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10 juin 2014 2 10 /06 /juin /2014 09:11

Euro-coule.jpg

 

Dans l'actualité dominée par les petites faiblesses des dominants politiques, les récentes mesures adoptées par la BCE devraient donner à réfléchir sur le risque de déflation dans la zone euro. Commençons donc par quelques rappels sur l'inflation et la déflation, avant d'analyser les mesures prises par la BCE pour lutter tardivement contre cette menace.

 

La déflation


Le phénomène contraire de l'inflation est la déflation, c'est-à-dire une diminution générale et durable des prix (certains parlent également d'inflation négative). Au reste, il ne faut pas confondre la déflation avec la désinflation, qui est un ralentissement du rythme de l'inflation. Depuis mi-2012, la zone euro montrait des signes de recul très rapide du taux d'inflation :

 

Evolution-inflation-zone-euro.jpg

[ Source : Le Monde ]

 

Mais les derniers mois ont montré que le glissement était enclenché pour de bon :

 

Inflation-eurostat-mai-2014.jpg

[ Source : Eurostat ]

 

L’inflation anticipée sur les marchés financiers (appelée swap d'inflation) est elle aussi en baisse pour la zone euro.

 

La spirale déflationniste

 

Si cette baisse du taux d'inflation permet certes de redonner provisoirement un peu de pouvoir d'achat aux ménages, elle fait malheureusement aussi monter les taux d’intérêt réels à long terme de la zone euro. Les taux d'intérêt réels deviennent alors supérieurs à la croissance en volume de la zone euro, ce qui alourdit l'endettement - notamment public - et réduit encore un peu plus l'activité en Europe.

 

Et si l'inflation devait carrément devenir négative, la situation serait encore plus dangereuse puisqu'il est très difficile de sortir de la déflation par des politiques économiques et monétaires conventionnelles (voir ci-dessous)...

 

Spirale-deflationniste2.jpg

 

[ Source : L'Expansion ]

 

De quels moyens dispose la BCE ?

 

Jusqu'à présent, la BCE n'a que très peu réagi à ce recul marqué du taux d'inflation qui a pourtant débuté mi-2012. Au contraire, elle a même laissé la base monétaire de la zone euro se contracter et l’euro s’apprécie, ce qui a provoqué l'ire d'un ministre français...

 

Pour faire remonter les anticipations d'inflation, et dans un deuxième temps l'inflation elle-même, la BCE dispose tout d'abord des politiques monétaires conventionnelles :

 

 * utilisation des taux directeurs : le principal taux directeur est le taux d’intérêt auquel les banques commerciales se refinancent auprès de la Banque centrale ; ainsi plus il est élevé plus les banques payent leurs ressources chères, et donc moins elles sont incitées à prêter. Dans le cas présent, la BCE peut encore très légèrement abaisser son principal taux directeur, mais qui est déjà tangent à 0.

 

 * stérilisation : pour faire simple cela correspond au retrait de la liquidité injectée dans le système, afin de limiter les risques d'inflation. Dans le cas présent, la BCE pourrait déstériliser ses interventions pour justement créer les conditions de l'inflation.

 

Et quand il y a le feu au lac, elle peut se tourner vers des politiques monétaires non-conventionnelles comme c'est le cas aux États-Unis et au Japon par exemple :


 * forward guidance : c'est en quelque sorte l’engagement de la Banque centrale à ne pas modifier ses taux d’intérêt directeurs pendant une longue période de temps ; cela dépend donc fortement de la crédibilité de la Banque centrale.

 

 * taux des dépôts négatif : comme ce taux rémunère l'argent placé par les banques auprès de la BCE, le rendre négatif (c'est-à-dire faire payer aux banques le droit de déposer de l'argent) forcerait les banques à prêter leurs fonds.

 

 * quantitative easing (= assouplissement quantitatif) pour accroître la quantité de monnaie en circulation dans l’économie.

 

 * achats de dettes privées, de crédits bancaires et d’ABS pour faire baisser les primes de risque, c'est-à-dire notamment faire baisser les marges de taux d’intérêt sur les crédits

 

Quelles sont les décisions prises par la BCE ?

 

BCE-mesures.jpg

[ Source : Le Point ] 

 

Dans le détail, la BCE nous a gratifiés donc d'un cocktail composé de plusieurs ingrédients :

 

 * une baisse de son principal taux directeur de 0,25 % à 0,15 %

 

 * une baisse de son taux de facilité de prêt marginal de 0,75 % à 0,40 % => c'est le taux d'intérêt auquel les banques commerciales empruntent des liquidités à la BCE en dehors des opérations principales de refinancement.

 

 * un passage en territoire négatif de son taux de dépôt (-0,10 %) => c'est le taux d'intérêt auquel la BCE rémunère les liquidités excédentaires que les banques commerciales déposent sur les comptes de dépôt de la BCE.

 

 * la fin de la stérilisation.

 

Et le plus important, la BCE vient d'annoncer deux LTRO sur 4 ans. Mais de quoi s'agit-il ? Déjà utilisée en 2011 et 2012, cette arme du LTRO (Long-Term Refinancing Operation) est une opération de refinancement à long terme, ici 4 ans, proposée par la Banque centrale européenne. Plus précisément, la BCE offrira aux banques de la zone euro des prêts à 4 ans, en vue d'injecter des liquidités dans le système financier qui, on l'espère, devraient atterrir ensuite dans l'économie réelle cette fois.

 

En effet, on se souvient qu'en 2011 et 2012, c'est environ 1 000 milliards d'euros de liquidités qui avaient été fournies au marché, et qui malheureusement n'avaient servi pour l'essentiel qu'à acheter de la dette d'État avec au passage de confortables marges de taux... Pendant ce temps, on devait constater une baisse de près de 50 % de la production de crédits immobiliers entre 2011 et 2012 et plus généralement de grandes difficultés pour les entreprises à trouver un financement adéquat.

 

Cette fois la BCE a promis de tirer les leçons de ses échecs et conditionnerait ses prêts, dans le sens où les banques pourront faire appel à ces fonds LTRO à la condition de prêter des fonds aux ménages et entreprises. A suivre...

 

Quelle est la finalité de ces mesures ?

