Comme j'aime être à contre-courant en ces temps de grisaille dans ma région, je rédige aujourd'hui un petit billet sur les voyagistes. En effet, vous vous souvenez sans doute tous de la directive européenne sur les services, dite "Bolkestein", celle qui avait fait couler tellement d'encre (le fer de lance en avait été le plombier polonais...). Et bien, elle refait parler d'elle, puisque, bien que remaniée profondément, elle entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2010. Et la principale conséquence sera la suppression de la licence d'agent de voyages...
Qu'est-ce que cela signifie en pratique ? En théorie, n'importe qui pourra donc vendre une prestation de voyages. Il s'agit donc d'une libéralisation du secteur, dans le but de développer la sacro-sainte concurrence qui devrait faire baisser les prix. Evidemment, le syndicat national des agents de voyage (SNAV), qui regroupe les deux tiers de la profession, s'inquiète des conséquences de cette libéralisation pour les 3 000 entreprises et 5 500 points de vente qui ont réalisé un volume d'affaires, en 2007, d'environ 23 milliards d'euros.
Je comprends leurs craintes, puisque les exemples de libéralisation râtée sont légion, et pas seulement en France : Railtrack en Grande-Bretagne, distribution d'électricité en France (existe-t-il réellement une concurrence dans notre pays ?),... Le cas le plus célèbre reste bien sûr celui de la Californie en 2000 et en 2001. Les producteurs s’y sont entendus pour organiser une pénurie d’électricité et pour faire grimper les prix. Soit en mettant en réparation un grand nombre de centrales. Soit en congestionnant le réseau de lignes haute tension. Soit en exportant dans les Etats voisins, où une filiale du même groupe se chargeait de revendre l’électricité aux clients californiens. Cela avait nécessité l'intervention de l’Etat de Californie qui n’a mis un terme à l’envolée des prix et à la multiplication des coupures, qu’en fixant directement les prix du marché de gros. Puis il s’est endetté afin d’éviter la faillite des compagnies de distribution !
La véritable question est donc de savoir par quoi sera remplacée la licence de voyagistes après cette libéralisation ? La France ayant jusqu'au 28 décembre 2009 pour transposer cette directive dans notre droit national, elle ne propose pour l'instant que deux pistes de réponse : la première consisterait à obtenir une autorisation administrative préalable à l'exercice du métier d'agent de voyage. La deuxième pourrait être fondée sur une simple déclaration d'activité assortie d'un régime de sanctions.
Vous aurez compris que la deuxième piste ne recueille que très peu l'adhésion des professionnels... Pour ma part, ce qui m'inquiéterait si tout le monde pouvait vendre des voyages, serait surtout de savoir si les consommateurs auront les mêmes sécurités qu'auparavant, notamment en cas de défaillance de l'agence. A cela s'ajoute la question de la qualité du service, de la connaissance du métier, etc. Tant de critères qui rentrent en compte lors du choix d'une agence de voyages...