Statista

Quant à l'immobilier, qui n'entre dans l'indice des prix à la consommation que par la petite porte des loyers et des charges, il pèse lui aussi très lourd dans le budget des ménages. Et lorsque les taux d'intérêt réels à long terme deviennent fortement négatifs, le risque est une hausse du coût d'achat d'un bien immobilier et subséquemment des loyers. Bref, encore des difficultés à venir pour les ménages...

 

En définitive, s'il veut éviter une nouvelle grogne sociale comme celle des gilets jaunes, le gouvernement devra mener une politique budgétaire expansionniste, qui entrera en contradiction avec les engagements d'équilibre des finances publiques (via la baisse des dépenses publiques). Curieusement, peu de commentateurs font remarquer que dans ce contexte les promesses de baisses d'impôts risquent fort de rester lettre morte... sauf pour une minorité !

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6 mai 2022 5 06 /05 /mai /2022 14:30

 

 

Après mes articles sur la fête du Travail, les sujets majeurs absents de la campagne présidentielle, le déficit de la balance commerciale et la politique monétaire, il faut admettre que le pouvoir d'achat est devenu le sujet phare du moment. Hélas, tout comme la consommation, il n'est abordé que sous l'angle de la quantité de monnaie dans le portemonnaie. Les dimensions sociales, éthiques et politiques de la consommation sont ainsi reléguées aux oubliettes.

 

Or, Arte vient  consacrer un documentaire d'une demi-heure sur des formes de monnaies locales émises par des collectivités publiques pour soutenir l'économie locale, que nous n'avons pas l'habitude de voir en France : "En Catalogne, deux villes misent sur les monnaies locales pour atténuer les conséquences économiques de la pandémie. À Santa Coloma de Gramenet, cité voisine de Barcelone, l’expérience est si probante qu’il est question de verser sous cette forme une partie des salaires des fonctionnaires municipaux".

Les monnaies locales dont il est question dans ce documentaire ne sont pas tout à fait de même nature que celles (re)connues en France par la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, dite loi Hamon :

C'est ce qui rend le documentaire d'Arte très intéressant, d'autant plus qu'il soulève une multitude de questions sur les fonctions sociales de la monnaie et, en particulier, celle de la consommation des plus modestes. Pour ceux qui voudraient approfondir ce dernier point, il existe une littérature importante dont l'excellent livre de Denis Colombini, Où va l'argent des pauvres: Fantasmes politiques, réalités sociologiques :

 

 

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29 avril 2022 5 29 /04 /avril /2022 13:53

 

 

 

D'année en année, le travail est célébré dans les discours des dirigeants politiques, surtout en période électorale, sans que l'on sache très bien de quel travail il est question... Pourtant, la pandémie de covid-19 a démontré jusqu'à l'absurde que le travail utile pour la société n'était pas celui encensé par les politiques à longueur de discours. Pire, il y a urgence de redonner du sens au travail :

 

 

 

[ Source : CESI ]

 

Dans le monde néolibéral, la fête du Travail semble dès lors se résumer à une curiosité des temps anciens -une anomalie diront les plus bravaches -, bref un simple jour férié qu'un jour ou l'autre le gouvernement supprimera au nom (choisissez dans la liste suivante l'explication politiquement idiote qui vous sied le mieux) du progrès, de la nécessité de travailler plus, de le modernité, de l'effort collectif... Or, au vu de son importance, je souhaiterais comme chaque année rappeler brièvement l'histoire de cette journée du 1er mai consacrée au travail, tant elle représente une lutte importante, que d'aucuns cherchent à faire oublier afin de déconstruire et précariser flexibiliser le droit du travail, bien entendu au nom du progrès !

 

Le choix du 1er mai

 

C'est le 30 avril 1947 que le gouvernement décida de faire du 1er mai un jour chômé et payé, sans qu'il soit d'ailleurs fait référence à une quelconque fête. L'appellation fête du Travail n'est donc que coutumière, même si par abus j'ai moi-même commencé ce billet en ces termes ! Il n'y a guère que sous Vichy, le 24 avril 1941, que le 1er mai fut désigné comme fête du Travail et de la concorde sociale...

 

Cette date du 1er mai s'inspire en fait des grèves et négociations du 1er mai 1886, qui débouchèrent sur une limitation de la journée de travail à huit heures aux États-Unis.

C'est en 1889 que la deuxième Internationale socialiste réunie à Paris se donnera pour objectif la journée de huit heures, puisque jusque-là le temps de travail habituel était de dix à douze heures par jour ! Et pour marquer cette revendication, il fut décidé d'organiser une grande manifestation à date fixe (le 1er mai...) dans le but de faire entendre la même revendication de réduction du temps de travail dans tous les pays !

 

C'est ainsi qu'est née la Journée internationale des travailleurs également appelée fête des Travailleurs, avec un premier défilé le 1er mai 1890, où les ouvriers firent grève et défilèrent avec le célèbre triangle rouge à la boutonnière, qui symbolisait les 3 grands tiers de la journée : travail, sommeil, loisir. Mais il faudra tout de même attendre le 23 avril 1919 pour que le Sénat français impose enfin une limite de travail à 8 heures par jour...