 

Faisons simple. L'injection de liquidités à bas coût doit permettre :

 

 * un refinancement pas cher aux banques

 

 * une relance du crédit aux ménages et aux entreprises avec des coûts faibles

 

 * une reprise de la consommation et de l'investissement

 

 * une augmentation de la croissance

 

 * une hausse des anticipations d'inflation et ensuite de l'inflation proprement dite

 

 * éventuellement, mais non avoué pour l'instant, provoquer une baisse de l'euro

 

Bref, c'est un nombre important de conséquences positives que l'on attend de ces mesures. Mais je crains fort que ces mesures ne suffiront pas, car elles viennent trop tard et dans un contexte d'économie anémié par l'austérité généralisée.

 

De plus, de nature prudente, j'ai toujours des doutes quant à la volonté des banquiers de reprêter ces fonds aux autres agents économiques, d'autant qu'actuellement on assiste à un vaste processus de désendettement au sein de la zone euro. En outre, le risque est grand que ces liquidités abondantes créent l'illusion que le contexte économique s'améliore parce que les Bourses montent comme, alors que nous sommes au bord du précipice !

 

Il est donc fort probable que la BCE devra revenir sur cette question très vite, et passer à des mesures non conventionnelles du type assouplissement quantitatif. Celles-ci prendraient probablement la forme d'achats de dettes publiques sans risque en contrepartie d'un accroissement de sa base monétaire.

 

Mais même si on arrive à colmater (certes à la force brute) la voie d'eau sur le navire européen, il manquera toujours l'essentiel à la zone euro : un fédéralisme pour fonctionner à peu près correctement et une politique budgétaire et fiscale à même de relancer l'économie... A défaut, l'option sortie de la zone euro, que j'avais présentée dans ce billet, reste pour l'instant la plus valable afin de briser la spirale de la déflation salariale et du moins-disant social !

 

 

Pour finir, j'ai profité de mon passage sur TV Cristal pour effleurer pendant 23 minutes ces questions d'inflation et de déflation !

TV-Cristal-2-juin-2014.jpg

 

[ Cliquer sur l'image pour voir la vidéo sur le site de TV Cristal ]

 

 

N.B : l'image de ce billet provient de cet article de Marianne

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3 juin 2014 2 03 /06 /juin /2014 10:48

 

Compétitivité Europe

 

La compétitivité serait-elle le nouveau nom de ce qui a été sacrifié sur l'autel de la monnaie unique ou bien un rêve fuyant que les pays européens ne pourront caresser qu'au prix d'une austérité toujours accrue ? Et du reste, est-ce bien certain que restaurer la compétitivité de nos entreprises débouchera sur des créations d’emplois comme annoncé avec trompettes et tambours par le gouvernement français ?

J'ai déjà esquissé certains éléments de réponse dans un billet de mon blog, dans un texte publié dans La Tribune et lors de plusieurs cours et conférences.

 

Dernière en date, une émission de 38 minutes que j'ai enregistrée sur TV Cristal et durant laquelle j'ai pu rentrer dans les détails et méandres de la compétitivité !

TV-Cristal-19-mai-2014.jpg

 

[ Cliquer sur l'image pour voir la vidéo sur le site de TV Cristal ]

 

 

N.B : l'image de ce billet provient de cet article de Challenges.fr

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27 mai 2014 2 27 /05 /mai /2014 11:11

smic.jpg 

Les attaques contre le SMIC sont nombreuses, mais depuis quelques temps elles se font plus intensives si on en juge par le nombre de "célébrités" du monde économique qui appellent à une réforme : le triumvirat Cette-Cohen-Aghion, Pascal Lamy, Francis Kramarz,... Mais au fait, le SMIC c'est quoi ? Qui le touche ? Tous les pays européens ont-ils un salaire minimum ? Le SMIC est-il condamné ? Réponse dans ce billet, avec des compléments disponibles dans ce livre !

 

Qu'est-ce que le SMIC et qui le perçoit ?

 

Le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) est le salaire horaire minimum légal en France métropolitaine ainsi que dans les départements d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Institué en 1970, il remplace le SMIG (salaire minimum interprofessionnel garanti) qui datait de 1950. A noter qu'il exista également un SMAG (salaire minimum agricole garanti) bien moins généreux que le SMIG, mais en 1968 décision fut prise d'aligner le SMAG sur le SMIG.

 

En 1950, le SMIG concernait 16 % des travailleurs, alors qu'en 2013 le SMIC concernait environ 12 % des salariés (cliquer pour agrandir) :

 

Salaries-SMIC.jpg

[ Source : INSEE ]

 

Il faut néanmoins remarquer que le SMIC est un minimum horaire (9,53 euros de l'heure actuellement), ce qui signifie qu'un salarié à temps partiel payé au SMIC ne touchera donc pas forcément un salaire suffisant pour vivre... et peut facilement se retrouvait sous le seuil de pauvreté monétaire fixé à 977 euros par mois pour un célibataire. En outre, il existe encore des grilles de salaires dans certaines branches qui démarrent sous le SMIC, bien que cela soit en voie de résorption...

 

Mais ce qui m'inquiète le plus, c'est le contournement légal du SMIC sous couvert d'aider à l'insertion des jeunes. Ainsi, voit-on fleurir de nombreuses exceptions à la rémunération minimale dans le cas des contrats d'apprentissage, de professionnalisation, des stages, etc., ce qui est très fermement dénoncé notamment par le collectif Génération Précaire

 

Tous les pays européens ont-ils un salaire minimum ?

 

Un salaire minimum légal national s'applique (ou va s'appliquer comme en Allemagne en 2015 à 8,50 euros de l'heure) dans 22 des 28 États membres de l'Union européenne. Seuls le Danemark, l'Italie, l'Autriche, la Finlande, la Suède et Chypre font exception ; dans ces pays le salaire minimum est fixé soit par négociations entre les partenaires sociaux, soit par des accords de branche.

 

Salaires-minimum.png

 

[ Source : Le Monde ]

 

Ainsi, au moment où la France s'interroge sur la nécessite de maintenir un salaire minimum assez élevé, d'autres pays prennent le contrepied et pas qu'en Europe ! On pense bien entendu aux États-Unis où Barack Obama, dans le cadre de son programme de lutte contre les inégalités, a décidé de revaloriser par décret le salaire minimum pour les deux millions d'employés de sociétés privées au service de l'État fédéral ; celui-ci augmentera donc progressivement sur 3 ans pour passer de 7,25 $ à 10,10 $. Même le très libéral Royaume-Uni s'est prononcé pour une augmentation substantielle de son salaire minimum légal.

 

Certes le niveau du salaire minimum doit être fixé judicieusement pour éviter que les salariés peu qualifiés, qui ont une productivité faible, ne soient exclus définitivement du marché du travail. Mais n'oublions jamais qu'en plus d'être pour certains un moyen de lutter contre la pauvreté et les inégalités, le salaire minimum est avant tout un moyen de garantir une valeur minimale au travail et d'inclure tous les salariés au sein de la société.

