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9 septembre 2019 1 09 /09 /septembre /2019 14:15

 

 

Cocorico ! Selon l'INSEE, le taux de chômage trimestriel au sens du BIT a diminué de 0,2 point en moyenne sur le deuxième trimestre 2019, pour s'établir à 8,5 % de la population active en France (hors Mayotte). Mieux, ce taux est le plus bas niveau atteint depuis début 2009 ! Faut-il pour autant en déduire que tout va mieux en France depuis que les gouvernements successifs ont flexibilisé le marché du travail (loi travail, ordonnances Macron) ? Rien n'est moins sûr...

 

Évolution du taux de chômage

 

Le taux de chômage est en baisse depuis 2015, ce qui n'a pas manqué de provoquer des réactions de liesse tant dans le gouvernement précédent que dans l'actuel, chacun se félicitant de la prétendue efficacité de sa politique de l'emploi :

 

 

[ Source : INSEE ]

 

Hélas, comme je ne cesse de le répéter à mes étudiants, commenter l'évolution du taux de chômage sans dire un mot sur le taux d'activité, le chômage de long terme (900 000 personnes au chômage depuis plus d'un an !) et la qualité des emplois, revient à commenter des chiffres dans le vide. Ce d'autant plus que le marché du travail rêvé par les néolibéraux fait la part belle aux contrats précaires et au travail segmenté en temps et en lieu. D’aucuns argueront que c'est le propre des politiques (modernes) de communiquer sur le néant ; peut-être ont-ils raison ?

 

Évolution du halo de chômage

 

L'INSEE, qui fait bien son travail, rappelle régulièrement que "la définition et la mesure du chômage est complexe et extrêmement sensible aux critères retenus. En effet, les frontières entre emploi, chômage et inactivité ne sont pas toujours faciles à établir (exemple d'un étudiant qui travaille quelques heures par semaine...)". Ce faisant, il existe un halo du chômage, constitué des personnes qui souhaitent travailler mais ne sont pas classées comme chômeurs, soit parce qu'elles ne sont pas disponibles rapidement pour travailler (deux semaines), soit parce qu'elles ne recherchent pas activement un emploi. Ce halo de chômage s'élève tout de même à 1,5 million de personnes !

 

 

[ Source : INSEE ]

 

Évolution du taux d'activité

 

À la force de parler de ceux qui n'ont pas d'emploi, l'on finit par oublier que les chômeurs et les actifs occupés font partie d'un ensemble appelé population active. Ainsi, le niveau du chômage résulte de la différence entre la population active et les actifs occupés (=en emploi). Nous allons donc nous servir de deux indicateurs pour étudier le chômage :

 

 * le taux d'emploi, qui rapporte le nombre de personnes de 15 à 64 ans ayant un emploi au nombre total de personnes de 15 à 64 ans ;

 

 * le taux d'activité, qui rapporte le nombre de personnes de 15 à 64 ans qui ont un emploi ou en cherche un au nombre total de personnes de 15 à 64 ans.

 

Or, au deuxième trimestre 2019, le taux d’emploi des 15-64 ans a baissé de 0,1 point pour s'établir à 66,0 % et il a même diminué de 0,3 point pour les 15-24 ans. Quant au taux d'activité, il a baissé de 0,2 point.

Vu sous cet angle, la légère baisse du taux de chômage est donc loin d'être une bonne nouvelle puisqu'elle s'accompagne d'une légère baisse du taux d'activité. Si la tendance devait se confirmer, cela voudrait dire que de plus en plus de chômeurs se découragent de retrouver un emploi, ce qui fait mécaniquement baisser le taux de chômage mais témoigne en réalité d'une aggravation de la situation sociale !

 

Flexibilité et chômage

 

En prenant appui sur le concept de destruction créatrice de J. Schumpeter, auquel ils font dire plus qu'il ne signifie, d'aucuns se persuadent que la flexibilité (flexisécurité dans la novlangue macronienne) est le meilleur moyen d'accompagner ce processus vu comme inéluctable et bienfaisant pour l'économie à long terme. En gros, il s'agit donc d’abandonner les secteurs en déclin tout en aidant à la création d'emplois dans les nouveaux secteurs de l'économie. Ce faisant, les thuriféraires de la flexisécurité négligent juste que les emplois détruits ne sont pas nécessairement recréés en nombre égal dans les nouveaux secteurs d'activité. De plus, les qualifications n'étant pas les mêmes, rien n'assure le "déversement" d'un secteur à l'autre pour reprendre une expression popularisée par Alfred Sauvy. Quant aux salaires, le primat de la négociation au niveau des entreprises conduira inévitablement à un ajustement à la baisse des salaires.

 

En outre, il ne faut pas oublier qu'un emploi perdu n'est jamais simplement l'équivalent d'un emploi retrouvé, même s'il offre les mêmes conditions matérielles de subsistance. Au contraire, certains métiers font la fierté de ceux qui les exercent et ils ne peuvent être remplacés par d'autres emplois alimentaires sans conduire à la perte d'un savoir-faire et d'une logique de l'honneur au travail dont parlait Philippe d'Iribarne. La flexisécurité est donc un excellent moyen de réduire le taux de chômage, mais au prix d'une omerta sur toutes les questions de qualité de l'emploi, de déclassement professionnel et de mal-être au travail. Pourtant, l'on sait depuis longtemps que la multiplication des emplois aux conditions dégradées à un énorme coût social, mais certains préfèrent ne pas l'évoquer...

 

En définitive, en commentant ad nauseam cette légère baisse du taux de chômage sans évoquer au moins un minimum les autres aspects que nous avons brièvement passés en revue, le gouvernement démontre que le travail n'est pas sa priorité, mais juste un moyen d'asseoir une politique néolibérale pourtant contestée avec vigueur par les gilets jaunes ! Dans les conditions actuelles de fonctionnement du "marché du travail", le plein-emploi est loin de se confondre avec un taux de chômage très bas, surtout si ce dernier est obtenu au prix d'une austérité salariale (avec hausse du nombre de travailleurs pauvres), d'une dégradation des conditions de travail et d'une perte de sens...

 

Autrement dit, contrairement à la vision défendue par le gouvernement, un taux de chômage très bas obtenu de cette façon peut très bien conduire à une crise sociale majeure !

 

P.S. : l'image de ce billet provient de cet article d'Europe1.

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