Impossible de passer à côté de cette information économique, qui a fait la une avec le prix des carburants : après des mois de discussions, palabres et tergiversations, le gouvernement vient de rendre public son projet de loi de finances (PLF) pour 2024. PLF ? C'est le nom technique du budget de l'État selon la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001, qui a réformé l'ordonnance du 2 janvier 1959. C'est surtout la volonté du législateur de tendre vers un modèle managérial (New Public Management) fondé sur une logique de performance comme pour les entreprises privées. Dès lors, exit les questions de moyens, bienvenues aux missions, programmes et actions...
Le fonctionnement du budget de l'État
Quoi de mieux qu'une petite vidéo pour résumer à grands traits le fonctionnement du budget de l'État ?
Les missions du budget
Voici ci-dessous les 32 missions du PLF 2024 avec le montant alloué à chacune d'elles :
[ Source : PLF 2024 ]
Arbitrages du budget 2024
Il n'est pas question ici de détailler par le menu la totalité des dépenses et recettes, mais juste de comprendre les arbitrages rendus. L'infographie ci-dessous résume les principaux chiffres à retenir :
[ Source : Sud Ouest ]
Il ne faudrait cependant pas en déduire qu'il s'agit là d'un budget de relance, d'autant que l'inflation est passée par là. Ce serait un monumental contresens au vu des "économies" (terme politiquement correct pour désigner des coupes dans les dépenses) qui étaient à l'origine envisagées et que le contexte social explosif a modérées. Alors qu'il était question de quelque 25 milliards d'euros de baisses de dépenses, il n'en reste en fin de compte plus que 16 et, encore, il s'agit essentiellement de la non-reconduction des dispositifs de crise (bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité, aides aux entreprises énergivores) :
[ Source : Le Monde ]
Dépenses et recettes du budget
Au total, selon le PLF 2024, ce sont 511,6 milliards d’euros de dépenses nettes qui seront financées par seulement 372,1 milliards d’euros de recettes nettes :
[ Source : PLF 2024 ]
Du déficit budgétaire au déficit public
Autrement dit, le budget 2024 affiche un déficit budgétaire de 144,5 milliards d'euros ! Et si l’on élargit au solde public, qui inclut les dépenses et recettes de toutes les administrations (État, collectivités, Sécurité sociale et administrations publiques diverses), il s'agit là encore d'un déficit (public) :
[ Source : PLF 2024 ]
4,4 % en 2024 contre 4,9 % en 2023, c'est toujours encore très loin du plafond fatidique des 3 % qui obnubile le gouvernement et la Commission européenne. La menace d’une procédure pour déficit excessif de la part de la Commission européenne plane donc toujours au-dessus de la France, même si le carcan budgétaire européen s'est provisoirement relâché depuis la pandémie…
La dette publique
Quant à la dette publique, son niveau atteindrait 109,7 % du PIB en 2024 (notez la précision...), au moment même où les taux d'intérêt sont repartis à la hausse comme le montre le graphique ci-dessous (taux des OAT à 10 ans):
[ Source : Boursorama.com ]
Heureusement que la maturité moyenne de la dette publique de l'État français est assez élevée (environ 8 ans), ce qui n'oblige pas à un renouvellement trop rapide en cette période de taux élevés. Mais la tendance n'est pas bonne, surtout si l'endettement public ne sert pas à préparer l'avenir de la société française (transition écologique, changement de régime d'accumulation, rénovation immobilière...).
Enfin, que dire des hypothèses retenues par le gouvernement pour construire ce budget, hypothèses que le Haut Conseil des finances publiques a qualifiées "d'optimistes" ? La ficelle est grosse, mais fonctionne toujours : embellir le budget sur le versant des recettes (augmentation des rentrées fiscales de 4 % sans hausse de la pression fiscale, à la faveur d'une hypothèse de croissance très optimiste et de l'inflation), pour ne pas avoir à mécontenter trop de monde sur le versant opposé des dépenses. Bref, les ajustements sont repoussés à 2025 en espérant qu'il n'y ait aucune autre crise d’ici là...
P.S. L'image de ce billet provient de cet article du site L'Action agricole picarde