 

C'est ce que l'UE ne semble pas avoir compris puisque bien que la création d'un salaire minimum européen, fixé par exemple en fonction du salaire médian ou moyen du pays, est crédible, elle reste le serpent de mer - pour ne pas dire l'arlésienne ! - d'une Union européenne qui se voulait pourtant sociale... Le typhon électoral d'hier sera-t-il à même de changer la donne ? Au vu des déclarations des uns et des autres, je crains que non malheureusement...

 

Cette semaine, j'ai profité de ma chronique sur Mosaïk TV pour évoquer le SMIC. Celle-ci a été diffusée dans le journal du lundi 26 mai :

 

Mosaik-26-mai-2014.jpg

[ Cliquer sur l'image pour voir la vidéo sur le site de Mosaïk ]

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20 mai 2014 2 20 /05 /mai /2014 14:35

Robinet-euros.jpg

 

Face au risque déflationniste dont j'ai parlé dans ce billet et à la croissance qui reste faible, certains évoquent la possibilité pour la BCE de passer au quantitative easing. De quoi s'agit-il ? Que peut-on en espérer ? Réponse dans ce billet un peu long mais qui je l'espère vous fournira beaucoup d'informations !

 

Le constat

 

 * sur le front de l'inflation et du chômage

 

Selon l'INSEE, en mars 2014, l’indice des prix à la consommation (IPC) est en hausse de 0,4 %, soit 0,6 % sur un an. Hors tabac, il croît de 0,5 % en mars 2014 et également de 0,5 % sur un an. Corrigé des variations saisonnières, l'IPC se replie de 0,1 % en mars 2014. On note un repli des prix de l'énergie et de l'alimentation. L’inflation sous-jacente (ISJ) augmente quant à elle très faiblement de 0,1 % en mars 2014, soit 0,4 % sur un an.

 

Glissements annuels de l'indice des prix à la consommation (IPC) et de l'inflation sous-jacente (ISJ)

 

Inflation-mars-2014.png

[ Source : INSEE  - indice des prix à la consommation ]

 

Selon l'INSEE, le taux de chômage s'élève à 9,8 % de la population active, en recul de 0,1 point par rapport au troisième trimestre 2013. Il n'en fallait pas plus pour que le gouvernement affirme avoir inversé la courbe du chômage !

 

Chomage-INSEE-2014.png

 

[ Source : INSEE ]

 

Pourtant, le nombre des inscrits à Pôle emploi continue d'augmenter :

 

demandeurs-emplois.jpg

[ Source : 20 minutes ]

 

  Au niveau de la zone euro, la situation est sensiblement la même :

 

Constat-zone-euro.jpg

[ Source : OFCE ]

 

Au reste, l’inflation anticipée sur les marchés financiers (appelée swap d'inflation) est elle aussi en baisse pour la zone euro. Cette situation de recul prononcé de l'inflation résulte tout à la fois du niveau élevé du chômage, du faible niveau du taux d’utilisation des capacités de production et de toutes les politiques d'austérité qui ont contribué à faire reculer salaires et coût salariaux dans la zone euro.

 

 * sur le front du crédit

 

On assiste à un recul du crédit au secteur privé (en raison du durcissement des conditions de crédit mais aussi parce que les agents se désendettent), qui conduit au ralentissement de la masse monétaire :

 

[ Natixis ]

 

De plus, la base monétaire se contracte au sein de la zone euro en raison du remboursement des prêts accordés par la BCE, ce qui se traduit par une baisse de la taille du bilan de la BCE :

 

Taille-bilan-BCE.jpg

[ OFCE ]

 

Que fait la BCE ?

 

La plupart des Banques centrales ont pour objectif (pas forcément unique du reste) la stabilité des prix. C'est le cas de la Banque centrale européenne (BCE), qui traduit cela par l'objectif chiffré suivant : maintenir l'inflation au-dessous, mais à un niveau proche, de 2 %, sur le moyen terme.

 

Mais autant la BCE semble durcir très vite la politique monétaire au moindre signe d'inflation anticipée, afin d'éviter de devoir mener une politique monétaire très restrictive (forte hausse des taux d’intérêt) qui risque de conduire à une récession, autant la BCE n'a que très peu réagi, c'est un euphémisme, à la baisse marquée de l'inflation depuis mi-2012. Au contraire, elle a laissé la base monétaire de la zone euro se contracter et l’euro s’apprécier jusqu'au point où il est devenu une question conflictuelle :

 

Taux de change euro-dollar

 

Euro-dollar-novembre-2013.jpg

[ Source : Bloomberg ]

 

Faire remonter les anticipations d'inflation, et dans un deuxième temps l'inflation elle-même, va donc devenir difficile surtout que les marges sur les taux directeurs de la BCE sont devenues très faibles, le taux principal étant déjà à 0,25 %. C'est d'ailleurs en baissant ce taux de 0,25 points, que la BCE a explicitement fait comprendre qu'elle prenait toute la mesure du risque déflationniste, dont il faut rappeler qu'il conduit - s'il se matérialise - à un alourdissement de l'endettement réel, qui mène à l'augmentation des défauts d'emprunteurs et à des faillites bancaires.

 

Il est donc question depuis quelques semaines de passer à des politiques monétaires non conventionnelles, et la réunion du mois de juin sera scrutée à la loupe par tous les acteurs du monde économique puisqu'on évoque une nouvelle baisse des taux de 0,15 points.


Les politiques monétaires

 

En période "normale", les Banques centrales atteignent leurs objectifs grâce à des politiques monétaires conventionnelles :

 

 * utilisation des taux directeurs : le principal taux directeur est le taux d’intérêt auquel les banques commerciales se refinancent auprès de la Banque centrale ; ainsi plus il est élevé plus les banques payent leurs ressources chères, et donc moins elles sont incitées à prêter. Dans le cas présent, la BCE peut encore très légèrement abaisser son principal taux directeur, mais qui est déjà tangent à 0.

 

 * stérilisation : pour faire simple cela correspond au retrait de la liquidité injectée dans le système, afin de limiter les risques d'inflation. Dans le cas présent, la BCE pourrait déstériliser ses interventions pour justement créer les conditions de l'inflation.

