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10 juillet 2012 2 10 /07 /juillet /2012 10:42

 

europ.jpg

 

Voilà bientôt 5 ans qu'au travers de mes conférences, cafés économiques, interventions dans les médias, articles et livres, j'explique la nature de la crise que nous connaissons et les moyens d'y faire face. Nous sommes au reste nombreux à le faire, les économistes atterrés en étant à leur 3e livre si je ne m'abuse. Or, force est de constater que le bon diagnostic n'a toujours pas été posé par certains politiques - de gauche comme de droite du reste -, soit qu'ils campent sur une explication qui les arrange politiquement soit qu'ils n'y comprennent rien... Souvenez-vous ainsi de cette intervention :

 

 

ou encore de celle-ci :

 

 

Dans les deux cas la crise est présentée comme étant la résultante d'un endettement excessif des États et des administrations publiques. Alors que Nicolas Sarkozy parlait de rembourser la dette publique (1 700 milliards d'euros, sic !), Christine Lagarde se réjouissait en 2010 de la création prochaine d'un nouveau pacte européen de rigueur budgétaire, dont les prescriptions de rigueur envoient un à un les États européens au tapis : Grèce, Portugal, Espagne, Irlande,...

 

Pourtant l'aveuglement se poursuit avec le traité européen TSCG auquel j'avais consacré tout un billet. J'y expliquais notamment qu'il s'agissait d'un accord intergouvernemental - imposé par la France et l'Allemagne -, engageant les 17 États-membres de la zone euro et quelques volontaires kamikazes à renforcer la discipline budgétaire au sein de la zone euro avec pour objectif d'aboutir à l'équilibre des budgets nationaux. Bref, toujours ce constat dogmatique du surendettement des États...

Mais quelle est donc la vraie nature de la crise au sein de la zone euro ?

La réponse se trouve sur les deux graphiques ci-dessous :

DE1.jpg
[ Source : Natixis, flash économie n°366 ]

DE2.jpg
[ Source : Natixis, flash économie n°366 ]

 

Il s'agit donc d'une crise de la balance des paiements ! Pour mémoire, la balance des paiements retrace sous une forme comptable l'ensemble des flux d'actifs réels, financiers et monétaires entres les résidents d'une économie et les non-résidents au cours d'une période déterminée. L'Espagne, l'Italie, la Grèce et les autres pays en difficulté ont un déficit extérieur structurel (c'est-à-dire une balance courante structurellement déficitaire) qui les oblige à s'endetter sans cesse à l'étranger. Or, cette dette extérieure est devenue excessive au point de rebuter les prêteurs non-résidents à continuer de prêter. Ces pays n'arrivent par conséquent plus à financer leur déficit extérieur et renouveler leur dette extérieure.

 

Comme ces pays font partie de la zone euro, leurs difficultés extérieures ne se traduisent plus par des variations de taux de change... mais par des taux d'intérêts très élevés (cliquez sur l'image pour l'agrandir) !

taux-d_interet.jpg
[ Source : Monde diplomatique ]

 

Et lorsqu'un pays n'arrive plus à financer son déficit extérieur en raison de taux d'intérêt stratosphériques, il ne lui reste plus qu'à faire appel à court terme aux prêteurs publics : FMI, troïka, FESF, MES bientôt,... Il est évident que cette situation est intenable à long terme puisque les institutions publiques ne peuvent prêter sans cesse des fonds à un pays.

 

Quelles sont les solutions pour arrêter cette crise ?

 

Il n'existe que deux possibilités à ce stade :

 

* créer une Union européenne fédérale où les déficits extérieurs sont compensés par des flux de revenus en provenance des pays excédentaires.

 

* faire disparaître le déficit extérieur si personne n'est prêt à prêter des fonds aux pays en difficulté

 

La première solution relevant actuellement plus du fantasme que de la réalité prochaine, les pays cherchent essentiellement à faire disparaître leur déficit extérieur comme l'a fait l'Irlande en 2010. Rappelons que la balance courante résulte principalement de la balance commerciale (solde entre la valeur des biens exportés et la valeur des biens importés), de la balance des services, et des échanges de revenus (rapatriement de l'épargne des travailleurs immigrés, revenus reçus sur les actifs détenus à l’étranger, paiements d’intérêts sur la dette extérieure,…).

 

Comme il est très difficile d'avoir une emprise à court terme sur les échanges de revenus, les gouvernements concentrent leurs efforts sur l'amélioration de la balance des biens et services afin de faire disparaître le déficit courant. Or, comment améliorer les exportations - c'est-à-dire la compétitivité extérieure d'un pays - lorsque l'industrie des produits exportables est de petite taille comme c'est le cas en Grèce ou en Espagne ?