 

Les ateliers nationaux en 1848

 

Enfin, puisque nous sommes en si bon chemin semé d'embûches, regardons brièvement ce que l'histoire peut nous apprendre sur le traitement du chômage au XIXe siècle. Après la révolution de février 1848, trop souvent oubliée par les Français alors même que la déflagration se fit pourtant sentir partout en Europe sous l'expression désormais consacrée de Printemps des peuples, le gouvernement provisoire de la IIe République créa les Ateliers nationaux dans l'idée de procurer aux chômeurs de Paris un petit revenu en contrepartie d'un travail (cf. cet article du site Hérodote.net). C'est l'exemple typique d'une belle idée sociale, en l’occurrence défendue depuis 1839 par Louis Blanc, qui souhaitait créer des Ateliers sociaux pour rendre effectif le droit au travail.

 

Mais à l'Assemblée nationale, forts d'une majorité de notables provinciaux très méfiants à l'endroit des ouvriers, les députés décidèrent que les Ateliers nationaux ne devaient se voir confier aucun travail susceptible de concurrencer une entreprise privée (toute ressemblance avec la situation actuelle ne pouvant être totalement fortuite...). C'était dès lors les condamner au supplice de Sisyphe, d'autant que le nombre de chômeurs qu'ils employaient augmentait de façon vertigineuse : substituer des arbres provenant des pépinières nationales à des arbres sains préalablement abattus, dépaver les rues pour ensuite les paver à nouveau, etc.

 

Les Ateliers nationaux devinrent ainsi un repoussoir pour la classe bourgeoise, qui n'y voyait rien d'autre qu'un nid d'ouvriers révolutionnaires doublé d'un gouffre économique. Dès lors, par collusion d'intérêt, il n'est guère étonnant que nombre de parlementaires s'opposassent à toute forme d'intervention de l'État dans le domaine économique et dans la régulation des relations patrons/salariés. C'est que rentiers et bourgeois de l'Assemblée se sentaient offusqués de devoir entretenir avec l'argent public un nombre croissant de chômeurs employés par ce qu'ils surnommaient désormais les "râteliers nationaux", considérant qu'une telle aide relevait plutôt de la charité privée. Retour au 18e siècle.

 

Le 20 juin 1848 fut donc décidée la suppression des Ateliers nationaux, dans l'espoir de calmer au passage les velléités révolutionnaires des ouvriers. Ce faisant, 120 000 ouvriers furent licenciés par les Ateliers nationaux, ce qui déboucha sur de violentes émeutes de la faim (les journées de juinet une répression brutale. Répétons-le : c'est donc bien la République qui fit tirer sur le Peuple, même si cela semble difficile à entendre !

L'histoire nous rappelle que la question du travail et de sa valeur a souvent été traitée de manière partisane par le pouvoir politique, afin de satisfaire aux intérêts d'une minorité de riches faiseurs. Trop souvent, les politiques évoquent d'ailleurs le chômage uniquement sous l'angle de son taux et le travail uniquement comme un coût salarial, pure vision de techniciens (technocrates ?) qui permet de la sorte d'occulter à dessein toutes les questions de qualité du travail, de déclassement professionnel et de mal-être au travail ! Les mots sont d'ailleurs trop souvent utilisés pour leur faire dire le contraire de ce qu'ils signifient, comme je l'ai montré dans ce billet.

 

Pour finir, le lecteur intéressé par la problématique de l'emploi pourra utilement se reporter à mes billets suivants :

 

 * Le travail ravagé par la perte de sens

 

 * Le temps de travail en France,

 

 * Baisse du chômage : en route vers la crise sociale ?,

 

 * Le taux d'activité ou la face cachée du plein emploi

 

 * Les sujets majeurs absents de la campagne présidentielle

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20 avril 2022 3 20 /04 /avril /2022 12:45

De véritable campagne électorale, il n'y en a pas vraiment eu pour ces présidentielles. Ce constat, largement partagé, ne peut qu'aggraver la grave crise démocratique en France. Ce d'autant plus que de nombreux sujets socioéconomiques n'ont guère été abordés, tant les débats étaient dominés par la guerre en Ukraine et le pouvoir d'achat. Oserais-je dire que les sujets occultés (travail, dette...) étaient probablement aussi sinon plus importants, dans la mesure où ils correspondent à une certaine vision du monde social. Et si nous en disions un mot ?

 

La dette publique

 

Voici le niveau atteint par la dette publique au sein de l'UE :

 

 

[ Source : Eurostat ]

 

Beaucoup plus intéressant, son évolution sur un an :

 

 

[ Source : Eurostat ]

 

Par rapport au troisième trimestre 2020, 15 États membres ont enregistré une hausse de leur taux d'endettement public et 12 une baisse, cette dernière résultant surtout de la reprise économique après les confinements liés à la pandémie. Hélas, la dynamique de la dette publique, qui dépend fondamentalement de son niveau et du différentiel (taux d'intérêt réel - taux de croissance), va probablement pâtir du ralentissement de l'activité visible depuis 2021 et du resserrement anticipé de la politique monétaire lié à la hausse de l'inflation...

 

Alors qu'en 2017, certains candidats n'hésitaient pas à agiter l'épouvantail de la "faillite", curieusement les niveaux historiques atteints par la dette publique ne semblent pas les avoir émus en 2022. Quant au poids social et humain de la dette publique dans les pays en développement, elle n'a fait l'objet d'aucune communication (mot-valise pour désigner à peu près toute parole prononcée), tant il est vrai que notre époque se caractérise par le chacun pour soi. O tempora, o mores !