 

Mais lorsque les canaux de transmission de la politique monétaire ne fonctionnent plus de manière satisfaisante (c'est le cas actuellement puisque les agents se désendettent, ce qui rend inefficace le canal des taux directeurs), les Banques centrales pratiquent des politiques monétaires non-conventionnelles comme c'est le cas aux États-Unis et au Japon par exemple :


 * forward guidance : c'est en quelque sorte l’engagement de la Banque centrale à ne pas modifier ses taux d’intérêt directeurs pendant une longue période de temps ; cela dépend donc fortement de la crédibilité de la Banque centrale.

 

 * taux des dépôts négatif : comme ce taux rémunère l'argent placé par les banques auprès de la BCE, le rendre négatif (c'est-à-dire faire payer aux banques le droit de déposer de l'argent) forcerait les banques à prêter leurs fonds.

 

 * quantitative easing (= assouplissement quantitatif) pour accroître la quantité de monnaie en circulation dans l’économie.

 

 * achats de dettes privées, de crédits bancaires et d’ABS pour faire baisser les primes de risque, c'est-à-dire notamment faire baisser les marges de taux d’intérêt sur les crédits

 

Quel type de quantitative easing pour la BCE ?

 

Il semble fort peu probable que la BCE, au vu de son mandat et des contraintes exercées par l'Allemagne, se lance dans un vaste programme de rachats d'actifs risqués en échange de création monétaire. En revanche, la BCE pourrait très bien accroître sa base monétaire par l’achat de dettes publiques sans risque.

 

Si la BCE s'engage dans un tel assouplissement quantitatif, certes elle aura un moyen de lutter contre la déflation, mais il ne faut pas oublier les risques d'une telle politique monétaire :

 

 * baisse des rendements sur les dettes publiques de la France et de l'Allemagne. Certes cela peut être une bonne nouvelle pour financer la dette publique, mais il ne faut pas que les investisseurs se rabattent alors massivement sur les dettes publiques des pays du Sud de la zone euro, afin d'y trouver des rendements plus intéressants.

 

 * écrasement des primes de risque et donc baisse artificielle des taux des obligations publiques.

 

 * resserrement des primes de risque sur les actifs risqués car la liquidité créée ira s'investir dans des actifs risqués plus rémunérateurs. Il y aura donc une élévation du risque global.

 

Il faut cependant garder à l'esprit que si le quantitative easing a relancé quelque peu l'économie aux États-Unis et au Japon, c'est d'abord parce que l'effet de richesse est beaucoup plus marqué dans ces pays qu'en Europe. Rappelons que les effets de richesse consistent en une hausse de la consommation et des achats immobiliers liées à la très forte augmentation des cours boursiers et des prix de l'immobilier.

 

Or, au sein de la zone euro la demande est déprimée, le désendettement se poursuit, les effets de richesse sont faibles, donc il semble difficile d'attendre une reprise de l'économie avec une telle politique monétaire. Mais son but principal n'est-il pas surtout de nous sauver de la déflation dans un premier temps ? Dans ce cas, un quantitative easing sera très utile ! Ensuite, il faudrait enfin penser à une politique budgétaire et fiscale pour relancer l'économie... ou sortir de la zone euro comme je l'ai expliqué dans ce billet, afin de briser la spirale de la déflation salariale et du moins-disant social !

 

N.B : l'image de ce billet vient de cet article du site ZDnet.

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13 mai 2014 2 13 /05 /mai /2014 11:31

 

Euro brisé

 

L'objet de mon blog a toujours été de décrypter l'économie et de m'exprimer sans langue de bois sur les thèmes que j'aborde. C'est pourquoi j'ai expliqué sans détours dans un récent billet ce qu'on pouvait attendre du plan d'austérité du gouvernement, qui n'est en fait que l'ultime viatique trouvé par des politiques à court d'idées pour financer 41 milliards d'euros distribués aux entreprises et respecter l'engagement de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB en 2015.

 

Au sein de la zone euro, si l'austérité n'apporte pas les résultats attendus, c'est d'abord parce qu'elle est pratiquée dans de nombreux pays d'Europe (il ne faut pas oublier que l'Union européenne est aussi une vaste zone de commerce interne et que les problèmes économiques des uns finissent dès lors par devenir ceux des autres) et ensuite parce qu'elle étouffe toute forme de reprise économique.

 

Tout se passe malheureusement comme si l'appartenance à la zone euro se résumait pour certaines populations a subir années après années des plans d'austérité, plus exactement des politiques de dévaluation interne. Pour mémoire, en l'absence de possibilité de dévaluer la monnaie, les pays en perte de compétitivité-prix pratiquent une baisse des coûts salariaux et des prix, que l'on appelle précisément dévaluation interne ou ajustement nominal.

 

Selon la théorie, comme les prix et les salaires baissent parallèlement, les salaires réels ne varient pas et la compétitivité s'améliore à l'export. Or, en raison de la rigidité des prix (des exportations et de la consommation), la diminution des salaires conduit le plus souvent à la baisse du pouvoir d'achat des ménages, à une compression de l'activité et donc à une hausse du chômage !

 

Bref, en l'état, la zone euro est incapable de répondre efficacement aux problèmes économiques et sociaux des pays membres, puisque ces derniers sont très hétérogènes et que la politique économique et monétaire, par définition unique, ne peut convenir à toutes les économies.

 

C'est du reste ce que prouvent les décisions de la BCE depuis le début de la crise, depuis la création du MES (alors qu'un renflouement public est en principe interdit par les Traités) jusqu'au récentes rumeurs concernant l'utilisation de politiques non conventionnelles pour faire face à la déflation (dont je vous parlerai dans un prochain billet), en passant par l'OMT (programme de rachat de titres de dette d'États de la zone euro, sévèrement critiqué par l'Allemagne) et le sauvetage calamiteux de Chypre. Quant aux appels pressés et pressants pour faire "baisser" l'euro, ils resteront lettre morte puisqu'il n'existe pas de moyen simple - ni de volonté commune - de mener une telle politique.

 

Dans ces conditions, il est illusoire de croire que la crise de la zone euro est finie. Bien au contraire, les gouvernements en Europe ne cessent d'appliquer des politiques néolibérales qui conduisent tout à la fois à une stagnation de la productivité globale des facteurs, des gains de productivité quasi nuls, une faiblesse des dépenses de R&D (recherche-développement), une désindustrialisation, une stagnation voire un recul de l'investissement des entreprises, une perte de capital humain suite au chômage élevé et de longue durée.


En outre, les politiques économiques menées au sein de la zone euro nous engagent désormais dans la grande course à la déflation salariale et au moins-disant social, oubliant de la sorte les leçons de l'histoire (déflation Laval en France, déflation Brüning en Allemagne).