 

Les gouvernements se rabattent dès lors sur une réduction des importations pour faire disparaître le déficit courant. Les importations étant liées positivement aux revenus, ces politiques d'ajustement réel consistent à réduire les coûts salariaux et la demande intérieure. Dans le jargon économique, on dit qu'ils cherchent à réduire la demande intérieure au niveau de la capacité de production. Or, ces politiques économiques de rigueur conduisent à une forte hausse du chômage mais aussi à une baisse de la production et de la demande intérieure, ce qui aggrave encore plus le déficit budgétaire et réduit le pouvoir d'achat des ménages !

 

En définitive, si la zone euro ne développe pas un véritable fédéralisme pour compenser les écarts de compétitivité, les pays en difficulté ne pourront bientôt plus supporter politiquement, socialement et économiquement ces politiques de rigueur et devront dès lors envisager de quitter l'union monétaire avec toutes les conséquences désastreuses que l'on peut imaginer ! Mais pour cela, il faudrait d'abord que les dirigeants politiques ouvrent les yeux sur la nature exacte de la crise de la zone euro !

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commentaires

J
Oui on verra comme se terminera ce débat fort intéressant mais qui se déroule, c'est bien dommage dans un contexte fort inquiétant. :s
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R
<br /> <br /> Vous avez raison de dire que le contexte est inquiétant.<br /> <br /> <br /> <br />
J
Je pense tout à fait comme vous que le système de réglementation n'a pas été à la hauteur. Mais je n'accuserai pas avec autant de véhémence le marché qui désigne à mon avis, à la fois tout le monde<br /> et personne mais plutôt les banquiers centraux et les parlements qui ont permis de socialiser des pertes d'entreprises privées. La faillite fait partie de la vie inhérente des entreprises , celles<br /> qui ont réalisé une mauvaise allocation de ressources doivent faire faillite. Je ne vois pas pourquoi en termes de justice et de droits la petite pme bourguignonne qui n'arrive pas à trouver des<br /> débouchés mériterait moins d'être sauvé que les mastodontes du système bancaire. Les mécanismes du marché auto-régulateurs n'existe pas( les processus n'ayant pas intresèquement de système de<br /> régulation) mais la responsabilisation des acteurs financiers est possible avec les mécanismes assurantiels adéquats : public ou privé après là est tout le débat démocratique.
Répondre
R
<br /> <br /> Que la faillite fasse partie de "la vie inhérente des entreprises" est un juste constat dont je ne disconviens pas. Mais là où nous ne sommes pas d'accord, c'est<br /> que je ne crois pas que la responsabilisation des acteurs de la finance puisse passer par des "mécanismes assurantiels adéquats". C'est du reste tout le débat actuel dont nous verrons bien sur<br /> quoi il débouchera :-)<br /> <br /> <br /> <br />
J
Merci pour votre réponse M.Didier. Mais à mon avis l'économie ne doit pas être intrinsèquement lié au politique sinon on en arrive au planisme, mode d'organisation économique qui a échoué. Les<br /> marchés qui sont des processus complexe d'échanges décentralisées sont bien plus efficace. Ils doivent être simplement encadré par un état qui offre un cadre juridique et fiscale stable (qui ne<br /> change pas tous les 5 ans)et qui ne décourage pas l'épargne permettant à long terme l'investissement et l'emploi.
Répondre
R
<br /> <br /> Nous sommes donc en opposition sur notre vision de l'économie, même si je ne remets pas forcément en cause toute l'économie de marché. Je constate simplement que<br /> l'autorégulation par les marchés a échoué et que la régulation pratiquée depuis plus de 30 ans n'a pas permis de prévenir les crises.<br /> <br /> <br /> Au reste, la crise des subprimes est devenue l'apothéose d'une régulation inefficace qui témoigne que, au-delà des re-régulations souhaitées par les<br /> gouvernements, c'est l'organisation même du système économique qui est à revoir (formation des taux d'intérêt et de change notamment).<br /> <br /> <br /> <br />
J
Votre blog est sympa, certaines de vos analyses pertinentes mais c'est vraiment dommage que certains de vos articles soit si orienté politiquement.
Répondre
R
<br /> <br /> L'économie n'est pas une sphère indépendante du politique comme on a pu le croire pendant quelques années. Au contraire, la crise prouve que seule la refondation<br /> d'une économie politique sera à même de fournir des réponses efficaces au marasme que nous connaissons...<br /> <br /> <br /> <br />
O
Merci pour votre article très limpide.
Répondre

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