 

La dette privée

 

Quant au taux d'endettement des agents non financiers privés, il atteint 124,5 % du PIB dans la zone euro et même 148,4 % en France ! Le récent répit dans l'ascension du ratio français résulte là encore de la forte reprise (temporaire) de l'activité après les confinements.

 

 

[ Source : Banque de France ]

 

En 2017, il était question de compétitivité, alors que l'endettement privé atteignait déjà un niveau inquiétant. En 2022, la question est carrément mise sous le boisseau. O tempora, o mores !

 

Le travail

 

Admirons la capacité des candidats à une élection à parler du taux de chômage sans jamais évoquer le travail autrement que sous sa forme comptable qu'est l'emploi. Même le taux d'activité et le taux d'emploi sont passés sous silence. Cela permet bien entendu d'occulter les vrais débats sur la nature du travail et les différentes façons (pas seulement monétaires !) de le valoriser dans une société.

 

D'où la stupéfaction de certains décideurs économiques et politiques face  à la vague de démissions aux États-Unis, qualifiée de Great Resignation (Grande démission). Avec le système de valeurs et la manière de penser qui les caractérisent, il leur est impossible de comprendre qu'elle est le résultat d'un changement de rapport au travail avec les confinements de la pandémie. Certains prennent une retraite anticipée, en vivant de leur patrimoine qui a pu gonfler grâce aux performances boursières et immobilières. Mais le plus souvent, il s'agit de travailleurs qui en ont assez d'exercer un emploi dans des conditions dégradées (salaire faible, temps de travail fractionné ou élastique, charge de travail trop forte, faible intérêt pour l'emploi...) et souhaitent profiter plus de leur famille et de leur temps libre. Pour ce faire, ils changent de secteur d'activité, ce qui crée des tensions sur l'emploi, notamment dans la restauration (l'on note le même phénomène en France). D'autres, enfin, ont repris le chemin des études pour apprendre un nouveau métier, se former à de nouvelles disciplines ou tout simplement pour prendre du champ intellectuel.

 

En tout état de cause, en parlant uniquement de chiffres liés à l'emploi, l'on ravale un lien social à un simple indicateur chiffré réputé neutre, ce qui permet d'éliminer du débat toutes les questions de qualité du travail et de déclassement professionnel. Le travailleur n'est plus alors qu'un simple exécutant numéroté d'un programme d'ensemble voué tout entier à l'efficacité et à la compétitivité, c'est-à-dire prosaïquement à la rentabilité, quitte à devoir occuper ce que David Graeber appelait des bullshit jobs. Or, il faut le répéter, le travail est un lien social comme le montrent le travail des sociologues (Dominique Méda, Robert Castel...), en ce qu'il fait de chaque travailleur un membre d'une communauté, précisément celle des travailleurs, d'où le maintien d'une "affiliation à la communauté des humains" pour reprendre les termes du sociologue Robert Castel (problématique que l'on retrouvait déjà chez Freud).

 

Plus généralement, la société est devenue malade de la gestion, pour reprendre un titre d'un excellent livre de Vincent de Gaulejac, ce qui signifie qu'il existe un projet politique visant à confier aux bons soins de la logique de marché des pans entiers de notre société qui devraient normalement lui échapper. Tel est le cas de la médecine, de l'instruction, etc. qui font désormais leur entrée dans la guerre économique où s'expriment avant tout les intérêts particuliers financiers et narcissiques. Et le monde d'après ne semble guère avoir tiré les leçons de la crise liée à la pandémie. Antonio Gramsci, que tout le monde cite hélas à tort et à travers, nous avait pourtant prévenus : "le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres" ! Et quand on pense que Gramsci est désormais cité par ceux-là mêmes qui pratiquent des politiques hégémoniques au sens gramscien du terme... O tempora, o mores !

 

Il est vrai que dans la plus pure logique néolibérale, proche de celle décrite par Walter Lippmann, l'oligarchie politique s'accroche à la chimère d'un monde gouverné par des experts, seuls capables de comprendre les règles économiques universelles immuables, qui rendent de facto inutiles la confrontation de projets de sociétés différents, et subséquemment les débats contradictoires dans le cadre de l'agon, bien qu'ils soient depuis plus de deux millénaires l'essence même de la démocratie. O tempora, o mores !

 

Le tittytainment

 

Si les questions importantes n'ont été au mieux qu'effleurées durant cette campagne, l'inutile et l'accessoire ont quant à eux rempli les journaux... numériques (sic !) dans la mesure où désormais une campagne électorale se fait à grands renforts de vidéos sur les réseaux asociaux du type Twitter, Tik Tok, Facebook, Instagram... Avec pour résultat que la campagne électorale prend des tours de kermesse populaire, de divertissement national, dont le clou du spectacle est le débat de l'entre-deux-tours.

 

Dans L’Enseignement de l’ignorance et ses conditions modernes (Climats, 1999), Jean-Claude Michéa analysait de façon méthodique le monde du divertissement dans lequel nous sommes entrés depuis les années 1980, tournant du siècle qui a marqué la victoire de l'idéologie néolibérale dans toutes les disciplines, à commencer par l'économie. À l'analyse critique émancipatrice que l'école cherchait à apprendre à nos parents pour en faire des citoyens actifs (Cf. Condorcet), succède un enseignement de l'ignorance indispensable pour éviter la révolte au sein du système capitaliste actuel et sa chute. Et la classe inversée, les activités pédago-ludiques et autres fadaises n'en sont malheureusement que le dernier avatar.