 

Mais que l'on se rassure, la finance obtient ce qu'elle souhaite : pseudo-loi de séparation bancaire, Union bancaire en forme d'usine à gaz, poursuite de la consanguinité entre banquiers et politiques, défenses des intérêts bancaires face à ceux des collectivités territoriales,... En d'autres termes, dormons tranquille, car si la société grecque a été détruite c'était juste pour sauver les banques françaises et allemandes !

 

C'est pourquoi, dans le gloubi-boulga des solutions envisageables pour sortir de la crise et remettre la finance au service de l'économie réelle, j'ai acquis la conviction que le seul moyen efficace serait la sortie de l'euro, ce que j'ai cherché à expliquer en quelques images dans la vidéo ci-dessous :

 

 

Certains esprits chagrins me diront que cette solution est celle avancée par le Front National. A ces personnes, j'opposerai deux arguments :

 

 * d'une part ce n'est pas parce que le FN s'est saisi d'une question que plus personne n'a le droit d'y réfléchir et d'apporter des compléments, sauf à accepter que le débat démocratique devienne captif des intérêts politiques,

 

 * d'autre part, je penche pour un retour à un  système de change fixe mais ajustable à l'instar de ce que fut l'ECU sous Giscard d'Estaing, c'est-à-dire une monnaie commune mais pas unique ! Mais dans l'opinion, ce scénario est souvent confondu avec l'idée du FN, qui consiste à revenir à la situation qui prévalait en 1973 où la Banque de France prêtait au Trésor français sans intérêt...

 

Des études sérieuses ont été menées pour soutenir cette proposition de sortie ordonnée de l'euro avant qu'elle n'arrive par la force des choses, notamment par Jacques Sapir. Elles montrent notamment qu'une telle solution serait favorable à notre industrie, mais que bien entendu elle aurait aussi des conséquences négatives notamment en matière d'inflation. Il ne s'agit donc pas d'une solution miracle, mais d'une solution crédible dans le contexte actuel ; le chemin sera difficile, mais l'enjeu est de redonner du souffle aux économies meurtries par le carcan monétaire. Frédéric Lordon vient du reste lui aussi de se prononcer sur la sortie de l'euro dans son dernier livre.

 

Quant à ceux qui affirment de manière péremptoire qu'il est impossible de quitter l'euro, ils nient de la sorte que la monnaie est une construction humaine, et qu'à l'image de tout ce que les hommes ont construit, il est possible de la modifier, de la faire évoluer, voire de la révolutionner, afin de tendre vers l'intérêt général... des peuples et non de la finance !

 

C'est pourquoi, j'ose affirmer en retour que ne pas opérer de changement alors qu'aujourd'hui la crise ne semble plus vouloir s'arrêter au sein de la zone euro, c'est au mieux confirmer l'admirable lucidité de Tocqueville lorsqu'il évoquait le "despotisme doux" en démocratie qui "réduit chaque nation à n'être qu'un troupeau d'animaux timides et industrieux dont le gouvernement est le berger", au pire prendre le risque d'aboutir à des troubles politiques graves, comme les prochaines élections européennes risquent fort de le démontrer.

 

Ainsi, et je le répète, l’Union européenne n’est pas la zone euro et il est donc important de dissocier la construction politique de l’Europe de la monnaie unique. Si l'Euro est condamné à mon sens - et il l'était depuis son origine puisque la zone euro n'avait aucune chance d'être une ZMO -, cela ne remet certainement pas en cause le projet européen de paix entre les nations.


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7 mai 2014 3 07 /05 /mai /2014 10:52

Les grands débats économiques actuels

 

Le temps des concours approche et c'est pourquoi je vous rappelle mes deux livres, qui peuvent vous être utiles pour votre préparation et vos révisions d'une épreuve d'économie : les grands mécanismes de l'économie en clair et les grands débats économiques actuels, aux éditions Ellipses.

 

Ce dernier ouvrage est construit sous la forme de 25 débats qui permettent de saisir les principales idées et théories développées par les économistes, avec en appui de nombreux graphiques, schémas et encadrés qui en faciliteront la lecture. Pour compléter l’ensemble, un glossaire et une bibliographie ont été ajoutés en fin d’ouvrage.

 

Ci-dessous une petite vidéo de présentation de mon livre :

 

 

Ajoutons que les chapitres sont indépendants les uns des autres et présentent plusieurs niveaux de lecture, de sorte que les débutants tout comme les lecteurs avertis pourront y trouver des éléments intéressants.


Parmi les thèmes qui sont traités dans mon livre, on peut ainsi citer notamment : L'Allemagne est-elle un modèle économique pour l'Europe ? (Chap. 1), Comment faire face à la crise du logement ? (Chap. 23), Faut-il diminuer les dépenses publiques ? (Chap. 7), La TVA sociale va-t-elle rendre les entreprises plus compétitives ? (Chap. 16), Une taxe carbone en France peut-elle faire baisser la pollution ? (Chap. 15), Faut-il augmenter le SMIC ? (Chap. 19), Le système de retraite français est-il condamné ? (Chap. 25),...

 

En vente dans toutes les librairies !

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30 avril 2014 3 30 /04 /avril /2014 11:02

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Dans mon précédent billet j'évoquais le plan d'austérité Valls et rappelais que l'austérité n'apportera pas les résultats attendus, d'une part parce qu'elle est généralisée dans de nombreux pays d'Europe et d'autre part elle étouffe toute forme de reprise économique.

 

Mais pour en revenir à la situation franco-française, le gouvernement multiplie les cadeaux hors de prix et sans effets certains aux entreprises : crédit d'impôt compétitivité emploi (20 milliards d'euros), baisse des cotisations sociales patronales (10 milliards d'euros), suppression progressive de la C3S (6 milliards d'euros), suppression de la surtaxe sur l'impôt sur les sociétés en 2016 (2,5 milliards d'euros), baisse du taux normal de l'IS en 2017 (2,5 milliards d'euros). Bref, de 30 milliards d'euros annoncés, on en est déjà à 41 milliards et on se demande toujours quelles contreparties on peut en espérer, car ça commence à faire cher l'emploi...

 

Dès lors, pour financer ces 41 milliards d'euros distribués aux entreprises et respecter son engagement de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB en 2015 - contre 4,3 % aujourd'hui, le gouvernement devra fort probablement pratiquer des coupes dans les dépenses publiques à hauteur de 80 voire 100 milliards d'euros, donc bien loin des 50 milliards annoncés ! Et je vous laisse alors imaginer les conséquences économiques et sociales de telles coupes sur 270 milliards de dépenses...