 

Il base une partie de sa démonstration sur le concept de tittytainment, mot-valise employé par Zbigniew Brzezinski lors d'une conférence qui s'est tenue en 1995 sous l’égide de la fondation Gorbatchev. Il s'agissait de fournir une réponse à une évolution perçue comme inévitable par les leaders politiques et économiques : 80 % de l'humanité deviendra inutile au système capitaliste, car les 20 autres pour cent suffiront à maintenir l'activité économique mondiale ; comment gouverner les Hommes dans ces conditions ? Par le tittytainment bien sûr - version moderne de l’expression romaine Panem et circenses - c'est-à-dire par un savant "cocktail de divertissement abrutissant et d’alimentation suffisante permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète". D'où l'enseignement de l'ignorance dans nos écoles, le développement d'émissions de télévision abrutissantes et des journaux télévisés sans contenu informationnel ! Bref, un retour à la société du spectacle décrite avec brio par Guy Debord en 1967.

 

De Juvénal à nos jours, le moyen de faire perdurer une société déclinante (décadente ?) est par conséquent toujours le même, mais il n'empêche pas l'effondrement final. Autres temps, mais pourtant mêmes mœurs ?

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13 avril 2022 3 13 /04 /avril /2022 14:17

 

 

Lors de son allocution très mouvementée à Strasbourg, le candidat Emmanuel Macron a déclaré que "la réforme fiscale faite en début de quinquennat a permis de faire revenir de l'investissement" et "qu'on ne peut pas répartir des richesses qu'on ne produit pas". Cette remarque, a priori frappée au coin du bon sens, cache en réalité une vision très particulière de l'économie qui fait de l'épargne un préalable à l'investissement. 

 

L'allocution de Macron

 

Voici ci-dessous un très court extrait des propos tenus par Emmanuel Macron sur l'ISF et la redistribution des richesses, mais libre aux plus courageux ou téméraires d'écouter l'intégralité des propos :

Deux visions économiques

 

Dans la théorie néoclassique, l'investissement dépend d'une épargne préalable. C'est tout le génie de Keynes que d'avoir inversé cette causalité : c'est l’investissement qui entraîne l’épargne ! Pour comprendre ces deux visions opposées du fonctionnement de l'économie, revenons à une identité macroéconomique simple : le revenu global de l'économie (R) est utilisé pour consommer (C), investir (I), réaliser des dépenses publiques (G), exporter (X) net des importations (M).

 

R = C + I + G + X - M

 

Ajoutons à cette identité macroéconomique une autre identité liée à l'épargne de la nation (ou épargne nationale), qui agrège l'épargne des ménages, des entreprises et de l'État. Puisque l'épargne est définie comme le revenu courant moins les dépenses en besoins courant, si l'on suppose pour simplifier que l'ensemble des dépenses de consommation (C) et des dépenses publiques (G) sont des dépenses en besoin courant, alors l'épargne d'une nation (S) s'écrit : S=R-C-G. L'on en déduit :

 

S - I = X - M

 

À partir de ces deux identités macroéconomiques, les néoclassiques en déduisent que l’investissement doit être financé par une épargne préalable provenant des ménages (revenus non consommés), des entreprises (profits non distribués), de l'État (excédent budgétaire) ou de pays étrangers qui prêtent leur excédent extérieur. Il faut donc à tout prix favoriser l'épargne par des politiques accommodantes envers les ménages les plus riches (fiscalité faible, inflation modérée...), des politiques de l'offre pour soutenir les profits des entreprises (réduction et simplification de la fiscalité, réduction des coûts salariaux...), des politiques de réduction des dépenses publiques afin que l'État dégage un excédent budgétaire.

 

Au contraire, les keynésiens en déduisent que l'épargne n'est pas un préalable à l'investissement et constitue même un problème pour l'économie s'il s'agit d'un revenu thésaurisé.  Il suffit pour s'en convaincre de se rappeler que les banques commerciales n'accordent pas les crédits sur la base de fonds préalables en caisse, mais qu'elles créent la monnaie (scripturale) au moment même de l'opération de crédit.

 

On l'aura compris, dans ses déclarations Emmanuel Macron s'est fait le chantre de la vision néoclassique et même néolibérale. Pourtant, les crises économiques qui se sont succédé depuis trois décennies et la crise sanitaire ont clairement montré les limites d'une telle approche. Mais que faire face à une vision de l'économie devenue idéologie ?

 

P.S. L'image de ce billet provient de cet article des Échos.

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6 avril 2022 3 06 /04 /avril /2022 11:40

 

 

Comme un marronnier, voilà qu'a refleuri dans les médias (juste avant la guerre en Ukraine) le déficit de la balance commerciale : "Déficit commercial : la France s'enfonce", "La France confrontée au pire déficit commercial de son histoire", "Déficit commercial record pour la France en 2021"... Et toujours cette obsession pour le commerce des biens dans une économie où les services pèsent pourtant très lourd ! C'est pourquoi après mes articles sur les prix de l'énergie, la stagflation et le rôle de la politique monétaire, plongeons sans attendre dans les chiffres du commerce extérieur de la France.

 

Balance commerciale et taux de couverture

 

La balance commerciale est le compte qui retrace la valeur des biens exportés et la valeur des biens importés sur la base des statistiques douanières. Le solde du commerce extérieur est la différence entre la valeur des exportations et celle des importations. Si celui-ci est positif, on parle d'excédent commercial, sinon il s'agit d'un déficit commercial. Il est à noter que contrairement aux États-Unis entre autres, la balance commerciale en France ne couvre pas les services, qui figurent dans la balance des biens et des services.

 

Le taux de couverture du commerce extérieur est le rapport entre la valeur des exportations et celle des importations :

 

 

* lorsque le taux de couverture est inférieur à 1, la balance commerciale est déficitaire ;

 

 * lorsque le taux de couverture est égal à 1, la balance commerciale est équilibrée ;

 

 * lorsque le taux de couverture est supérieur à 1, la balance commerciale est excédentaire.

 

Notons que la balance commerciale (et donc le taux de couverture), peut être relative à un produit ou à l'ensemble des échanges de produits.

 

Le déficit commercial de la France

 

Commençons par ce graphique qui présente l'évolution du solde commercial de la France depuis 2004, date à laquelle elle devient structurellement déficitaire :

 

[ Source : Rapport 2022 sur le commerce extérieur ]

 

Avec la hausse importante des prix de l'énergie en 2021, rien d'étonnant à ce que les importations soient en hausse par rapport à 2020. Cependant, l'on constate que même hors énergie, la balance commerciale française est déficitaire. Globalement, selon le rapport 2022 sur le commerce extérieur, en 2021, les exportations de la France sont en hausse de 17 % et les importations de 18,8 %. Au total, le déficit commercial de la France s'est dégradé de 20 milliards d'euros et s'élève à 84,7 milliards d'euros en 2021 (64,8 milliards d'euros hors énergie et matériel militaire).

 

Les chiffres clés du commerce extérieur de la France en 2021

 

Toujours selon le rapport 2022 sur le commerce extérieur, voilà les principaux éléments à retenir sur le commerce extérieur de la France (chiffres, principaux partenaires, secteurs concernés...) :

 

[ Source : Rapport 2022 sur le commerce extérieur ]

 

Le solde commercial de quelques autres pays de l'UE

 

Le graphique ci-dessous présente le solde de la balance commerciale pour plusieurs pays de l'UE. Il faut néanmoins rester prudent sur l'interprétation de ces chiffres, puisqu'ils ne tiennent pas définition pas compte des services et ne permettent certainement pas de conclure qu'en Allemagne tout va bien et qu'à l'inverse au Royaume-Uni tout va mal, comme je l'ai expliqué dans mon livre Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l'économie.

 

 

[ Source : OCDE ]

 

Est-ce grave docteur ?

 

Ce qui compte vraiment, ce n'est pas tant le solde des seuls biens (balance commerciale), mais celui des biens, services, revenus (salaires, dividendes, intérêts…) et de certains transferts (dons, aides…). L'on obtient alors la balance courante, présentée sur le graphique ci-dessous :

 

 

[ Source : Rapport 2022 sur le commerce extérieur ]

 

Et l'image qu'elle donne du commerce extérieur est bien différente de celle qui résultait de la seule prise en compte des biens. En effet, même si le solde commercial est déficitaire, c'est tout le contraire pour les services dont le solde connaît un record, ce qui reflète la réalité de l'économie française où la part de l'industrie est déclinante (désindustrialisation) et où les emplois se situent essentiellement dans le secteur des services. Au total, le solde de la balance courante s'est amélioré, passant de -43,7 milliards d'euros en 2020 à -23,2 milliards en 2021.

 

Ces chiffres sont donc loin d'être catastrophiques, mais ils doivent faire réfléchir sur les choix politiques faits depuis trois décennies, d'autant que la crise liée à la covid-19 rappelle au demeurant qu'au-delà des chiffres, le commerce international soulève des questions de souveraineté et de sécurité trop longtemps occultées… En tout état de cause, l'illusion d'une économie de la connaissance sans industrie (fabless pour reprendre les mots d'un grand patron français...) a contribué à une désindustrialisation accélérée. De là découle notamment une baisse tendancielle des gains de productivité et de la croissance potentielle.

 

 

[ Source : Natixis ]

 

Et comme le rappelle Vincent Vicard, directeur adjoint du CEPII, dans une entrevue accordée au Monde, les politiques publiques de baisse d'impôts sur la production et de réindustrialisation ont largement échoué à inverser la tendance, car la délocalisation reste un outil très prisé des multinationales françaises... À trop lorgner du côté de la compétitivité prix, l'on finit par oublier les autres dimensions de la compétitivité comme la qualité.

 

Or, faut-il rappeler que ce n'est pas en accompagnant la dégradation du tissu industriel d'une dégradation des conditions de travail que l'on inversera cette tendance. Et dire qu'il aura fallu attendre Macron, chantre de la flexibilité rebaptisée flexisécurité, pour que la question de la souveraineté économique refasse surface, même si la gestion de la crise de la covid-19 a montré l'incapacité du gouvernement français à ajouter des actes aux paroles ! Et que dire de cette lubie pour les seules start-up, alors que l'essentiel de l'emploi est lié aux industries plus traditionnelles, qu'il faudrait accompagner dans leur transition écologique (entre autres).

 

Bref, année après année, les dirigeants politiques déplorent le déficit commercial sans en analyser les causes dont ils sont souvent en partie responsables... et surtout sans se donner les moyens d'y répondre !