 

Certes il y a eu le vote consultatif du Parlement mardi, dont le seul intérêt aura été de faire couler beaucoup d'encre dans les rédactions de presse, d'autant plus que Manuel Valls avait écrit une lettre à tous les parlementaires socialistes (cliquer sur l'image pour voir la lettre dont LCP s'est procuré une copie) où il confirme que le gouvernement pilote désormais l'économie avec des oeillères néolibérales :

 

Lettre.jpg

Le plus ironique est de lire sous la plume du Premier ministre que ce Pacte doit aller de pair avec "un renforcement déterminé de la lutte contre la fraude fiscale". Pourtant il ne peut ignorer l'excellent rapport parlementaire rendu par Alain Bocquet et Nicolas Dupont-Aignan en 2013, et qui concluait que la fraude fiscale coûte chaque année entre 60 et 80 milliards d'euros !

 

Oui, vous avez bien lu 60 à 80 milliards, c'est-à-dire bien plus que les 50 milliards de coupes claires qui sont prévues ; et si je vous disais que cela représente presque la totalité du déficit public ? Il y a donc même quelque chose de cynique à demander des efforts conséquents aux uns lorsque les autres (une minorité de la population) profitent des failles du système ou fraudent sans complexes pour notamment ne pas contribuer à l'effort collectif, expression bien éculée du reste en politique...

 

Mais nombreux sont ceux qui ignorent que la France devra ensuite transmettre sa trajectoire budgétaire triennale à la Commission européenne, qui rendra son verdict le 2 juin prochain. En effet, la France est déjà sous surveillance renforcée pour reprendre le jargon de l'institution européenne, ce qui implique que les services de la Commission vont vérifier si la France a bien appliqué les recommandations de juin 2013 en matière de déficit public nominal et structurel.

 

Il y a alors trois possibilités qui sont bien résumées par l'infographie suivante issue du Figaro :

 

Commission-e.jpg

 

[ Source : le Figaro ]

 

Bref, ce sont donc bien les services de la Commission européenne qui décideront de la validité du plan d'austérité Valls, et non le Parlement français dont le vote n'est que consultatif comme mentionné plus haut... Et en fin d'année, rebelote pour l'élaboration du budget 2015, où il faudra à nouveau tenir compte des recommandations de la Commission européenne, conformément à la procédure de semestre européen :

 

Semestre-europeen.gif

[ Source : Sénat ]

 

En complément du semestre européen, on trouve dans l'arsenal communautaire le Traité pour la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG, dit Pacte budgétaire) ainsi que ses avatars ("two-pack", "six-pack",...). Mais quel que soit le nom de la gangue, le fruit mauvais reste le même : le déficit devra tendre vers 0, ce qui est synonyme de perte d'autonomie budgétaire.

 

Se priver de la politique monétaire et maintenant de la politique budgétaire en pleine crise, il fallait y penser non ? Au fait, on fait comment pour piloter l'économie d'un pays sans politique économique autonome ?

 

J'ai du reste profité de ma chronique sur Mosaïk TV pour évoquer les politiques de rigueur. Exceptionnellement, celle-ci a été diffusée dans le journal du mercredi 30 avril (jour de mon anniversaire, ça ne s'invente pas de parler d'austérité un tel jour pour un économiste !)  :

 

Mosaik-30-avril-2014.jpg


[ Cliquer sur l'image pour voir la vidéo sur le site de Mosaïk ]


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22 avril 2014 2 22 /04 /avril /2014 11:04

Austerite.jpg

 

Comme je le disais dans ce précédent billet, le nouveau gouvernement de Manuel Valls a décidé de garder le cap vers les récifs, comme en témoigne le montant colossal de son "plan d'économies" : l'État participerait à hauteur de 19 milliards d'euros, la Sécurité sociale 21 milliards et les collectivités locales 10 milliards d'euros.

 

Comment s'articule ce plan ?

 

Réponse dans cette infographie :

 

economies-Valls.jpg

[ Source : DNA ]

 

Rappelons que, suite à la déclaration de politique générale de Manuel Valls, la feuille de route est dorénavant la suivante :

 

 

Bref, au-delà des mesures nécessaires mais qui prendront beaucoup de temps à être mises en oeuvre (fusion des régions notamment pour limiter le mille-feuille administratif), on revient à la vieille politique du rabot qui n'a pas fait ses preuves mais dont on ne saurait se passer selon un théorème Shadok. C'est ainsi qu'il faut comprendre le gel des prestations sociales et du point d’indice des fonctionnaires.

 

Est-ce un plan d'austérité ou d'économies ?

 

Au-delà des éléments de langage qui polluent le discours politique, il est bien entendu évident que ces 50 milliards d'euros ne peuvent être des "économies" ; il s'agit bel et bien de coupes claires dans les budgets publics. Pour le comprendre, il suffit de ramener ces 50 milliards d'euros à l'échelle du budget 2014 :

 

PLF2014-2.jpg

[ Source : La Dépêche ]


PLF2014-2-copie-1.jpg

[ Source : PLF 2014 ]


50 milliards sur 200 milliards de dépenses inscrites au budget général, ça fait donc 25 % ! On ne peut donc raisonnablement plus appeler cela des économies sur le budget, ce qui laisserait à penser qu'il suffit de couper dans quelques dépenses de fonctionnement inutiles ou somptuaires pour y arriver... Dans le cas présent, il faudra nécessairement couper aussi dans les dépenses d'investissements ce qui aura un impact sur la croissance potentielle.

 

Et encore, avec ces 50 milliards d'euros le gouvernement veut avant tout financer sa politique de soutien aux entreprises, baptisée Pacte de responsabilité puis renommé il y a quelques jours  Pacte de responsabilité et de solidarité afin de laisser penser qu'il y aura un peu quelque chose pour les ménages modestes...

 

En effet, pour financer les baisses de cotisations sociales prévues dans ce pacte (avec des contreparties tellement vagues qu'on se demande si elles existent...), le gouvernement ne se sentant plus capable de mettre à plat la fiscalité afin de prélever chez ceux qui s'affranchissent de verser leur obole (le grand soir fiscal aurait-il déjà fait long feu ?), il a décidé de couper dans les dépenses publiques : 18 milliards d'euros en 2015 et 2016 et 17 milliards en 2017, après 15 milliards en 2014 !