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30 mars 2022 3 30 /03 /mars /2022 13:38

 

 

Après mes billets sur la hausse des prix, le taux d'activité et la stagflation, je souhaitais revenir sur la politique monétaire, que j'ai enseignée cette année en L2 à l'Université de Nancy. En effet, l'on est en droit de se demander quel est l'objectif des Banques centrales en la matière, surtout lorsqu'elles semblent hésiter à modifier leur politique face à la hausse des prix. Et si le véritable objectif de la politique monétaire n'était plus (seulement) la stabilité des prix ? 

 

Qu'est-ce que la politique monétaire ?

 

L'on appelle politique monétaire un ensemble d'actions dont l'objectif est d'agir à court terme sur la situation économique (croissance/expansion, emploi, niveau général des prix, solde extérieur, bref les objectifs matérialisés par le célèbre carré de Kaldor), par l’intermédiaire de la quantité de monnaie en circulation et/ou du taux d’intérêt.

 

Depuis les années 1980, en Europe, c'est l'objectif de stabilité des prix qui prime tous les autres. Ainsi, l’article 127, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne définit l’objectif principal de l’Eurosystème : « L’objectif principal du Système européen de banques centrales [...] est de maintenir la stabilité des prix. […] Sans préjudice de l’objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union, tels que définis à l’article 3 du traité sur l’Union européenne ».

 

Dans un souci de simplification, je n'aborderai pas les objectifs intermédiaires et opérationnels, puisque cela n'apporterait rien à ce billet (je laisse cela à mes étudiants...). Précisons seulement qu'ils servent à atteindre l'objectif final au moyen d'instruments comme le contrôle du crédit, le contrôle des changes, les taux directeurs, les réserves obligatoires...  Les principaux canaux de transmission de la politique monétaire sont le crédit, le taux de change, le prix des actifs (effets de richesse). Autrement dit, si l'on considère le canal du crédit, lorsque la Banque centrale veut relancer l'économie, elle baisse en général ses taux d'intérêt directeurs afin de rendre la ressource monétaire moins chère. Or, ce canal fonctionne actuellement plutôt mal...

 

La politique monétaire de la BCE

 

L'évolution du principal taux directeur montre que la BCE mène une politique monétaire ultra-expansionniste :

 

 

[ Source : Caisse des Dépôts ]

 

 

Certains se demandent maintenant pourquoi la BCE ne sort pas encore de cette politique monétaire expansionniste, sachant que l'inflation fait son retour. Tout d'abord, il faut rappeler que le consensus a longtemps porté sur une inflation seulement transitoire, dans la mesure où elle résulte pour l'essentiel d'une reprise post-confinement simultanée dans le monde et d'une envolée des prix de l'énergie.

 

[ Source : Eurostat ]

 

Difficile alors de démêler la part conjoncturelle de la part structurelle, d'autant que la guerre en Ukraine est venue tout compliquer... Et comme je l'ai expliqué dans ce billet, l'inflation est avant tout un rapport social. Or, le pouvoir de négociation des salariés concernant le partage des revenus est devenu structurellement faible dans la zone euro. Ce sont donc les effets éventuels effets de second tour qu'il faut surveiller, c’est-à-dire les éventuelles hausses de salaire liées à la hausse des prix à la consommation.

 

En effet, l'inflation suppose une hausse généralisée et autoentrenue des prix à la consommation. Et pour l'instant, dans la zone euro, si l'on observe des effets de second tour sur la production (hausse des coûts de production liés à des hausses de prix des intrants), rien de tel n’est vraiment visible du côté des salaires. D'où les manifestations et grèves pour tenter d'arracher un petit quelque chose.

 

Aux États-Unis, la situation est très différente, puisque l’inflation dépend certes pour une part des prix de l'énergie, mais elle aussi d'une forte hausse des salaires et des prix de production des entreprises.

 

 

[ Source : Direction générale du Trésor ]

 

Les vrais objectifs de la BCE

 

Hélas, malgré toutes les mesures mises en œuvre par la BCE depuis près de 10 ans (baisse des taux directeurs, assouplissement des conditions de refinancement des banques, quantitative easing, etc.), la politique monétaire a échoué à tous les niveaux : taux d'inflation très loin de sa cible, investissement productif en berne, croissance atone...

 

Et si les vrais objectifs étaient ailleurs ? Le premier est qu'à la faveur de taux d'intérêt bas, les États en difficulté n'ont pas fait défaut sur leur dette publique. Il est vrai que la BCE a peur de revivre l'enchaînement cataclysmique de 2009, où la chute de la croissance en Europe s'était accompagnée d'une crise bancaire et financière, bien entendu soldée par les ménages ! Cela nous amène à un deuxième objectif inavouable, mais lié à la question de l'inflation : "préserver la rentabilité des actifs" comme l'explique Olivier Passet dans la vidéo ci-dessous :

Et pendant ce temps, l'activité économique (l'économie réelle) est plutôt en berne après le vif rattrapage de l'année passée, d'où un risque de stagflation. Mais qui s'en soucie vraiment, alors même que nous sommes entrés dans la dernière ligne droite d'une non-campagne présidentielle témoignant d'une grave crise démocratique ?

 

P.S. L'image de ce billet provient de cet article du site La finance pour tous.

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23 mars 2022 3 23 /03 /mars /2022 11:12

 

 

Ces derniers temps, j'ai rédigé de nombreux billets en lien avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Ainsi, ai-je évoqué les prix de l'énergie, le réseau d'interconnexion bancaire SWIFT, dont certaines banques russes ont été suspendues, et la possibilité d'une stagflation.

 

Il y a quelques jours, Moselle TV m'a demandé de m'exprimer sur les conséquences économiques de cette invasion, exercice auquel je me suis prêté à distance et en direct, pour un format d'environ 7 minutes à retrouver ci-dessous (à la 20e minute) :

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16 mars 2022 3 16 /03 /mars /2022 13:23

 

 

Après mes billets sur les prix de l'énergie et le réseau d'interconnexion bancaire SWIFT, nous allons évoquer aujourd'hui une configuration économique que l'on croyait oubliée depuis longtemps : la stagflation. De quoi s'agit-il ? Faut-il s'en inquiéter ? Que faire ? Voilà le programme de ce billet...

 

La stagflation, c'est quoi ?

 

À la suite des travaux d'Alban William Phillips de 1958,  les économistes pensaient que chômage et inflation étaient négativement liés entre eux, c'est-à-dire qu'une hausse du taux de chômage allait de pair avec une inflation modérée :

 

[ Source : Wikipédia ]

 

De là découlait une prescription de politique économique : il faut choisir entre lutter contre l'inflation ou lutter contre le chômage, comme si l'État ne pouvait actionner qu'une seule manette à la fois. Puis, dans les années 1960 au Royaume-Uni et dans la décennie suivante en France, on vit apparaître une situation économique surprenante caractérisée par la stagnation de l’activité économique (donc faible croissance et chômage élevé) et une hausse généralisée des prix. À situation nouvelle, mot nouveau : stagflation (contraction de stagnation et inflation) !

 

L'inflation aux États-Unis et dans la zone euro

 

Selon Eurostat, en janvier, le taux d’inflation annuel de la zone euro s’est établi à 5,1 % en janvier 2022, contre 0,9 % un an auparavant. Dans le détail, alors que le taux annuel d'inflation annuel était de 3,3 % en France, 4,5 % en Autriche et 5,1 % en Allemagne, il était de 7,6 % aux Pays-Bas et de 8,5 % en Belgique. 

 

 

[ Source : Eurostat ]

 

Mais lorsque l'on regarde les principales composantes de l'inflation dans la zone euro, c'est l'énergie qui arrive très largement en tête :

 

 

[ Source : Eurostat ]

 

Aux États-Unis, l’inflation dépend certes pour une part des prix de l'énergie, mais elle résulte aussi d'une forte hausse des salaires et des prix de production des entreprises.

 

 

[ Source : Direction générale du Trésor ]

 

Mais que ce soit aux États-Unis ou dans la zone euro, l'activité est plutôt en berne après le vif rattrapage de l'année passée :

 

 

[ Source : FMI ]

 

Que faire contre la stagflation ?

 

Il y a quelque temps, j'avais expliqué dans un billet que l'inflation n'est pas forcément une mauvaise chose, pour peu qu'elle reste contenue. D'ailleurs, comme l'inflation dans la zone euro résulte avant tout de l'évolution des prix de l'énergie, il serait malvenu de passer à une politique monétaire trop restrictive. En effet, qu'on le veuille ou non, nos économies restent très dépendantes du pétrole et restreindre l'accès aux liquidités n'arrangerait en rien la situation.

 

Le point nodal est que l'inflation est avant tout un rapport social. Or, le pouvoir de négociation des salariés concernant le partage des revenus est devenu structurellement faible dans la zone euro. Ce sont donc les éventuels effets de second tour qu'il faut surveiller, c’est-à-dire les éventuelles hausses de salaire liées à la hausse des prix à la consommation. En effet, l'inflation suppose une hausse généralisée et autoentrenue des prix à la consommation. Et pour l'instant, dans la zone euro, si l'on observe des effets de second tour sur la production (hausse des coûts de production liés à des hausses de prix des intrants), rien de tel n’est vraiment visible du côté des salaires. En revanche, aux États-Unis, ces effets de second tour sont bien présents :

 

 

[ Source : Natixis ]

 

La Banque centrale des États-Unis (Fed) cherche dès lors à lutter contre l’inflation en évoquant une augmentation prudente de ses taux directeurs, car la croissance n'est pas au beau fixe et les incertitudes nombreuses. Il existe donc un risque d'étouffer la croissance et de précipiter l'économie en récession des deux côtés de l'Atlantique. D'où les réticences des banquiers centraux à resserrer trop tôt et trop vite la politique monétaire, malgré les cris d'orfraie de ceux qui possèdent le plus de patrimoines, alors qu'ils ne sont pas les plus à plaindre : que dire de ceux qui n'ont que leur modeste salaire et subiront également un ralentissement ou une récession économique (perte d'emploi, précarisation de l'emploi, diminution de rémunération totale...), comme je l'ai montré dans cet article ?

 

En définitive, le véritable problème est que s'il doit y avoir stagflation aux États-Unis ou dans une moindre mesure au sein de la zone euro, elle arriverait au pire moment, après une succession de cataclysmes aux répercussions mondiales :

 

 * pandémie de covid-19, qui a passablement dégradé les comptes des Banques centrales et des États et qui n'est toujours pas terminée, même si en France le gouvernement a choisi d'y mettre fin par décret le 14 mars ;

 

 * invasion de l'Ukraine et sanctions contre la Russie dont les conséquences seront certainement énormes, mais difficilement quantifiables pour l'instant (réorganisation des flux commerciaux, nature et coût de l'approvisionnement en gaz/pétrole, choix de politique monétaire, choix de la monnaie de réserve internationale...).