 

Au bout du compte, si la France veut financer les 30 milliards d'euros de cadeaux faits aux entreprises et respecter son engagement de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB en 2015, alors il est fort probable que le montant des dépenses à couper s'élèvera entre 80 et 100 milliards d'euros, donc bien loin des 50 milliards annoncés !

 

Les conséquences d'un tel plan d'austérité

 

L'idée du gouvernement est donc de couper dans les dépenses publiques afin d'équilibrer le budget :

 

Previsions-deficits.jpg

[ Source : PLF 2014 ]

 

Or, contrairement à ce que répètent à l'envi les dirigeants politiques de tous bords, le budget d'un État n'a rien en commun avec celui d'un ménage. En effet, si le ménage veut réduire son endettement et rééquilibrer son budget, il peut (et il devra même !) réduire ses dépenses au niveau de ses recettes dans un premier temps.

 

Dans le cas de l'État, une baisse de ses dépenses aura des conséquences sur les recettes futures, puisqu'une partie des dépenses publiques influence directement le fonctionnement d'autres agents économiques au travers des subventions, allocations, crédit d'impôt, etc. Ces derniers consommeront et investiront par conséquent moins, ce qui débouchera sur de moindres rentrées fiscales pour l'État.

 

Cet enchaînement est bien connu des économistes et s'appelle le multiplicateur budgétaire. Pourtant, nombre d'entre-eux ont négligé son influence négative dans le cas des politiques d'austérité, d'où le mea culpa du FMI qui, en 2013, reconnaissait avoir sous-estimé le multiplicateur budgétaire en Grèce, ce qui signifie que lorsque le pays réduisait ses dépenses publiques de 1 milliard d'euros, son PIB diminuait non pas de 0,5 milliards d’euros comme attendu mais probablement de 0,9 à 1,7 milliards d'euros !

 

Même au sein du PS certains commencent à s'inquiéter de cette spirale récessive, à tel point que le programme de Manuel Valls est menacé de ne pas avoir le soutien du parti. C'est pourquoi, des députés du PS membres de la commission des finances, cherchent désormais un scénario alternatif pour éviter les conséquences catastrophiques que j'ai détaillées plus haut.

 

L'austérité généralisée au sein de la zone euro ajoute au problème

 

Au sein de la zone euro, si l'austérité n'apporte pas les résultats attendus, c'est aussi parce qu'elle est d'une part généralisée dans de nombreux pays d'Europe (il ne faut pas oublier que l'Union européenne est aussi une vaste zone de commerce interne et que les problèmes économiques des uns finissent dès lors par devenir ceux des autres) et d'autre part elle étouffe toute forme de reprise économique.

 

L'OFCE a ainsi conclu que, en dehors des mesures prises par le gouvernement Valls, la croissance sera déjà amputée de 0,9 point en 2014 et de 0,7 point en 2015 en raison des politiques d'austérité (internes à la France ou pratiquées en Europe). En y intégrant les récentes mesures, la croissance ralentirait à 1 %, c'est-à-dire toujours trop peu pour créer des emplois ! 

 

Il faudrait donc que les gouvernements en Europe cessent d'appliquer des politiques néolibérales qui conduisent tout à la fois à une stagnation de la productivité globale des facteurs, des gains de productivité quasi nuls, une faiblesse des dépenses de R&D (recherche-développement), une désindustrialisation, une stagnation voire un recul de l'investissement des entreprises, une perte de capital humain suite au chômage élevé et de longue durée.

 

De plus, les dirigeants ne semblent pas comprendre que nous nous engageons, en Europe et désormais en France, dans la course à la déflation salariale et au moins-disant social, oubliant dès lors les leçons de l'histoire (déflation Laval en France, déflation Brüning en Allemagne). Pourtant, faut-il encore rappeler que tant qu'il n'y aura pas anticipation d'une hausse de la demande, les entreprises n'investiront pas et se refuseront à embaucher quand bien même leurs marges seraient plus élevées.

 

On se dirige donc en Europe, et en particulier en France, vers la déflation, sans s'apercevoir que l'on crée chaque jour les conditions pour ne plus en sortir... Voilà pourquoi Paul Krugman, Prix Nobel d'économie, s'est profondément énervé en entendant parler de la politique économique de François Hollande, au point de commettre un billet de blog incendiaire...

 

Mais Paul Krugman se serait certainement arraché les cheveux s'il avait lu que l'UDI propose 80 milliards de coupes et que, d'après un sondage BVA pour i>télé/CQFD, 50 % des sondés ont été convaincus par les mesures d'économies présentées par le gouvernement, 59 % approuvant même la baisse des dépenses de l'assurance maladie qui va pourtant les toucher !

 

A croire qu'à force de leur répéter inlassablement les mêmes messages biaisés et fallacieux, les Français finissent par prendre des vessies pour des lanternes, ou plus exactement des coupes massives et aveugles dans les dépenses publiques pour des mesures salutaires... N'est-ce pas le retour à la grande saignée économique ?

 

N.B : l'image de ce billet provient de cet article de la CGT

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15 avril 2014 2 15 /04 /avril /2014 11:08

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Après le modèle allemand dont on nous a longtemps rebattu les oreilles, voici que se font entendre des voix qui vantent le dynamisme du modèle économique britannique, entre croissance et pression fiscale faible. Mais qu'en est-il réellement ?

 

Les performances actuelles du Royaume-Uni

 

Dans la période récente, la croissance au Royaume-Uni est devenue plus forte que dans la zone euro :

 

Croissance-RU.jpg

[ Source : Coe-Rexecode ]

 

A cela s'ajoute une baisse du taux de chômage :

 

Chomage-RU.jpg

[ Source : Capital.fr ]

 

Et une baisse du taux d’impôt sur les profits des sociétés :

 

IS-Europe.png

[ Source : Le Monde ]

 

Les caractéristiques du modèle économique britannique

 

Le modèle économique du Royaume-Uni se caractérise principalement par :

 

 * un commerce extérieur dominé par les services. En effet, le Royaume-Uni connaît un très important excédent commercial des services (finance, assurance, informatique, mais hors tourisme) :

 

Excedents-services-RU.png

[ Source : Natixis ]

 

C'est du reste la seule chose positive - et encore cet excédent est surtout lié à la City -, car l'industrie connaît une situation épouvantable caractérisée par la faiblesse de l’investissement productif et le recul de la capacité de production de l’industrie... ce qui se traduit notamment par un déficit extérieur important (voir ci-dessous).