 

Il devient donc urgent pour les Banques centrales de ne surtout pas resserrer trop vite et trop fort leur politique monétaire, et d'attendre de pouvoir mieux analyser la situation actuelle. Quant aux États, il serait bon qu'ils s'engagent dans de véritables politiques budgétaires de soutien à la demande et pas des rustines du type chèque inflation et primes en tous genres...

 

P.S. L'image de ce billet provient de cet article du site Le Nouvel Économiste.

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9 mars 2022 3 09 /03 /mars /2022 13:18

 

 

Après mon article sur l'exclusion de nombreuses banques russes du système SWIFT, qui interconnecte les institutions bancaires dans le monde, il m'a semblé utile de consacrer un article à l'évolution des prix du gaz et du pétrole. En effet, à force d'évoquer les conséquences des sanctions sur l'économie russe, les dirigeants politiques de l'ancien et du nouveau monde ont oublié que nos économies souffrent aussi...

 

Évolution des prix du pétrole

 

Avant même l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les prix du pétrole étaient sur une pente ascendante en raison de la reprise simultanée de l'activité dans le monde après la pandémie. Dès lors, les ambitions géopolitiques de la Russie, qui semblent avoir pris de court le président Macron, ne pouvaient que conduire à des tensions supplémentaires sur le marché du pétrole. Qu'on en juge à l'évolution du baril de Brent sur 5 ans et sa croissance exponentielle depuis peu :

 

 

[ Source : Boursorama.com ]

 

L'incertitude est d'autant plus grande que la Russie est dans le peloton de tête des pays producteurs de pétrole :

Infographie: Les plus gros producteurs mondiaux de pétrole | Statista Vous trouverez plus d'infographie sur Statista

Cela laisse présager le pire pour le prix du baril si le pays était limité dans ses exportations. Or, Joe Biden vient d'annoncer, ce 8 mars, que les États-Unis s'apprêtaient à imposer un embargo sur le pétrole russe : en quelques minutes, le prix du Brent s'envolait de 7 % ! Et François Hollande vient d'ajouter sa pierre à l'édifice des idées malvenues en proposant que l'UE arrête ses approvisionnements en gaz russe.

 

Résultats en France (et plus généralement en Europe, d'autant que l'euro est faible actuellement) :

 

 * à la pompe

 

 

[ Source : https://www.ecologie.gouv.fr ]

 

 * à la cuve

 

 

[ Source : https://www.ecologie.gouv.fr ]

 

Évolution des prix du gaz

 

En ce qui concerne le gaz, la Russie possède la plus grande part des réserves mondiales (environ 20 %) et occupe le deuxième rang mondial dans la production :

 

 

[ Source : BP ]

 

L’UE cherche depuis quelques mois à diversifier ses approvisionnements en comptant notamment sur le gaz naturel liquéfié (GNL), mais les choses sont ce qu'elles sont : la dépendance au gaz russe est très importante !

Infographie: Quels pays européens dépendent le plus du gaz russe ? | Statista Vous trouverez plus d'infographie sur Statista

Dès lors, lorsque les facteurs négatifs se conjuguent (hiver long, incertitude sur les exportations de gaz russe, incertitude sur le paiement en raison de l'exclusion de SWIFT...), l'on assiste inévitablement à une hausse des prix du gaz sur le marché de référence en Europe, le TTF (Title Transfer Facility) aux Pays-Bas :

 

 

[ Source : Powernext.com ]

 

Dans ces conditions, l'on imagine mal l'Allemagne accepter un embargo européen sur le gaz, même si Emmanuel Macron dans sa fougue belliqueuse pousse à la roue. François Hollande vient pourtant d'ajouter sa pierre à l'édifice des idées malvenues en proposant que l'UE arrête ses approvisionnements en gaz russe, évoquant des "compensations" et des "interventions de marché" en cas d'envolée des prix... Engie, qui a déjà laissé quelques plumes ces derniers jours avec la suspension de l’autorisation d’exploitation du gazoduc géant Nord Stream 2, prévient que l'Europe pourrait manquer de gaz russe dès l'été et qu'une rupture d'approvisionnement conduirait à un scénario de l'extrême...

 

Quant au prix de l'électricité, j'invite le lecteur à jeter un œil sur cet article que j'avais écrit en 2021 et qui reste d'actualité. Et je ne parle même pas des autres matières dont le prix s'envole (Aluminium, Nickel...) et notamment les céréales (blé..).

 

En tout état de cause, cette crise mondiale va mettre à l'épreuve les grands discours et engagements sur la transition énergétique. Mais en attendant, je reste surpris que la grogne sociale soit encore contenue. Certes, il est vrai que les gouvernements, en particulier en France, cherchent à éviter l'explosion sociale qui couve en augmentant les dépenses publiques pour compenser la volatilité des prix et souvent leur hausse. Ainsi, après le chèque énergie de 100 euros, il est désormais question d'un plan de résilience. Mais aucun plan de type rustine ne pourra venir à bout d'une incertitude majeure, doublée d'un éventuel affolement des marchés.

 

Le pire n'est jamais certain, mais l'on s'en approche...

 

P.S. L'image de ce billet provient de cet article de la Voix du Nord.

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