 

 * un important déficit extérieur facilement finançable

 

Flux-courts-terme-RU.jpg

[ Source : Natixis ]

 

Toute la question est donc de savoir par quel moyen le Royaume-Uni finance ce déficit extérieur. En regardant un peu plus en détails les flux de capitaux entrants, on constate que ce sont de gros volumes de capitaux à court terme qui servent à financer le Royaume-Uni, d'où clairement une fragilité du modèle économique britannique.

 

En ce qui concerne le déficit public (-6 % du PIB !), celui-ci est financé par les banques (décidément, City quand tu es là...) et même par la Banque d’Angleterre dans le cadre de sa politique monétaire non conventionnelle !

 

 * des effets de richesse puissants liés à la hausse des prix dans l'immobilier. Rappelons que les effets de richesse consistent en une hausse de la consommation et des achats immobiliers liées à la très forte augmentation des cours boursiers et des prix de l'immobilier. J'en avais déjà parlé dans ce billet consacré à la politique économique au Japon (appelée abenomics)

 

hausse des prix de l'immobilier au Royaume-Uni

 

Prix-immo-RU.jpg 

[ Source : www.thisismoney.co.uk ]

 

Hausse de la demande

 

Effets-de-richesse.jpg

[ Source : Natixis ]

 

Ainsi, lorsque la richesse (immobilière et/ou financière) des ménages au Royaume-Uni augmente grâce à cette hausse des prix, ces derniers se remettent à consommer et à investir. Or, même si ces effets de richesse sont beaucoup plus marqués aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Japon qu'en Europe, ils ne peuvent tenir lieu d'unique moteur de la croissance !

 

Un anti-modèle

 

En résumé, le modèle économique du Royaume-Uni se caractérise principalement par un commerce extérieur dominé par les services - en raison du surdimensionnement de la City - au détriment de l'industrie.

 

En ce qui concerne la croissance, dont on ne cesse de nous vanter le retour, il serait bon de se souvenir qu'elle est essentiellement basée sur les effets de richesse qui ne peuvent être un moteur à long terme de l'économie. Pour le dire autrement, la croissance n'a été soutenue, depuis 2008, que par une partie du secteur public épargnée par la rigueur et par l'immobilier (au risque de voir une nouvelle bulle immobilière).

 

Affirmer dans ces conditions que les politiques d'austérité - appelées dévaluations internes dans le jargon - ont réussi revient à négliger l'échec dans la réindustrialisation du Royaume-Uni, qui était pourtant l'un des principaux objectifs du gouvernement... Quant à la situation des ménages, si l'on exclu le surendettement, la hausse des inégalités, la perte d'influence des syndicats depuis Thatcher, la précarisation de l'emploi, le retour des soupes populaires, tout va bien... 


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8 avril 2014 2 08 /04 /avril /2014 10:41

Millefeuille-collectivites.png

 

Juste avant mon billet du 1er avril consacré à une invraisemblable hausse des salaires, j'ai profité des élections municipales pour donner quelques éléments de réflexion concernant les collectivités locales. Mes principales conclusions étaient qu'il fallait d'urgence rationnaliser les compétences et revoir la clause générale de compétence, qui débouche souvent sur des doublons et une grande inefficacité des dispositifs lorsque plusieurs collectivités se saisissent de la même compétence.

 

En effet, il y d'une part les 36 786 communes, 101 départements et 26 régions :

 

Competences-copie-1.jpg

[ Source : gouvernement.fr ]

 

Et d'autre part les groupements de collectivités territoriales, qui pullulent depuis la loi de juillet 1999 : syndicat intercommunal, communauté de communes, communauté de villes, communauté urbaine, communauté d'agglomération.

 

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[ Source : Le Monde ]

 

L'idée centrale qui a présidé à cette multiplication des collectivités est la décentralisation, c'est-à-dire le processus d’aménagement du territoire français qui consiste à transférer des compétences administratives de l’Etat vers des collectivités territoriales. Ce transfert devait en théorie s'accompagner des ressources correspondantes, mais souvent c'est là que le bât blesse... 

 

Pourtant, l'Alsace avait cherché à montrer qu'une alternative était possible en soumettant à référendum la création d'une collectivité unique pour l'Alsace, c'est-à-dire réunir le conseil régional et les conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin en un seul conseil d'Alsace uni. Mais l'échec cuisant a achevé de démontrer que les intérêts politico-politiques restent très forts au niveau des collectivités territoriales...

 

Rappelons enfin que la politique d'austérité menée par le gouvernement afin de trouver 50 milliards "d'économies" pour financer entre autres son pacte de responsabilité (dont j'ai parlé dans ce billet et dans cette tribune), semble se concentrer de plus en plus sur les collectivités territoriales dont on ne cesse de ressasser qu'elles pèsent 20 % de la dépense publique. On "oublie" juste de dire également que les collectivités territoriales sont à l'origine de près de 70 % des investissements publics !

 

Le nouveau gouvernement de Manuel Valls s'apprête d'ailleurs a gardé le cap vers les récifs, comme en témoignent ses "pistes d'économies" : selon le quotidien les Échos, l'État participerait à hauteur de 17 milliards d'euros, la Sécurité sociale 23 milliards et les collectivités locales 10 milliards d'euros.

 

Depenses-publiques.jpg

[ Source : Les Échos ]

 

Dans les grandes lignes, il est question :

 

 * pour l'État : de geler les dépenses en valeur, réaliser 1 milliard d'euros d'économie sur le budget de l'emploi (en période de crise avec un chômage aussi important, on craint le pire...), geler le point d’indice des fonctionnaires, baisser de 3 milliards d'euros la dotation aux opérateurs de l’État (le CNRS et Météo France risquent de déguster...), baisser de 10 milliards d'euros sur trois ans la dotation de l'État aux collectivités

 

 * pour les collectivités : de supprimer notamment la clause générale de compétence (acte 2, scène 29) et d'encourager la mutualisation des services entre collectivités

 

 * pour la Sécurité sociale : de poursuivre notamment la restructuration des hôpitaux, la hausse de la prescription de génériques, et de raboter encore une fois les prestations familiales (sujet dont j'ai parlé sur France Bleu Alsace).

 

En pratique, suite à la déclaration de politique générale de Manuel Valls, la feuille de route est la suivante :

 

 

Après tout cela, vous comprenez pourquoi j'ai consacré ma chronique du lundi sur Mosaïk TV (journal du lundi 07 avril, 22e minute environ) aux collectivités locales :

 

Mosaik-7-avril-2014.jpg

[ Cliquer sur l'image pour voir la vidéo sur le site de Mosaïk ]


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